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Études

Publié le 31 mar 2010Lecture 5 min

« Le temps perdu ne se rattrape pas » : la mémoire glycémique

H. GIN, Bordeaux

Le concept de mémoire glycémique est une idée qui relève du bon sens et qui pourtant n’avais jamais été démontrée. Cette idée est basée sur le principe qu’en termes de santé, tous les bienfaits que l’on a acquis pendant une partie de sa vie ne sont pas perdus, et sur le principe que l’obtention d’un bon paramètre métabolique ne peut en aucun cas gommer les mauvais résultats d’hier mais peut être efficace pour l’avenir. En quelque sorte, le paramètre métabolique à un moment donné n’a pas un effet immédiat, mais est plutôt un gage pour l’avenir.

En termes de diabétologie cela signifie que bien sûr un bon niveau d’HbA1c est une bonne chose au temps présent, mais que plusieurs années passées avec une bonne HbA1c ne sont pas perdues pour l’avenir ; bien au contraire, elles sauront maintenir leur acquis. Cela a été démontré grâce aux résultats au long cours, obtenus à travers les grandes études réalisées ces dernières décennies, dont chacun d’entre nous a déjà entendu parler pour au moins deux d’entre elles : DCCT et UKPDS.   DCCT L’étude DCCT a été réalisée dans les années 1990 aux états-Unis chez environ 1 441 jeunes patients diabétiques de type 1, la moitié d’entre eux ayant été traités et suivis de manière conventionnelle pendant 10 ans, et l’autre moitié ayant été traités et suivis de manière intensive durant la même période. Le traitement conventionnel consistait à faire 2 injections d’insuline par jour et 2 à 3 glycémies avec très peu d’hypoglycémies, et un suivi médical espacé ; le traitement intensif consistait à faire au moins 3 piqûres d’insuline par jour, au moins 4 glycémies au bout du doigt par jour et avoir un suivi médical et infirmier relativement intense. Au bout des 10 ans, le groupe intensif avait une HbA1c aux alentours des 7 %, le groupe conventionnel aux alentours de 9 % ; il y avait 30 % de complications  de microangiopathie en moins, en termes d’atteinte de l’œil ou du rein chez les patients du bras de traitement intensif et ce, aussi bien en prévention primaire que secondaire ; cela signifie que les mêmes résultats favorables ont été obtenus chez les sujets indemnes de toute complication microangiopathique que chez ceux présentant déjà une lésion  de microangiopathie.   UKPDS L’étude UKPDS a été réalisée en Angleterre chez plus de 5 102 patients diabétiques de type 2 qui ont été, pour la moitié d’entre eux, traités de manière conventionnelle, c’est-à-dire en rajoutant les antidiabétiques au fur et à mesure lorsque les niveaux glycémiques devenaient trop hauts, et l’autre groupe traité de manière intensive en associant très rapidement les différentes médications disponibles pour obtenir les meilleurs glycémies possibles. Il existait, au bout de 10 ans, une différence de 1 % d’HbA1c entre le bras intensif et le bras conventionnel, et il y avait une diminution tout à fait significative du nombre de complications de microangiopathie au niveau de l’œil et du rein.   Suivi à long terme À la fin de chacune de ces deux études, les différences de modalité de traitement entre les groupes conventionnels et les groupes intensifs, engendrées par la randomisation, ont été arrêtées et la différence d’objectifs assignés à chaque groupe a été suspendue : les patients du groupe conventionnel ayant appris les résultats obtenus dans le groupe intensif se sont mis à mieux se soigner, faire davantage de glycémies au bout du doigt, avoir une meilleure HbA1c, mieux se traiter ; parallèlement les patients du groupe intensif se sont un petit peu relâchés, faisant moins de glycémies digitales, étant moins stimulés et moins encadrés par le système de soin, si bien que les HbA1c de l’ensemble des patients ont, dans ces essais, été toutes les mêmes au bout d’un certain temps, qu’ils aient été antérieurement dans le bras intensif ou dans le bras conventionnel. En d’autres termes, les patients du groupe intensif ont un peu dégradé leur HbA1c, alors que ceux du groupe initialement conventionnel, l’ont améliorée. Ces patients, qui avaient alors la même HbA1c, ont été à nouveau suivis pendant les 10 années suivantes de façon observationnelle et non pas de façon protocolaire et interventionniste. Au bout des 10 ans passés avec exactement le même niveau d’HbA1c, les patients du bras intensif gardaient les bénéfices qu’ils avaient acquis, c’est-à-dire qu’ils continuaient à avoir moins de complications au niveau de l’œil, du rein, du cœur et des artères que les patients de l’ancien bras conventionnel ; cette différence se maintenait alors que tous les patients avaient, à ce moment-là, le même niveau d’HbA1c. Cela s’appelle « la mémoire glycémique », c’est-à-dire que les bénéfices qui ont été acquis pendant de nombreuses années ne se perdent pas, même si l’équilibre du diabète se dégrade un petit peu. Le raisonnement a contrario peut bien sûr aussi être fait : s’il y a déjà un certain nombre de complications, on peut probablement en ralentir l’évolution en essayant d’acquérir les bénéfices d’un bon contrôle.   STENO 2 La troisième étude, STENO 2, s’est adressée à des diabétiques qui avaient déjà un temps d’évolution de leur diabète relativement long et des complications dégénératives. Non seulement on a cherché à traiter de manière très efficace l’HbA1c, mais aussi de manière très efficace le cholestérol, le tabagisme, le comportement nutritionnel et l’activité physique : au bout de 8 ans, l’évolutivité de ses complications au niveau de l’œil, du rein et du cœur était bien moindre dans le groupe intensif que le groupe conventionnel. Les résultats sur l’HbA1c étaient meilleurs. Cette phase de l’étude démontrait qu’un traitement de qualité peut ralentir l’évolution des complications liées au diabète. À ce stade de l’étude, la randomisation a été arrêtée et les deux bras (intensif et conventionnel) ont alors évolué vers le même niveau d’HbA1c. Les patients ont été suivis 8 ans de plus de manière observationnelle ; ils ont alors eu des niveaux d’HbA1c identiques, et pourtant, la différence observée à la fin de la prise en charge à continué à s’amplifier malgré un niveau de prise en charge identique durant les années suivantes. Le temps perdu ne se rattrape pas en termes de diabétologie ; ceci est la « mémoire glycémique », mais il n’est jamais trop tard pour bien faire ; c’est ce que nous montre STENO 2. Bien se traiter exerce non seulement un effet bénéfique immédiat, mais permet d’engranger des bénéfices qui ne seront jamais perdus. En quelque sorte, les pourcentages d’HbA1c gagnés sont non seulement un bienfait au temps présent, mais surtout un excellent « placement » pour la santé pour les temps à venir.

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