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Nutrition

Publié le 31 mar 2008Lecture 8 min

Les arômes - Qui sommes-nous ? Où nous trouve-t-on ? (Première partie)

C. COLETTE, L. MONNIER, hôpital Lapeyronie, Montpellier

Alimentation choisie ou régimes subis ? Tel est le dilemme auquel se trouve confronté tout patient soumis à un « programme nutritionnel médicalisé à visée thérapeutique ». Cette dernière périphrase ne fait que cacher les états d’âme des professionnels de la santé vis-à-vis des mesures thérapeutiques qu’ils n’osent pas appeler « régimes ».
En vérité, nul n’ignore la complexité des mesures diététiques et les contraintes qu’elles engendrent. Le manque de suivi en est la conséquence la plus fréquente. Pour que
les « régimes » soient suivis – utilisons encore les guillemets –, il faudrait qu’ils ne soient pas limités à de simples considérations quantitatives mais qu’ils intègrent la dimension de plaisir alimentaire.

Intégrer la dimension de plaisir alimentaire   Dans cette optique, les régimes devraient être prescrits avec un double regard, l’un porté sur la satiété que nous désignerons sous le terme trivial de « plaisir du ventre bien rempli » et l’autre fixé sur le goût ou plaisir des sens. Le premier type de plaisir est rarement assuré lorsque le volume du bol alimentaire est insuffisant. L’alimentation ne remplit pas son rôle satiétogène et le consommateur se lève de table avec une sensation de faim non assouvie. Le deuxième type de plaisir, dit des sens, n’est pas satisfait lorsque l’alimentation n’est pas assez savoureuse. Dans la plupart des cas, deux saveurs simples, le sucré et le salé, sont largement utilisées pour couvrir la majorité des besoins gustatifs d’un individu. Le plaisir des sens est assuré également par la sensation en bouche qui correspond le plus souvent au caractère plus ou moins onctueux de l’alimentation. Le malheur veut que les régimes de restriction calorique les plus fréquents ne remplissent pas ou remplissent mal les fonctions que nous venons de définir : – manque de volume parce que les régimes réduisent les quantités ; – manque d’onctuosité parce que les régimes limitent les apports en graisses ; – manque de goût parce que le salé et le sucré sont en général associés aux calories. Le sel, par lui-même, ne fait pas grossir mais il est souvent contenu dans des aliments riches en nutriments énergétiques : graisses pour les charcuteries et les fromages, graisses et glucides pour les tartes et les feuilletés salés. Le sucre fait grossir quand sa consommation est excessive. Les confiseries, les sucreries, les pâtisseries et entremets sucrés sont riches en calories glucidiques. Pour les pâtisseries et entremets sucrés, la richesse calorique est encore accrue par le contenu en graisses qui peut représenter une part importante de l’aliment : crème au beurre pour les pâtisseries, crème laitière dans les glaces et autres entremets sucrés.   Les composants du goût   Le goût ou palatabilité est un assemblage subtil qui est schématiquement constitué par trois composantes. La sensation en bouche, elle même le fruit de plusieurs composantes :         – l’onctueux qui est fourni par les graisses contenues dans les corps gras (huile, margarine, beurre, mayonnaise), les fromages gras, la crème que l’on utilise pour donner de l’onctueux aux sauces, aux crèmes glacées, à de multiples desserts et les viandes grasses ; – le croustillant et le craquant : la croûte de pain, les biscottes, les biscuits, les produits alimentaires caramélisés. Les saveurs qui sont au nombre de 4 : – deux saveurs sont agréables : le sucré et le salé ; – deux saveurs sont plutôt désagréables : l’acide et l’amer. Les arômes : ils sont plus de 5 000, largement répandus dans la nature. Ils permettent de varier l’alimentation et ils devraient être plus largement utilisés par les consommateurs.   Les arômes   Une solution pour contourner la perte de qualité gustative d’un régime restrictif Équilibrer l’alimentation sur le plan gustatif revient à agir sur les trois composantes de l’alimentation : la sensation en bouche, les saveurs et les arômes. Si on est amené à diminuer les deux premières composantes comme on le fait dans les régimes de restriction calorique, il convient de jouer sur les arômes pour améliorer la qualité gustative de l’alimentation. Dans ces conditions on doit répondre à deux questions préliminaires : qu’est-ce qu’un arôme ? Où les trouve-t-on ? À l’inverse des grandes saveurs – le salé, le sucré, l’acide et l’amer – qui sont toutes perçues au niveau de la langue, les arômes sont perçus au niveau du nez par des récepteurs situés dans les cavités olfactives.   Qui sommes-nous ? En général, les arômes sont des molécules (esters, cétones, composés hétérocycliques) de faible poids moléculaire (< 250), qui en raison de leur structure chimique et de leur petite taille, sont fortement volatiles. Une multitude d’arômes (plus de 5 000) ont été individualisés, mais la plupart dérivent de 16 composants élémentaires qui sont indiqués sur la roue des arômes (figure 1). Les saveurs sont fournies par des molécules en général plus volumineuses que les arômes (sucres, acides aminés, sucre-alcool, acides nucléiques, agents amers comme la quinine). Toutefois, leur poids moléculaire est très variable, allant de 50 à 10 000. Leur absence de volatilité explique qu’elles sont perçues exclusivement par la langue. À titre d’exemple, le sucre (non volatil) est une saveur alors que le caramel (composé cyclique de type énolone), qui provient du sucre après chauffage à haute température, est un arôme. On sent le caramel alors que l’on ne sent pas le sucre. Les arômes perçus par olfaction directe au niveau des narines peuvent être également perçus par rétro-olfaction dans l’oropharynx. Toutes les personnes qui goûtent les arômes du chocolat ou du vin savent que le chocolat ou le vin doivent être maintenus quelques instants dans l’arrière-gorge pour être pleinement appréciés. Les arômes du chocolat et du vin sont des composés volatils qui s’évaporent en se réchauffant dans l’arrière-gorge. Comme pour les saveurs, le conseil à donner pour apprécier totalement les arômes est de manger lentement en évitant d’avaler trop vite les aliments. Dès que l’aliment est passé dans l’œsophage, les arômes ne sont plus perceptibles.   Figure 1. La roue de arômes. Où nous trouve-t-on ? Nous aborderons plus spécifiquement les exemples du vin, des fromages et du chocolat. Les arômes sont largement présents dans la nature. Les légumes, les fruits en contiennent de grandes quantités : il y a 358 arômes dans une fraise. Certains corps gras contiennent des arômes naturels. Tel est le cas des huiles d’olive et de noix. Les autres huiles (tournesol, maïs, etc.) en sont dépourvues car elles sont soumises à un processus de purification industrielle. L’huile d’olive est riche en arômes car elle n’est jamais purifiée. Elle est obtenue par pression filtration. Ce procédé de fabrication rudimentaire venu du fond des âges permet de garder tous les arômes contenus dans le fruit. C’est ce qui explique que les huiles d’olive aient un goût très différent en fonction du terroir d’origine et du procédé de fabrication qui leur est appliqué. Les arômes sont d’autant plus conservés que la filtration est faible. Les arômes sont également obtenus par la transformation des produits naturels sous l’influence de deux processus : la fermentation et le brunissement. Les noms de deux grands biologistes français sont rattachés à ces deux processus : Louis Pasteur pour la fermentation et Louis-Camille Maillard pour le brunissement. Quelques exemples vont permettre de mieux comprendre les choses. Les arômes du vin Les arômes du vin (polyphénols) sont naturellement présents dans la peau du raisin (arômes primaires) mais la fermentation en cuve, qui transforme le jus de raisin en vin, produit de nouveaux arômes qui enrichissent la qualité du vin : ce sont les arômes secondaires. Les arômes tertiaires apparaissent au cours de la phase d’élevage du vin en fût (figure 2). Figure 2. Production des arômes du vin. Les arômes du fromage Ils proviennent de réactions de fermentation dues à la présence de micro-organismes (levures, champignons) qui sont introduits lors de la maturation du fromage (figure 3). Tous les fromages sont fabriqués après coagulation du lait par une enzyme : la présure. Le fromage frais qui en résulte est ensuite soumis à un processus d’affinage qui résulte de traitements physicochimiques (pression, cuisson, etc.) ou biologiques (introduction de micro-organismes : Penicillium roqueforti pour le roquefort, Penicillium camemberti pour le camembert). Ce sont ces micro-organismes qui produisent les arômes. Dans le roquefort, P. roqueforti se développe au cœur de la pâte, tandis que, dans le camembert, P. camemberti ne se développe que dans la croûte. Ainsi, une personne qui consomme le camembert en enlevant la croûte se prive de la plupart des arômes contenus dans le camembert. Les fromages trop stérilisés (destruction des micro-organismes) sont souvent dépourvus d’arômes. Figure 3. Fabrication des fromages. Les arômes du chocolat Ils se trouvent dans le cacao qui est le composant majeur du chocolat noir. Le cacao est extrait de la fève de cacao qui subit deux processus successifs : une fermentation qui dure plusieurs mois, suivie par une torréfaction (chauffage), c’est-à-dire une réaction de Maillard. Ces deux processus sont à l’origine des arômes du cacao. Le problème est que le cacao est dépourvu de toute onctuosité. De plus, il a une saveur amère très forte qui étouffe les arômes. C’est pour cette raison que le cacao (produit de base non consommable en l’état) doit être transformé pour aboutir au produit fini dont la plupart des personnes sont friandes : le chocolat. L’obtention du chocolat se fait par adjonction de beurre de cacao (une graisse saturée), qui permet d’obtenir de l’onctueux, et de sucre, qui permet de neutraliser l’amer pour exalter les arômes. Le chocolat le plus riche en arômes est celui qui contient le plus de cacao. Le chocolat au lait est beaucoup moins riche en cacao (figure 4). Il contient moins d’arômes et il est moins apprécié que le chocolat noir. Le chocolat blanc n’est qu’un amalgame de sucre et de beurre de cacao. Il est dépourvu de cacao et d’arômes. Les trois chocolats (noir, blanc et au lait) contiennent à peu près la même quantité de calories. Pour cette raison, n’est-il pas préférable de choisir le chocolat noir plutôt que les autres pour se faire gustativement plaisir ? Figure 4. Composition des différentes variétés de chocolat (grammes pour 100 grammes). Il s’est glissé une erreur sur la figure 4. Le chocolat blanc ne contient pas de cacao. La partie de la colonne de droite qui est en marron foncé aurait dû être en jaune : beurre de cacao. Avec les excuses de la rédaction. En espérant que cette lecture vous aura intéressé, nous vous promettons la suite dans le prochain numéro de Diabétologie Pratique : « Comment restaurer le goût en jouant sur les arômes ? »

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