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Rein

Publié le 31 mai 2006Lecture 9 min

Comment protéger le rein du diabétique : IEC, sartans ou les deux ?

S. HADJADJ, L. LABBE, F. TORREMOCHA, F. BRIDOUX, R. MARECHAUD, CHRU de Poitiers

Le nombre de patients diabétiques est en augmentation constante en France en raison du vieillissement de la population et de « l’épidémie d’obésité ».
Par ailleurs, il existe une élévation très importante du nombre de patients pris en charge pour hémodialyse1. L’amélioration de l’espérance de vie des patients diabétiques de type 2 notamment intervient dans le risque d’évolution de la néphropathie diabétique vers le stade terminal. Elle a aussi permis d’élargir les indications de l’épuration extrarénale chronique, y compris chez des personnes âgées. En outre, il y a moins de réticence à dialyser des patients diabétiques de type 2, même âgés. Il est donc essentiel de limiter la progression de la néphropathie diabétique vers l’insuffisance rénale chronique terminale.

Il a été établi depuis 30 ans que le traitement de l’hypertension artérielle au cours de la néphropathie diabétique réduit la perte néphronique2. Bakris a aussi montré que la réduction de la pression artérielle moyenne s’accompagne d’une réduction de la pente de perte du débit de filtration glomérulaire3. Les recommandations sur le diabète, d’une part, et sur l’hypertension artérielle, d’autre part, récemment remises à jour4, insistent tout particulièrement sur le rôle des médicaments bloquant le système rénine-angiotensine (SRA) dans la prévention de la néphropathie diabétique. Il est donc licite de se poser la question : inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC), antagonistes des récepteurs de type 1 de l’angiotensine II (sartan), leur association ou autre chose ?   IEC et diabète   Diabète de type 1 Les données sur le bénéfice des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) dans la néphropathie associée au diabète de type 1 sont anciennes. • Le premier essai thérapeutique avec l’énalapril, réalisé par une équipe française5,6, a montré que le traitement des sujets diabétiques de type 1 microalbuminuriques, même non hypertendus, permet de réduire l’excrétion urinaire d’albumine. Secondairement, plusieurs essais thérapeutiques ont été réalisés. • Une métaanalyse a conclu que l’ensemble des patients diabétiques de type 1 microalbuminuriques doivent être placés sous IEC, puisque ce traitement améliore significativement l’excrétion urinaire d’albumine (avec une réduction estimée de plus de 50 %)7. Par ailleurs, le risque de progression vers la protéinurie avérée est réduit par les IEC et la disparition de la microalbuminurie est plus fréquente sous IEC que sous placebo, de façon hautement significative. • Si l’on considère des critères de jugement plus durs, l’essai collaboratif nord-américain de Lewis et coll., comparant captopril et placebo, a montré que cet IEC réduit la progression vers la mort rénale8, même s’il existait une différence très significative du niveau de pression artérielle entre les patients diabétiques de type 1 protéinuriques dans le groupe captopril et dans le groupe placebo. • Pour lever le doute quant à l’effet bénéfique des IEC sur la néphropathie associée au diabète de type 1, Halab et coll. ont comparé l’effet d’un IEC (énalapril) à celui d’une autre thérapeutique antihypertensive (hydrochlorothiazide) sur une durée d’un an chez les patients diabétiques de type 1 microalbuminuriques. Cette étude a permis de prouver que l’effet de réduction de l’excrétion urinaire d’albumine sous IEC n’est pas un effet lié à la pression artérielle puisque les deux groupes avaient des niveaux de pression artérielle moyenne comparables9. • L’essai EUCLID comparant lisinopril et placebo a montré que l’IEC réduit l’albuminurie des patients microalbuminuriques, mais n’est pas significativement efficace chez les sujets normoalbuminuriques10.   Diabète de type 2 Dans le diabète de type 2, plusieurs études ont comparé l’utilisation des bloqueurs du SRA au placebo lors d’essais contrôlés randomisés. L’étude MICRO HOPE a démontré l’effet bénéfique d’un traitement par IEC sur les critères cardiovasculaires, mais aussi rénaux, dans la population étudiée de sujets diabétiques de type 2 en prévention secondaire cardiovasculaire ou présentant une microalbuminurie, mais pas de protéinurie avérée11. Dans cette étude, l’intervention thérapeutique comportait 10 mg/j de ramipril versus placebo. Il n’existait pas de différence significative sur la pression artérielle dans les deux groupes traitement actif ou placebo. Cependant, il s’agissait de mesures en consultation et non de mesures ambulatoires de pression artérielle (peut-être plus précises)12. Ces résultats issus d’un très grand essai viennent confirmer les résultats d’études de plus petite taille réalisées dans les années 199013-15. Dans l’essai DIABHYCAR, utilisant de faibles doses de ramipril, dont le critère de jugement principal était cardiovasculaire chez des sujets diabétiques de type 2, avec une micro- ou macroalbuminurie sans insuffisance rénale (créatinine < 150), Marre et coll. ont montré que de petites doses de ramipril (1,25 mg/j) n’ont pas d’effet préventif sur la morbi-mortalité cardiovasculaire ou l’apparition d’une insuffisance rénale terminale, malgré une réduction de l’albumine urinaire sous IEC, même si le nombre d’événements « insuffisance rénale terminale » était trop faible pour conclure16. L’étude BENEDICT a comparé un IEC à une autre thérapeutique antihypertensive chez des patients diabétiques de type 2. Le trandolapril s’est avéré plus efficace que le vérapamil pour prévenir l’apparition d’une microalbuminurie chez des patients initialement normoalbuminuriques17. Cet essai est remarquable car les thérapeutiques instaurées permettaient une comparaison au-delà du niveau de pression artérielle. Dans cette étude, l’IEC est plus efficace que l’inhibiteur calcique pour prévenir l’apparition d’une microalbuminurie.   Sartans et néphropathie diabétique   Dans le diabète de type 2, chez les sujets présentant des anomalies de l’excrétion urinaire d’albumine, plusieurs études semblent concordantes pour montrer le bénéfice des ARA II comparés à un placebo. Dans l’essai IRMA, des sujets hypertendus diabétiques de type 2 randomisés en trois bras (irbésartan 300 mg/j, irbésartan 150 mg/j et placebo) ont été évalués pour le délai d’apparition d’une protéinurie clinique18. Le risque relatif a été réduit de 70 % sous irbésartan à 300 mg/j versus placebo (p < 0,001), alors que l’irbésartan à 150 mg/j a diminué ce risque de 39 % (p = 0,08). En outre, il a été observé une augmentation du nombre de sujets régressant vers la normo-albuminurie sous forte dose d’irbésartan. Dans l’essai MARVAL, une population équivalente de sujets diabétiques de type 2 microalbuminuriques, avec ou sans hypertension, a été randomisée pour recevoir 80 mg/j de valsartan ou 5 mg/j d’amlodipine pendant 6 mois, avec une pression artérielle cible à 135/85 mmHg. Après 24 semaines de traitement, l’excrétion urinaire d’albumine était de 56 % de la valeur initiale sous valsartan et de 92 % sous amlodipine (p < 0,001) avec une efficacité identique sur la pression artérielle dans les deux bras. Le retour vers la normoalbuminurie a été plus fréquent chez les patients sous valsartan (29,9 % contre 14,5 % dans le bras amlodipine ; p = 0,001)19. Les données de deux grands essais concordants chez les patients diabétiques de type 2 protéinuriques, traités par losartan ou irbésartan, ont permis de montrer que les ARA II préviennent la progression de la néphropathie, en considérant un critère néphrologique combiné considéré comme « dur » (délai de doublement de la créatininémie, nécessité de dialyse ou décès)20,21. Concrètement comparativement au groupe témoin, le risque relatif a été réduit de 20 % avec l’irbésartan et de 16 % avec le losartan. Ces deux molécules étaient également efficaces sur la pression artérielle. Il n’y a pas actuellement d’essai de grande taille évaluant les sartans dans le diabète de type 1, mais Andersen et coll. ont montré que ces agents (le losartan notamment) sont efficaces dans la néphropathie diabétique du type 122.   IEC contre sartan   Quels résultats ? Peu d’études rapportent une comparaison directe entre les IEC et les sartans. Les données de l’étude CALM comparant le candésartan 16 mg/j au lisinopril 20 mg/j, ou leur combinaison sont précieuses23. L’efficacité sur la pression artérielle était plus marquée avec l’association des deux molécules qu’avec chacune d’entre elles indépendamment. La réduction de l’excrétion urinaire d’albumine (appréciée par le rapport albumine/créatinine) a été plus marquée sous l’association (50 % : 36-61 ; p < 0,001) que sous candésartan (24 % : 0-43 ; p = 0,005) ou lisinopril (39 % : 20-54 ; p < 0,001). Cet essai est donc en faveur d’une efficacité comparable du traitement par IEC ou sartan, mais de la supériorité de leur association, aussi bien sur la réponse tensionnelle que sur l’excrétion urinaire d’albumine. L’étude DETAIL a comparé le telmisartan et l’énalapril sur la perte néphronique appréciée par la mesure du débit de filtration glomérulaire, chez des sujets diabétiques de type 2 micro- ou macroalbuminuriques. La perte néphronique était comparable dans les deux groupes et la réduction de l’albuminurie, critère secondaire de jugement, était là encore équivalente24.   Double blocage du SRA   Les résultats de l’étude COOPERATE, chez des sujets avec une néphropathie avancée d’étiologie non diabétique, réalisée au Japon a montré que l’association IEC/sartan présente un bénéfice dans la réduction du risque de néphropathie terminale25. En s’appuyant sur ces résultats, le concept du double blocage du SRA a été proposé. Dans l’essai CALM déjà abordé, le bénéfice du blocage double du SRA s’est associé à une réduction plus forte de l’excrétion urinaire d’albumine. Deux études comparables ont été réalisées par le groupe danois de Parving. Dans ces deux essais en cross-over, le double blocage du SRA s’est associé, comparativement au placebo, à une réduction significative d’environ un quart de l’albumine urinaire, liée pour une part à une réduction significative de la pression artérielle26,27. Ce résultat était concordant dans le diabète de type 1 et dans le diabète de type 2. Cette stratégie de double blocage doit donc être considérée, avec la condition absolue d’un contrôle régulier de la fonction rénale et de la kaliémie. Enfin, on rappellera qu’avant d’envisager le double blocage du SRA, l’adjonction d’un diurétique thiazidique, ou la réduction de l’apport sodé, doit être considérée. En effet, ces interventions, en activant le SRA, majorent l’efficacité du traitement par ARA II ou IEC. Cette donnée importante est issue en partie de l’essai PREMIER, dans lequel l’association perindopril/indapamide chez des sujets diabétiques de type 2 avec albuminurie élevée, s’est montrée significativement supérieure à une stratégie fondée sur l’énalapril pour la réduction de l’excrétion urinaire d’albumine (la différence n’étant pas liée à un effet sur la pression artérielle)28. Par ailleurs, l’adjonction d’un antialdostérone (spironolactone) s’associe à une réduction significative de l’albuminurie de 30 %, avec un effet sur la réduction de la pression artérielle29. Là encore, l’association diurétique et double blocage, si elle réduit efficacement la protéinurie et la pression artérielle, peut exposer à une insuffisance rénale aiguë sévère ou à une hyperkaliémie et impose une surveillance clinique et biologique étroite30.   Conclusion   Lorsque les effets thérapeutiques des médicaments bloqueurs du SRA sont appréciés en fonction de l’effet sur la pression artérielle (comme cela a déjà été réalisé dans le risque coronaire), une métaanalyse récente montre que le bénéfice des IEC ou des sartans, comparés à un antihypertenseur et non à un placebo, est à la limite de la significativité statistique31. En revanche, si l’on considère le critère excrétion urinaire d’albumine, le bénéfice des bloqueurs du SRA semble être indépendant de l’effet sur la pression artérielle31. La classe des sartans semble être équivalente à celle des IEC en termes de réduction de l’excrétion urinaire d’albumine ou de ralentissement de la perte du débit de filtration glomérulaire, mais leur efficacité respective a été comparée dans un faible nombre d’essais. L’intérêt du blocage double associant les deux médicaments doit être évalué notamment en comparant cette stratégie à une autre thérapeutique équivalente sur le plan tensionnel. Des études complémentaires s’avèrent donc nécessaires pour définir l’approche thérapeutique optimale de la néphropathie diabétique. Remerciements : À Vanessa Laneuze pour son aide à la rédaction de ce manuscrit. Les références bibliographiques sont disponibles sur demande à la rédaction.

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