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Nutrition

Publié le 28 fév 2011Lecture 9 min

L’alimentation du sportif diabétique de type 1

B. BOUILLET, Service d’endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques, CHU de Dijon

L’hypoglycémie est la première complication de l’activité physique chez les sujets diabétiques de type 1. Il existe une relation étroite entre la performance, notamment l’augmentation du temps d’endurance, et le maintien d’une glycémie stable. L’objectif de cet article est de montrer comment une meilleure compréhension du métabolisme énergétique chez le sujet diabétique de type 1 permet une meilleure prise en charge nutritionnelle à l’origine d’une amélioration de la performance.

Métabolisme énergétique à l’effort   Les différentes sources d’énergie La transformation d’une énergie chimique en énergie mécanique permet la contraction musculaire. L’énergie chimique est issue de l’hydrolyse d’une molécule d’adénosine triphosphate (ATP), fournie par trois voies métaboliques. La voie anaérobie alactique (AA) – utilise les faibles quantités d’ATP contenues dans les muscles ; – libération très rapide de l’énergie ; – pas d’apport en oxygène ; – essentiellement dans les sprints courts et les épreuves de sauts et de lancer. La voie anaérobie lactique (AL) ou glycogénolyse – pas d’apport en oxygène ; – énergie fournie de manière optimale au bout de 10 à 15 secondes (puissance plus faible que la voie AA) ; – capacité de fourniture en énergie supérieure à celle de la voie AA ; – elle est dépendante des réserves glycogéniques ; – son facteur limitant : la production d’acide lactique modifie le pH intracellulaire et bloque ou limite certaines activités enzymatiques ; – elle est prépondérante dans les exercices brefs et intenses comme le 200 m et le 400 m. La voie aérobie – principale voie de renouvellement des molécules d’ATP, elle fonctionne en permanence ; – elle est majoritairement utilisée pour les efforts de plus de 2 minutes. Plus l’effort se prolonge plus elle est utilisée ; – ses substrats énergétiques principaux : glucides et lipides ; – elle nécessite la présence d’oxygène.   Utilisation du glucose à l’effort La quantité de glucides oxydés à l’effort dépend de la fréquence, de l’intensité et de la durée de l’exercice, ainsi que du niveau d’entraînement. Le cross over concept résume l’utilisation des glucides et des lipides en fonction de l’intensité de l’exercice et du niveau d’entraînement (figure). Les glucides sont issus de la néoglucogenèse hépatique, du glycogène hépatique et musculaire et des apports exogènes.   Réserves glucidiques Elles sont situées dans le muscle et le foie sous forme de glycogène et dépendent du statut nutritionnel et du niveau de pratique sportive. La quantité de glycogène hépatique est d’environ 60 g (250 kcal) à jeun et d’environ 120 g (500 kcal) après un repas. Il permet le maintien nocturne de la glycémie. Le petit-déjeuner joue un rôle important dans sa restauration. Le glycogène musculaire représente 200 à 500 g (800 à 2 000 kcal) chez un individu de 70 kg. Il peut être nettement augmenté par une alimentation adaptée. L’intensité de l’exercice influe fortement sur l’utilisation du glycogène. Plus l’intensité est élevée, plus l’utilisation glycogénique est importante, en raison du délai prolongé de fourniture en énergie à partir des lipides. Le seuil d’épuisement (et donc la performance) est lié aux stocks initiaux en glycogène.   Comment optimiser les stocks en glycogène ?   En période de récupération Seul le glucose permet de restaurer les stocks glycogéniques. Après un effort, la resynthèse du glycogène se fait en deux phases. Première phase : – rapide, entre 30 et 60 minutes ; – indépendante de l’insuline. L’exercice entraîne l’activation de la translocation des transporteurs de glucose (GLUT4) au niveau de la cellule musculaire. L’accélération de la captation du glucose plasmatique favorise la glycogenèse musculaire ; – il est utile d’apporter des glucides à index glycémique élevé dès la fin de l’exercice. Seconde phase : – plusieurs heures ; – l’insuline active la captation du glucose plasmatique et la glycogène synthase. L’absence d’ingestion de glucose dans les heures qui suivent un exercice peut diminuer la resynthèse glycogénique de 50 %.   En période d’entraînement Les apports quotidiens en glucides sont corrélés aux stocks glycogéniques : – apports glucidiques ≤ 4 g/kg/j (± 250 g/j) : resynthèse glycogénique limitée (utilisation prioritaire du glucose vers les organes où son métabolisme est indispensable) ; – apports entre 4 et 8 g/kg/j : synthèse glycogénique directement proportionnelle à l’apport ingéré ; – apports ≥ 8 g/kg/j : plateau de la synthèse en glycogène et stockage de l’excès en glucose sous forme de triglycérides. Figure. Cross-over concept. Réponses endocrines à l’effort Les variations des taux d’insuline, de glucagon et des catécholamines sont résumées dans le tableau 1(1). - Exercice d’endurance L’effort, par voie sympathique, et les catécholamines activent les récepteurs a-adrénergiques, ce qui entraîne une baisse de l’insulinémie. La diminution de l’insulinémie augmente le ratio glucagon/insuline responsable d’une sensibilisation hépatique à l’action du glucagon, qui stimule la glycogénolyse et la néoglucogenèse. L’activation de la translocation des récepteurs GLUT4 à la surface des cellules musculaires permet la captation musculaire du glucose malgré la baisse de l’insulinémie. L’augmentation modérée des catécholamines stimule la lipolyse, permettant l’utilisation des acides gras libres comme source d’énergie.  L’élévation de l’insulinémie après l’effort favorise la reconstitution des stocks glycogéniques.   - Exercice anaérobie  Il s’accompagne de besoins immédiats en glucose importants et d’une élévation des taux de lactates. La forte augmentation du taux de catécholamines (14 à 18 fois la norme) stimule la néoglucogenèse avec une production hépatique de glucose multipliée par 8 et une augmentation de la glycogénolyse musculaire, à l’origine d’une élévation de la glycémie. L’insulinémie reste stable car, même si sa synthèse est diminuée (activation des récepteurs a-adrénergiques), son élimination est aussi diminuée. L’élévation de l’insulinémie après l’effort associée à l’hyperglycémie réactionnelle est propice à la reconstitution des stocks glycogéniques et permet la répétition d’efforts anaérobies.   Spécificités métaboliques du sujet diabétique de type 1 à l’effort   Hypoglycémie Pour les efforts anaérobies brefs et intenses, la réponse hormonale est similaire à celle du sujet sain et se traduit par une tendance à l’hyperglycémie. À l’arrêt de l’effort, l’absence d’élévation de l’insulinémie ne permet pas une reconstitution optimale des stocks glycogéniques. L’hypoglycémie prédomine pour les efforts d’endurance et est multifactorielle : - l’apport exogène d’insuline entraîne l’absence de diminution de l’insulinémie et le ratio glucagon/insuline n’est pas augmenté, empêchant l’augmentation de la production hépatique de glucose ; - les antécédents d’hypoglycémie entraînent une diminution de la réponse hormonale de contre-régulation ; - certains signes d’hypoglycémie peuvent être confondus avec des signes inhérents à l’effort ; - l’activation prolongée des récepteurs GLUT4 (jusqu’à 24 heures) explique les hypoglycémies tardives.   Altération de la performance chez le sujet diabétique de type 1 ? Une baisse des performances et une asthénie précoce sont souvent observées chez les sujets diabétiques. Les hypoglycémies (cf. supra) sont le premier facteur de contre-performance, puisque l’augmentation du temps d’endurance est en relation étroite avec la baisse de la glycémie. Une baisse de la capacité maximale aérobie a été évoquée en comparant une population diabétique de type 1 à une population saine (VO2max à 41,57 vs 51,12 ml/kg/min)(2). Une étude antérieure similaire ne confirme pas ces résultats(3). L’utilisation des substrats énergétiques est comparable à celle des sujets sains en situation d’euglycémie (effort prolongé à intensité modéré), alors qu’en hyperglycémie, il persiste une utilisation prédominante du glucose. Cela peut conduire à un épuisement plus rapide des stocks glycogéniques et donc à un épuisement prématuré(4). Une oxydation du glycogène musculaire plus importante chez les sujets diabétiques de type 1 a été observée, ce qui augmenterait l’utilisation des réserves glycogéniques et favoriserait la fatigabilité(5).   Alimentation en pratique     Les apports glucidiques et l’hydratation jouent un rôle majeur. Les apports lipidiques et protidiques ne doivent pas être pour autant négligés, tout comme les aliments à haute densité nutritionnelle pour l’apport en micronutriments. L’alimentation est adaptée au type d’exercice, à sa durée et au niveau de performance du sportif.   Prévention de l’hypoglycémie La prise d’hydrates de carbones semble être la mesure principale pour prévenir l’hypoglycémie ; l’adaptation des doses d’insuline intervient pour des efforts de longue durée. Le tableau 2 dresse une conduite à tenir en fonction de l’intensité et de la durée de l’effort(6). La pratique d’un sprint de 10 secondes à intensité maximale peut être proposée avant un effort prolongé. Elle minimise la baisse de la glycémie observée après l’effort.   Apports et répartition alimentaires La quantité de glucides est adaptée à la durée et à l’intensité des séances d’entraînement, en favorisant les glucides à index glycémique bas. La quantité de protéines est adaptée au type d’exercice (musculation), aux périodes d’entraînement et au poids corporel, en l’absence de pathologie néphrologique nécessitant des apports protéiques limités à 0,8 g/kg/j. La qualité des lipides joue un rôle important dans les efforts de longue durée, à l’origine d’une diminution des capacités de déformation érythrocytaire, d’une vasoconstriction et d’une hyperagrégation plaquettaire. L’acide linoléique (10 g/j) restaure la déformation érythrocytaire et diminue la saturation membranaire. L’acide a-linolénique (2 g/j)  diminue l’agrégation plaquettaire. L’excès lipidique est à éviter avant un effort pour diminuer le risque de cétose. En période d’entraînement La répartition alimentaire (en pourcentage des apports énergétiques quotidiens) dépend du niveau de pratique et du type d’activité : • sportif occasionnel (< 3 séances par semaine) : glucides : 50-55 %, lipides 30-35 %, protides 15 % ; • sportif régulier (≥ 3 séances par semaine) : – sports d’endurance : glucides : 60-70 %, lipides : 15-25 %, protides : 15 % ; – sports de force : glucides : 50-55 %, lipides : 15-25 %, protides : 15-35 %. Un modèle de répartition alimentaire est proposé dans l’encadré 1. En période précompétitive (3 jours avant la compétition) – pas de restrictions alimentaire et hydrique ; – augmenter la part des glucides (en veillant à augmenter les doses d’insuline au besoin) et diminuer celle des lipides, pour garder le même apport énergétique. Le jour de la compétition – dernier repas au minimum 3 heures avant l’épreuve (ne pas compromettre le débit sanguin musculaire au profit du débit sanguin digestif et assurer le confort digestif) ; – exclure les aliments fermentés, préférer les aliments pauvres en matières grasses et  les fruits et légumes sans fibres « irritantes » ; – hydratation régulière, en petites quantités. Après la compétition – reconstituer les stocks glycogéniques et se réhydrater ; – le repas devra être riche en glucides. S’il est pris plus d’une heure après la fin de l’effort, il conviendra d’apporter une collation avec 1,5 g/kg de glucides.   Hydratation  Les pertes hydriques à l’effort peuvent être majeures et atteindre jusqu’à 1,5 litres pour un effort en atmosphère chaude et humide. La conséquence première de la déshydratation est la baisse des performances physiques (et notamment de l’endurance aérobie) dès une perte hydrique équivalente à 1 % du poids corporel. La déshydratation majore le risque de blessures, notamment musculaires et tendineuses et altère la récupération (encadré 2). En pratique   Les patients diabétiques de type 1 présentent des spécificités métaboliques à l’effort, liées notamment à l’apport exogène d’insuline.  L’hypoglycémie, principale complication à l’effort, est facteur de contre-performance. La modification de l’utilisation du glucose à l’effort peut aussi expliquer une altération de la performance. Les apports en glucides jouent un rôle majeur dans la prévention des hypoglycémies. L’adaptation des doses d’insuline intervient pour les efforts prolongés. L’hydratation est essentielle pour la performance, la prévention des blessures et la récupération.

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