publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Neurologie

Publié le 31 mai 2008Lecture 5 min

Diagnostic d’une douleur des membres inférieurs chez un patient diabétique

H. GIN, CHU Groupe sud, Pessac, Bordeaux

Un de nos collègues adresse un de ses patients âgé de 62 ans, maçon de profession, diabétique de type 2 connu depuis une dizaine d’années.
Cet homme présente un surpoids : 85 kg pour 1,72 m ; il est traité par une association sulfamide-metformine et son HbA1c est à 7 %.
Ce patient a consulté à plusieurs reprises son médecin traitant parce qu’il présente des douleurs nocturnes exacerbées la nuit, qui le conduisent à mettre ses pieds hors du lit, à marcher pieds nus quelques instants.
Un examen Doppler a été demandé qui montre une surcharge athéromateuse diffuse distale au niveau des deux jambes ; un vasodilatateur artériel a été prescrit mais les douleurs restent identiques. C’est dans ces conditions que le patient est adressé, avec plusieurs questions :
• S’agit-il d’une pathologie artérielle ou doit-on penser à autre chose ?
• Doit-on pratiquer un électromyogramme, car les réflexes ostéotendineux sont absents à l’examen clinique ?

L'interrogatoire de ce patient permet de préciser que, certes, les douleurs apparaissent la nuit, elles sont importantes mais le patient se lève parce qu’elles sont déclenchées par le contact avec les draps ; par ailleurs, la marche n’est pas douloureuse, il n’existe pas de notion de périmètre de marche. L’examen confirme l’absence des réflexes ostéotendineux mais ne retrouve aucune autre anomalie et les pouls périphériques sont perçus. Enfin, sur le plan paraclinique il ne semble pas exister de grosses complications du diabète, puisque la clairance de la créatinine est mesurée à 88 ml (formule MDRD), la microprotéinurie est à 16 mg/24 h et le fond d’œil ne montre que quelques microanévrismes.   Existe-t-il des arguments en faveur d’une douleur de type neuro-pathique ou de type vasculaire ?   Telle est la première question à se poser devant un tel tableau. La sémiologie douloureuse est relativement significative : • les douleurs présentées par le patient sont strictement distales ; • elles apparaissent au repos uniquement, de manière nocturne et sont décrites comme des dysesthésies, voire des allodynies cutanées (déclenchées par le contact des draps ou des vêtements) ; • par ailleurs, la douleur est bilatérale, elle peut donc être neurologique ; • elle est de repos, il ne s’agit donc pas d’une claudication ; certes, le patient se lève pour la calmer, mais il ne s’agit pas d’une douleur conduisant à prendre la position jambes pendantes en cour de nuit ; • enfin, la notion d’allodynie cutanée est très évocatrice d’une pathologie neurologique. Un questionnaire a d’ailleurs été récemment développé et validé pour orienter le diagnostic ; il est fondé sur quatre questions (encadré). Ce questionnaire est une aide au diagnostic des syndromes douloureux de nature neuropathique. Il permet d’établir un score qui conduit à un diagnostic syndromique de douleur neuropathique avec une sensibilité à 82,9 % et une spécificité à 89,9 % pour un seuil de score à 4/10. Il s’agit donc d’un outil complémentaire à celui de l’interrogatoire ; c’est un outil clinique permettant de parvenir au diagnostic syndromique de douleur neuropathique ; c’est un outil validé. Dans ces conditions, le Doppler artériel présente-t-il un intérêt pour un diagnostic étiologique de douleurs nocturnes sans périmètre de marche ?   La réponse est formellement non Le patient est diabétique, il présente quelques lésions micro­angiopathiques : son fond d’œil  montre des microané-vrismes et de la même manière on a de fortes chances de trouver une surcharge athéromateuse diffuse si on lui fait un Doppler artériel. Cela ne veut en aucun cas dire que la surcharge athéromateuse diffuse est responsable des douleurs des membres inférieurs et qu’il y a une artérite clinique.   La recommandation de bonne pratique clinique vis-à-vis du diagnostic d’artérite Elle se caractérise par un diagnostic clinique basé sur la notion de périmètre de marche, de disparition des pouls péri­phériques, de modification de l’IPS, et ce n’est qu’une fois que le diagnostic clinique est établi que le Doppler sert à une topo­graphie des lésions. Cette recommandation de bonne pratique précise donc que le Doppler ne permet pas de faire un diagnostic d’artérite. On conçoit donc dans ces conditions qu’à partir du moment où, chez ce patient, il n’y a pas de notion de péri­mètre de marche, pas de notion de claudication et que les pouls périphériques sont perçus, il n’y a pas d’indication à réaliser un Doppler des membres inférieurs.   Des examens complémentaires sont-ils utiles pour aller plus loin dans l’analyse étiologique ?   Nous avons donc établi un diagnostic syndromique de douleur neuropathique. Bien sûr, l’examen clinique doit être complet, portant sur la recherche de signes neurologiques discrets sous forme d’hypoesthésie dans les territoires douloureux, de modification du sens vibratoire ou du sens tactile et de modifications trophiques au niveau des orteils ou des jambes.   Quelle est l’origine de la douleur neuropathique ?   À ce stade, la nature de la douleur est établie par l’anamnèse, la nature neuropathique de cette douleur est établie par le DN4, mais l’origine de la douleur neuropathique reste à établir. Chez un patient diabétique présentant des manifestations distales et symétriques au niveau des membres inférieurs, ne présentant aucun signe au niveau des membres supérieurs ou dans les autres territoires, il n’y a pas lieu d’avoir recours à un électromyogramme pour confirmer le diagnostic. Il faut rappeler que la sensation de douleur est le plus souvent liée aux petites fibres amyéliniques et qu’il existe même des douleurs neuropathiques tout à fait certaines avec des électromyogrammes normaux. Il apparaît donc à ce stade que si l’examen clinique est formellement négatif, il n’y a alors pas besoin d’autre examen complémentaire. Il importe cependant de bien savoir que toutes les douleurs neuropathiques chez un patient diabétique ne sont pas une neuropathie diabétique et que c’est dans le cadre des formes atypiques que l’on a besoin de l’avis du neurologue et d’examens complémentaires biologiques. Les atypies essentielles se caractérisent par des manifestations sensitives au niveau des membres supérieurs, ou mieux, des signes cliniques au niveau des membres supérieurs avec entre autres amyotrophie, fasciculation ou autre. L’avis du neurologue est alors obligatoire. Certes, la neuropathie diabétique douloureuse est une atteinte sensitive de longueur dépendante, ce qui signifie qu’il peut y avoir une atteinte des membres supérieurs si l’atteinte des membres inférieurs remonte très haut. Cependant, lorsqu’un patient présente des manifestations distales au niveau des membres inférieurs et que l’examen neurologique trouve des signes aux membres supérieurs, il faut alors se méfier des autres causes de neuropathie dou­loureuse : vascularite, neuropathie carentielle… et c’est à ce stade de l’examen clinique que certains examens complémentaires deviennent licites. Enfin, dans le cadre d’une sémiologie douloureuse des membres inférieurs, il faut se souvenir qu’il y a la neuropathie douloureuse, l’artérite avec sa claudication, mais aussi les pathologies articulaires aussi bien de genou que de hanche, les canaux lombaires étroits, et parfois les pathologies veineuses où la description du syndrome des jambes lourdes peut être rapportée comme douloureux.   Au total   Le tableau de notre patient semble relativement typique : pathologie douloureuse distale des membres inférieurs sans claudication, survenant au repos, caractérisé par des manifestations dysesthésiques et des allodynies, avec un examen clinique négatif aux membres supérieurs, des pouls périphériques perçus aux membres inférieurs. Ce tableau est caractéristique d’une neuropathie diabétique douloureuse ; il ne justifie pas d’autre examen complémentaire et doit conduire à une prise en charge thérapeutique classique de la neuropathie douloureuse.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème