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Diabète et médecine interne

Publié le 31 aoû 2011Lecture 7 min

Évaluation cognitive chez le diabétique âgé

B. GONZALES, E. LORISSON, C. VERNY, Unité de gériatrie aiguë, CHU de Bicêtre

Diabète et démence sont deux pathologies dont la prévalence augmente avec l’âge. Les deux maladies sont liées, et le diabète est un facteur de risque de démence (multiplication par 2 à 4 du risque de démence vasculaire). Ces pathologies sont des marqueurs de fragilité, risquant de précipiter le sujet âgé vers une perte d’autonomie. Un des objectifs en gériatrie est de retarder, le plus longtemps possible, l’entrée dans la dépendance et de maintenir la qualité de vie.  La prise en charge d’un diabétique dément, quel que soit l’ordre d’apparition de ces deux pathologies, doit être spécifique, avec des objectifs  glycémiques et des modalités thérapeutiques adaptés au degré de dépendance fonctionnelle et cognitive. Repérer à temps un déficit mnésique ou un syndrome dysexécutif et les explorer doit donc faire partie de la surveillance d’un diabétique âgé de plus de 75 ans.

L’évaluation cognitive chez un diabétique âgé   Quand la faire ? Plusieurs obstacles s’opposent au diagnostic précoce d’une démence chez les sujets âgés. Au cours de la prise en charge d’une maladie chronique, lorsque l’on suit le patient depuis plusieurs années, on peut parfaitement passer à côté de troubles cognitifs débutants. Ces troubles vont évoluer de façon insidieuse, mais, déjà, empêchent le patient d’être autonome dans la gestion au quotidien de son diabète. La difficulté vient également de l’anosognosie habituelle du patient, et d’ailleurs aussi de sa famille qui a tendance à banaliser les troubles. Ainsi, après 70 ans, 68 % des diabétiques ont des troubles cognitifs passés inaperçus. C’est pour toutes ces raisons qu’un certain nombre d’experts préconisent une évaluation cognitive systématique, tous les 1 ou 2 ans, chez les diabétiques de plus de 75 ans. À un stade plus avancé, c’est la famille qui fait part de son inquiétude concernant la prise des médicaments ou la gestion de l’insulinothérapie. Le médecin traitant est alors un interlocuteur indispensable, puisqu’il a souvent une vision directe de l’organisation du domicile. Certains signes doivent alerter lors de la consultation : – une perte de poids, sans étiologie retrouvée et pouvant témoigner d’une désorganisation des repas ; – une mauvaise tenue du carnet glycémique, inhabituelle ; – des oublis de rendez-vous ou de contrôle des bilans biologiques ; – un déséquilibre glycémique inexpliqué, des erreurs lors des resucrages ; – une moins bonne hygiène ; – une observance thérapeutique devenue médiocre. Ces signes ne doivent pas être négligés. Pourquoi l’évaluation cognitive est-elle importante chez les diabétiques âgés ? Même chez les sujets âgés, un symptôme anormal doit conduire à l’établissement d’un diagnostic précis. Ici, il est important de faire la part entre le vieillissement normal et la pathologie. La différence fondamentale entre les deux est le retentissement sur l’autonomie, inexistant dans le premier cas. Ensuite, le bilan cognitif fait partie de l’évaluation gériatrique globale, dont l’objectif n’est pas de remplir des échelles, mais de repérer une certaine fragilité, c’est-à-dire des risques (risques de chute, de dénutrition, de dépression, de démence, etc.), ou déjà une perte d’autonomie pour certains actes de la vie quotidienne, afin de pouvoir mettre en place une stratégie de prévention et des aides. Entrer dans le détail de l’organi­sation de la vie quotidienne au domicile est un axe fondamental du soin donné au diabétique âgé. Qui assurera l’hygiène, en particulier des dents et des pieds ? Qui va faire les courses, préparer les repas, vérifier la régularité de l’alimentation ? Qui va faire et interpréter les glycémies capillaires, gérer le traitement, faire les injections d’insuline ? Le patient peut-il réagir correctement face à une hypoglycémie ? Seule l’évaluation gériatrique globale permet de répondre à toutes ces questions. La présence d’un proche lors de la consultation est donc essentielle, permettant de préciser tous ces éléments. Sinon, il faudra rechercher d’autres interlocuteurs : médecin traitant ou aides professionnelles parfois. Comment faire cette évaluation ? Qu’il existe une suspicion clini­que, ou que le bilan soit réalisé de façon systématique, la conduite à tenir est la même. L’interrogatoire du patient et surtout de son entourage permet de rechercher des troubles mnésiques, des erreurs de jugement, des épisodes de déso­rientation temporo-spatiale, et surtout, d’en apprécier le retentissement sur l’autonomie. Il est possible pendant la consultation d’observer, au cours du discours spontané, d’autres anomalies suspectes : manque du mot, utilisation de certains mots (truc, machin, etc.), paraphasie, intrusion… Il faut alors proposer un test simple de dépistage comme le Mini Mental Status de Folstein ou MMS. Sur 30 points, il permet de tester l’orientation temporospatiale, l’apprentissage, l’attention et le calcul, le rappel, le langage et les praxies constructives.  Le temps de passation est d’environ 10 minutes, avec des résultats à pondérer en fonction du niveau socioculturel, de la langue maternelle ou de l’existence de troubles sensoriels associés. En général, un score ≤ 25 fait suspecter un dysfonctionnement cognitif rendant nécessaire un bilan approfondi. Le test de l’horloge permet d’explorer plusieurs fonctions cognitives, comme les praxies, l’orientation. Dans un cercle dessiné, avec un point central, on demande au patient de placer les chiffres, comme sur une pendule, puis de placer les aiguilles pour indiquer une heure précise comme quatre heures moins vingt. Toute anomalie telle qu’une erreur dans l’écriture des chiffres, leur localisation ou le positionnement des aiguilles impose des explorations complémentaires. L’appréciation du retentissement sur l’autonomie est fondamentale. L’interrogatoire, surtout de la famille, permet de repérer des erreurs dans la gestion des papiers administratifs, dans l’utilisation des appareils électroménagers, par exemple. De façon plus systématique, l’autonomie du patient peut être évaluée par l’échelle IADL de Lawton (Instrumental  Activity Daily Living) (8 activités dont les plus significatives sont l’utilisation du téléphone, la gestion des traitements, l’utilisation des transports, la gestion du budget). Ces échelles ne permettent que de suggérer l’existence de troubles sous-jacents et doivent conduire à une consultation spécialisée gériatrique. L’objectif principal de cette consultation est d’éliminer un diagnostic différentiel de la démence, en particulier un syndrome dépressif, 2 à 4 fois plus fréquent chez un diabétique, une dysthyroïdie, une carence en folates ou en vitamine B12, une pathologie cérébrale non dégénérative, vasculaire ou tumorale, ou une hydrocéphalie à pression normale (imagerie cérébrale indispensable, au mieux par résonnance magnétique nucléaire), et d’asseoir le diagnostic positif et étiologique grâce à un bilan psychométrique complet.     Modifications thérapeutiques découlant de l’existence de troubles cognitifs   Une nécessaire réorganisation au domicile La démence s’accompagne par définition d’une perte progressive d’autonomie. Trois axes sont fondamentaux : la gestion du traitement médicamenteux et de la surveillance glycémique, l’organisation des repas et les soins d’hygiène au sens large. L’évaluation gériatrique permet de savoir ce que le patient peut encore faire seul. Si cela n’est plus possible, il faut rapidement déterminer qui fait quoi. Le conjoint ou les enfants avec lesquels il vit peuvent-ils assurer certaines tâches ? Sinon, l’aide d’un travailleur social est indispensable pour mettre en place des aides professionnelles. Des objectifs glycémiques adaptés Aucune donnée ne permet actuellement de savoir si l’équilibre glycémique influe sur le cours évolutif d’une démence, ni dans quel sens. En revanche, les hypoglycémies, sont délétères à plusieurs titres : – elles peuvent passer inaperçues sur ce terrain, où toute tentative d’éducation est quasiment impossible et où la symptomatologie est en général atypique, à type par exemple de syndrome confusionnel surajouté à la démence ; – elles peuvent entraîner des décompensations successives des pathologies chroniques ; – elles altèrent la qualité de vie et l’autonomie restante, par l’intermédiaire d’hospitalisations parfois répétées et prolongées. L’objectif glycémique est donc moins strict avec une HbA1c à 7,5-8 %, voire 8-8,5 %. Au stade de démence sévère (MMS < 10), quand le patient est totalement dépendant d’une tierce personne pour assurer les activités de base de la vie quotidienne, c’est le confort qui prime. Il faut alors assurer les soins de base (hydratation, nutrition) et lutter contre les symptômes liés au diabète (polyurie) ou à l’état grabataire (douleurs, prévention des altérations cutanées). La surveillance glycémique devra être renforcée lors d’épisodes aigus, notamment infectieux (fréquence des pneumopathies d’inhalation à ce stade de la maladie démentielle) pour éviter toute décompensation du diabète sur un mode hyperosmolaire. L’insulino­thérapie est le traitement de choix à ce stade. Une surveillance spécifique Surtout dans les stades légers ou modérés de la démence, l’objectif prioritaire est de freiner la perte d’autonomie. La prévention des complications « gériatriques » du diabète est primordiale : dénutrition, dépression, risque de chute (dépistage de l’hypotension orthostatique, kinésithérapie, protecteurs de hanche), pathologie iatrogène… Certaines complications diabétologiques sont particulièrement à risque d’altération de la qualité de vie et source de dépendance. La surveillance ophtalmologique afin de maintenir une fonction visuelle correcte, l’évaluation correcte du risque vasculaire et la mise en place de mesures préventives, la prévention podologique, sont des axes bien plus importants que la recherche à tout prix de la normalité glycémique. Au total   L’évaluation cognitive chez les diabétiques âgés permet de repérer, le plus précocement possible, des situations au cours desquelles il est nécessaire d’adapter la prise en charge au quotidien, de centrer l’objectif sur la prévention de la perte d’autonomie et des pathologies iatrogènes. Les décisions thérapeutiques concernant ces patients doivent faire intervenir le diabétologue, certes, mais dans une discussion multidisciplinaire avec le médecin traitant,  le gériatre et l’ensemble des professionnels au domicile.   Points forts   L’existence de troubles cognitifs chez un patient diabétique nécessite des adaptations thérapeutiques avec des objectifs glycémiques moins stricts pour éviter les hypoglycémies. La prise en charge est globale et l’organisation du domicile aussi importante que les choix thérapeutiques. Les complications ophtalmologiques, vasculaires et podologiques altèrent autonomie et qualité de vie et doivent être dépistées même chez le patient dément. Les complications gériatriques du diabète (dénutrition, chute, dépression) devront également être dépistées. La prise en charge du diabétique âgé est multidisciplinaire faisant intervenir  médecin traitant, diabétologue, gériatre et intervenants professionnels au domicile.

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