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Diabète et médecine interne

Publié le 31 aoû 2009Lecture 7 min

Hémochromatose et diabète

V. KERLAN, Hôpital de la Cavale Blanche, Brest

L’hémochromatose est une affection génétique liée essentiellement à la mutation du gène HFE, dont la pénétrance est assez faible. L’apparition et la gravité du diabète de l’hémochromatose sont en relation directe avec le degré et sans doute la durée de la surcharge en fer. Le mécanisme physiopathologique en est mieux connu actuellement. Le traitement du diabète de l’hémochromatose est non différent de la pratique habituelle en diabétologie en dehors des saignées qui contribuent à l’amélioration glycémique surtout au début mais le meilleur traitement est préventif, par les saignées précoces, d’où l’intérêt du dépistage de l’hémochromatose dans les familles à risque.

Relation entre l’hémochromatose et le diabète   La prévalence du diabète de l’hémochromatose a diminué La précocité actuelle du diagnostic d’hémochromatose, suspecté sur une anomalie du métabolisme du fer exploré beaucoup plus systématiquement depuis 10 à 20 ans, a permis de diminuer considérablement le nombre de diabétiques dans cette population. Seulement 5 à 10 % des nouveaux cas diagnostiqués sont diabétiques, selon les dernières études1.   Fer et anomalie glycémique La responsabilité du fer dans l’apparition du diabète est étayée par la fréquence élevée de diabète et d’intolérance au glucose observée dans les surcharges en fer post-transfusionnelles. Chez les patients multitransfusés, la glycémie est corrélée avec le nombre de transfusions reçues. L’administration de chélateurs du fer peut diminuer le risque d’intolérance au glucose chez les patients thalassémiques multitransfusés. Il existe une relation directe entre l’importance de la surcharge en fer, appréciée par la concentration ferrique du foie et l’existence d’un diabète, comme cela a été montré par différentes études dans l’hémochromatose mais aussi dans des populations non hémochromatosiques. Le taux de ferritine est un facteur prédictif important et indépendant dans le développement d’un diabète dans l’EPIC Norfolk Prospective Study.   Faut-il rechercher une hémochromatose chez les diabétiques ? La faible pénétrance des mutations du gène HFE, l’existence de gènes modulateurs et de facteurs d’expression phénotypique liés à l’environnement expliquent pourquoi il n’est pas actuellement recommandé de proposer un dépistage systématique de l’hémochromatose, mais un dépistage familial (recommandations HAS, juillet 2005)2. Il n’est pas non plus recommandé de rechercher systématiquement une hémochromatose chez un diabétique nouvellement diagnostiqué, sauf en cas de cirrhose associée ou d’autre condition classique évocatrice (arthralgies, asthénie importante, chondrocalcinose, hypogonadisme). En dehors du contexte familial, le dépistage repose sur le coefficient de saturation de la transferrine dosé à jeun, qui nécessite la recherche de la mutation dès qu’il est supérieur à 45 %. Rechercher une hémochromatose chez un diabétique si : • Cirrhose • Chondrocalcinose • Antécédents familiaux   Génétique de l’hémochromatose   Deux  mutations principales : C282Y et H63D L’hémochromatose génétique ou héréditaire est liée à des mutations de certains gènes impliqués dans le métabolisme du fer, responsables de l’absorption intestinale accrue du fer. La fréquence des mutations du gène HFE s’explique par l’avantage de sélection qu’elle a longtemps représenté chez les femmes et les enfants qu’elle protégeait de l’anémie par carence en fer. La forme de loin la plus fréquente est l’hémochromatose de type 1 due à une mutation du gène HFE, de transmission autosomique récessive. Deux mutations principales ont été décrites : C282Y et H63D. En France, plus de 80 % des sujets sont homozygotes C282Y. La prévalence de l’homozygotie C282Y varie selon les régions du globe ; elle est de l’ordre de 0,3 % de la population en France. Les autres patients sont dans une large proportion hétérozygotes composites C282Y/H63D. Peu sont homozygotes H63D  (pays Basque surtout).   L’hétérozygotie est-elle un facteur de prédisposition au diabète ? L’hétérozygotie  pour la mutation C282Y est très discutée comme une éventuelle prédisposition à un risque de diabète et de pathologie cardiovasculaire. D’après la métaanalyse récente de Ellervik, seul le génotype C282Y homozygote prédispose au diabète. L’homozygotie C282Y du gène HFE prédispose au diabète de type 2.   Physiopathologie du diabète de l’hémochromatose   Il semble bien établi actuellement que le facteur génétique ne joue pas un rôle par lui-même mais qu’il s’agisse uniquement de la surcharge en fer. Le rôle diabétogène de l’excès de fer tissulaire est confirmé par les différentes études. Il s’agit d’un diabète indépendant du diabète de type 1 ou de type 2, classé à part dans la classification de l’ADA en 1997.   Atteinte essentiellement de l’insulinosécrétion L’atteinte sélective des cellules bêta entraîne une diminution de la sécrétion d’insuline et de peptide C. Les études chez des patients hémochromatosiques à des stades différents de la maladie montrent qu’au stade d’intolérance au glucose, il n’y a pas d’insulinorésistance mais une diminution de la réponse insulinique au glucose ; au stade de diabète, qui survient plus souvent en cas d’obésité ou d’atteinte hépatique associée, apparaît une insulinorésistance alors que l’insulinosécrétion est encore diminuée. Le stade ultime du diabète de l’hémochromatose associe  l’insulinopénie liée à la destruction des cellules bêta du pancréas et l’insulinorésistance aggravée par le développement concomitant de la cirrhose.   Autres mécanismes favorisant le diabète Les facteurs environnementaux, l’excès de graisse viscérale, peuvent favoriser l’expression du diabète, même si le mécanisme essentiel est une perte de l’insulinosécrétion. L’atteinte hépatique, quelle qu’elle soit, favorise les anomalies du métabolisme du glucose. Le contenu musculaire en fer aussi est augmenté, contribuant à l’insulinorésistance périphérique.   Surveillance et traitement du diabète de l’hémochromatose   Complications du diabète de l’hémochromatose Les complications dégénératives du diabète doivent être régulièrement recherchées, comme chez tout diabétique. À âge et ancienneté égaux de diabète, les complications sont aussi fréquentes que dans le diabète de type 1.   Traitement de l’hyperglycémie En dehors des anomalies discrètes de la glycorégulation qui régressent en général après les saignées mais justifient une surveillance biologique prolongée, le traitement du diabète de l’hémochromatose n’a rien de spécifique : diététique, activité physique, hypoglycémiants oraux ou insuline en fonction de la sévérité de l’hyperglycémie et de l’état hépatique. La metformine, les sulfamides hypoglycémiants et les glinides ont l’efficacité hypoglycémique connue dans le diabète de type 2. Les glitazones, pas plus que les inhibiteurs des DPP-4 ou les analogues du GLP1 n’ont été évaluées dans cette pathologie. Le traitement hypoglycémiant est à adapter au degré d’hyperglycémie, parfois difficile à apprécier puisque l’hémoglobine A1c ne constitue pas un examen fiable car faussement abaissée au cours des saignées itératives. Traitement du diabète de l’hémochromatose : • Les saignées améliorent la glycémie. • L’HbA1c n’est pas fiable en cas de saignées.   Déplétion en fer Le traitement approprié d’un patient diabétique porteur d’une hémochromatose génétique comporte la déplétion en fer, selon les recommandations, sous contrôle de la ferritine sérique, reflet des stocks de fer de l’organisme. Mais il faut savoir que le diabète mal contrôlé s’accompagne d’une élévation de la ferritininémie ; l’amélioration du contrôle glycémique s’accompagne d’une diminution de la concentration sérique en ferritine. Il n’y a pas lieu de prescrire un régime « pauvre en fer ». En revanche, il est justifié d’éviter les compléments nutritionnels et vitaminiques contenant du fer et de la vitamine C. Un patient équilibré sous hypoglycémiants oraux est habituellement stabilisé voire amélioré par les saignées ; néanmoins, si le traitement spécifique de l’hémochromatose a été trop tardif, il peut devenir insulinorequérant. Ce stade est définitif mais la déplétion en fer par les saignées itératives permet pour certains de diminuer les besoins en insuline.   Surveillance glycémique d’un patient porteur d’une hémochromatose   Le dosage régulier de la glycémie à jeun est systématique chez les patients atteints d’hémochromatose dès que la ferritine est élevée pour dépister l’apparition d’un diabète (recommandations HAS Juillet 2005). Rechercher une hyperglycémie chez un patient hémochromatosique : À partir du stade 2 (ferritine élevée)   Conclusion   La forme la plus fréquente d’hémochromatose est liée à la mutation du gène HFE. Seules les formes homozygotes C282Y/C282Y sont responsables de diabète. Dès que la ferritine est élevée, il faut vérifier régulièrement la glycémie chez tous les patients hémochromatosiques. Le diabète a d’autant plus de risque d’apparaître que coexistent des facteurs d’insulinorésistance comme la surcharge abdominale ou une atteinte hépatique. La déplétion en fer est essentielle pour améliorer les paramètres glycémiques avant le stade de l’insulinopénie.

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