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Foie-Appareil digestif

Publié le 30 avr 2009Lecture 9 min

Prise en charge de la maladie cœliaque chez le diabétique

P. BERTHOUD, diététicienne, CHU de Nice

Quinze pour cent des diabétiques de type 1 (DT1) sont également porteurs d’une autre maladie auto-immune. L’association la plus fréquente concerne la thyroïdite de Hashimoto, mais on trouve aussi l’anémie de Biermer, la maladie d’Addison, le vitiligo… et une maladie trop souvent méconnue, qui mettait encore en jeu le pronostic vital il y a une cinquantaine d’années, la maladie cœliaque (MC).

Définition de la maladie cœliaque   C’est une maladie inflammatoire chronique du tube digestif se caractérisant par un syndrome de malabsorption dû à une atrophie villositaire totale ou sub-totale de l’intestin grêle proximal. Cette atrophie est provoquée par une réaction immunitaire inappropriée à l’ingestion de gluten chez des sujets génétiquement prédisposés (figures 1 A et B).   Qu’est-ce que le gluten ?   C’est un ensemble de protéines contenu dans certaines céréales possédant deux fractions : les gluténines non toxiques et les prolamines, toxiques pour les sujets atteints de maladie cœliaque. La plupart des céréales – le seigle, l’orge, l’avoine – contiennent des prolamines, mais la plus connue et la mieux étudiée est celle du blé, la gliadine.   Épidémiologie de la maladie cœliaque   La fréquence de cette maladie est probablement sous-estimée en raison de la difficulté de diagnostic et de l’absence de prise en compte des formes frustes, atypiques ou silencieuses qui sont majoritaires. Des études récentes font état d’une prévalence de 1/300 en Europe et aux États-Unis. Elle affecte essentiellement les Blancs, est exceptionnelle chez les Noirs africains, les Chinois et les Japonais. Elle est deux à trois fois plus fréquente chez la femme que chez l’homme. C’est une maladie méconnue, particulièrement en France. Contrairement aux idées reçues, elle n’est pas l’apanage de l’enfant puisque, dans 20 % des cas, elle est reconnue après 60 ans. Elle peut apparaître à tout âge avec cependant deux pics de fréquence : – dans l’enfance, entre 6 mois et 2 ans, après sevrage et introduction du gluten dans l’alimentation ; – à l’âge adulte, entre 20 et 40 ans.   Quel est le lien entre DT1 et cœliaque ?   Quinze pour cent des DT1 présentent une autre maladie auto-immune. Au cours des maladies auto-immunes, la prévalence du DT1 est supérieure à celle observée dans la population générale. La maladie cœliaque est-elle d’origine auto-immune ? Cette question a fait l’objet de nombreuses controverses depuis 1980 ; un des arguments en faveur de cette origine est son association fréquente avec d’autres maladies auto-immunes comme le DT1. La principale région génomique contrôlant la prédisposition est celle du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH), localisé sur le bras court du chromosome 6. Le terrain génétique commun aux deux pathologies est en relation avec les gènes HLA de classe II. Les antigènes HLA DR (DR3-DR7) et DQ2 sont plus souvent retrouvés chez ces patients. Selon différentes études, la prévalence de la maladie cœliaque chez le DT1 varie de 4 à 11 %, contre 0,33 % dans la population générale). Dans 90 % des cas, le diabète précède la maladie cœliaque.   Principaux signes de la maladie cœliaque La présentation clinique varie selon l’âge du patient (tableau 1). Chez le nourrisson, la forme classique apparaît après le sevrage lors de l’introduction du gluten dans l’alimentation. L’atrophie villositaire entraîne une malabsorption avec diarrhée chronique, ballonnements, carences nutritionnelles, cassures dans les courbes de poids et de taille. Chez l’adulte, en particulier dans les endocrinopathies, la présentation clinique est souvent trompeuse puisque tout à fait silencieuse dans 50 % des cas ; 20 % seulement des patients ont des diarrhées, des douleurs abdominales et un amaigrissement ; 30 % sont même constipés. Figure 1. A : Muqueuse intestinale normale avec intégrité des villosités permettant l’absorption des nutriments. B : Atrophie villositaire provoquée par le gluten. (photographies Dr D. Mennecier/Hepatoweb.com). Diagnostic   Le diagnostic se fait en trois étapes. Il repose sur des critères sérologiques, histologiques et diététiques avec efficacité de l’exclusion du gluten de l’alimentation. Sérologie : recherche d’anticorps spécifiques : – anti-gliadine IgA et IgG, décelables chez les patients non traités, disparaissant après quelques mois de régime sans gluten ; – anti-endomysium ; – anti-transglutaminase. Histologie (critères majeurs) : la positivité des anticorps doit faire pratiquer une endoscopie gastroduodénale avec biopsies duodénales, qui vont révéler une atrophie villositaire totale ou sub-totale, maximale au niveau du duodénum et du jéjunum proximal, s’amenuisant jusqu’à l’iléon distal. Une malabsorption en vit. B12 signe une atteinte très étendue en raison du site distal de l’absorption de cette vitamine. Diététique : l’exclusion du gluten doit entraîner une régression de l’atrophie villositaire, habituellement au bout de 6 à 12 mois de régime, alors que l’amélioration des signes cliniques est plus rapide (quelques jours à quelques semaines). La biopsie de contrôle ne doit être réalisée qu’après 12 à 24 mois de régime sans gluten. Important : Le dépistage doit être fait sous régime strictement normal pour être fiable. Un régime sans gluten autoprescrit ou même pauvre en gluten pendant quelques semaines peut négativer les anticorps, voire faire disparaître l’atrophie villositaire. Pour cette raison, les anticorps sont de bons mouchards pour vérifier si les patients suivent correctement leur régime.   Comment lire les étiquettes ?   Absence de gluten – Alginates (E 401 à E 404), agar-agar ; – Arôme de malt, caroube (E 410), collagène, carraghénanes (E 407) et d’une manière générale tous les additifs E suivis de 3 chiffres ; – Dextrine, dextrose, fécule, gélatine ; – Glucose, glutamate, gomme xanthane ; – Guar, inuline, isomalt, lécithine, graisses animales et végétales, lactalbumine, lactose, fructose ; – Amidon ou amidon modifié issu de céréales autorisées. Présence de gluten – Amidon issu de céréales interdites ; – Amidon ou amidon modifié non précisé ; – Matières amylacées, liants protéiniques végétaux, protéines végétales ; – Malt et extrait de malt.   Les associations   Les associations de patients sont d’une aide primordiale pour la réussite du suivi du régime. AFDIAG (Association française des intolérants au gluten) 15, rue d’Hauteville, 75010 Paris (Tél : 01 56 08 08 22) www.afdiag.org. Cette association est très active dans la recherche et l’information sur la maladie cœliaque. Chacun peut y adhérer (environ 32 €/an). Le site propose des informations sur la maladie, le régime, les produits, les distributeurs et fabricants, ainsi que des forums de discussion. Une revue mensuelle informe les adhérents pour mieux vivre avec la maladie (recettes, astuces, adresses de restaurants où l’on peut manger sans gluten). GERMC (Groupement d’études et de recherche sur la maladie cœliaque) www.maladiecoeliaque.com   Principe du régime sans gluten   Le diagnostic posé avec certitude, le régime repose sur la suppression totale et définitive des aliments contenant du gluten : – les céréales contenant du gluten ; – les aliments et boissons préparés à partir de ces céréales (telle la bière) ; – les aliments cuisinés avec ces céréales ; – les aliments transformés qui contiennent du gluten.   Céréales contenant du gluten Le moyen mnémotechnique pour se souvenir des céréales contenant du gluten est le mot SABOT : - Seigle : farine, pain, pain d’épice ; - Avoine : flocons ; - Blé : farine, pains de toutes sortes, pain azyme, biscottes, semoule, floraline, boulghour, épeautre, kamut, froment, gnocchis : • toutes les pâtes, raviolis, cannellonis, • tous les produits de croissanterie, biscuiterie, crêpes, gaufres, beignets. - Orge : perlée, mondée, malt ; - Triticale (hybride blé/seigle) : semoule, flocons.   Lecture des étiquettes En théorie, le régime sans gluten paraît simple, mais en pratique son application est difficile car le gluten est présent dans de nombreux produits du commerce sous forme de liant, exhausteur de goût, épaississant, etc. Les patients doivent apprendre à lire de manière approfondie les étiquettes (encadré). Bases de l’alimentation   Le suivi du régime sans gluten ne doit pas se faire au détriment de l’équilibre alimentaire. Les recommandations sont les mêmes que celles données aux DT1 non atteints de maladie cœliaque  avec deux contraintes : - l’alimentation doit être à base de produits frais, surgelés au naturel ou en conserves au naturel (en vérifiant les additifs) : viande, poisson, œufs, légumes, fromage, laitages, céréales autorisées ; - les céréales constituant en Europe la base de l’alimentation, il est parfois difficile de couvrir la ration glucidique sans pain, pâtes, farine et dérivés. Il est primordial d’instaurer un schéma insulinique permettant une gestion plus facile de l’alimentation. (schéma basal/bolus, pompe à insuline, insulinothérapie fonctionnelle).   Céréales et féculents sans gluten Le diabétique doit chercher ses sucres complexes parmi les céréales autorisées : – Riz : blanc, brun, rouge, sauvage, farine, galettes ; – Maïs : épis, grains, semoule (polenta), pop-corn, corn-flakes, amidon (maïzena) ; – Sarrasin : pâtes, farine, biscuits, grillé (kasha) ; – Millet : semoule, flocons, sorgho ; – Sésame : biscuits, pain, grillé ; – Soja : flocons, vermicelles, farine, grains ; – Manioc, tapioca, arrow-root (pour épaissir potages, crèmes, sauces) ; – Quinoa : grains, farine ; – Igname, patate douce, topinambour, rutabaga, fruit à pain, sago, teff ; – Pomme de terre : fraîche en préparation maison sous toutes les formes, fécule, perles du Japon ; – Châtaigne, légumes secs : pois chiches, haricots, pois cassés, lentilles… et leurs farines.   Produits sans gluten Il existe aussi des produits de substitution des céréales interdites, classés en quatre catégories : – farines : pour pâtes à tarte, à pâtisseries, à pain, à pizza… chapelure ; – pains : baguette, campagne, mie, hamburgers, biscottes, cracottes, etc. ; – biscuits sucrés, salés, viennoiseries ; – pâtes : de toutes sortes, semoule. Leur coût élevé peut constituer un frein à leur utilisation. La CPAM rembourse à 65 % l’achat des produits sans gluten dans la limite de 33,54 € par enfant jusqu’à son 10e anniversaire et 45,73 € par adulte mais seuls les produits agréés par le ministère avec une vignette et un code barre sont remboursés. On peut les trouver en magasins diététiques, rayons diététiques des grandes surfaces, en pharmacie et en vente par correspondance, notamment sur internet.   Démarches pour le remboursement La demande de prise en charge doit être faite par le médecin traitant selon les modalités suivantes : • diagnostic avec biopsies ; • envoi des résultats par le médecin traitant au médecin de la caisse d’assurance avec demande de prise en charge ; • accord de la caisse avec envoi au patient d’imprimés CERFA n° 10465*01 pour coller les vignettes ; • ordonnance prescrite pour 6 mois par le médecin traitant indiquant le type de produits (pain, pâtes, farine…) sans préciser la marque ou les quantités. • Envoi de demande de remboursement chaque mois avec photocopie de l’ordonnance + facture et vignettes des produits.   Des contraintes au quotidien   Suivre un régime sans gluten demande une solide organisation au quotidien et des changements majeurs dans le mode de vie : - à domicile, la préparation des repas doit respecter des règles strictes comme l’utilisation d’ustensiles spécifiques à la cuisine sans gluten (cuillère, égouttoir, casserole, grille-pain, huile de friture, etc.) ; - lors des achats, la lecture des étiquettes prend du temps ; - pour les repas pris à l’extérieur, le respect du régime pose surtout un problème dans les collectivités : cantines scolaires, colonies de vacances, internats, restaurants universitaires). C’est également difficile pour les adultes ayant une activité les obligeant à voyager, assister à des cocktails ou des repas d’affaires. Les métiers de bouche obligeant à goûter les plats (cuisinier, pâtissier…) sont évidemment exclus. Des difficultés psychologiques peuvent survenir car il est lourd de gérer deux maladies chroniques au quotidien, le diabète, avec la contrainte des injections et de l’autosurveillance glycémique, et la maladie cœliaque avec les contraintes alimentaires.   Conclusion   Le régime sans gluten est très contraignant et la suppression de nombreux aliments entraîne souvent une perte de convivialité, voire une exclusion sociale. Mais quelle que soit l’expression clinique de la maladie, l’exclusion complète et définitive du gluten constitue l’unique traitement de la maladie cœliaque. Il n’y a pas de traitement médicamenteux. Contrairement aux autres maladies auto-immunes, la maladie cœliaque  est unique en son genre puisque le suivi du régime aboutit non seulement à une rémission complète, mais aussi à l’arrêt de la fabrication d’auto-anticorps, alors que dans les autres maladies auto-immunes, la destruction de l’organe cible est inéluctable et irréversible. Le régime prévient les complications nutritionnelles (syndrome de mal-absorption, ostéoporose, anémie) et les complications à long terme (jéjunite ulcéreuse, lymphomes digestifs, adénocarcinome du grêle, cancers ORL et œsophagien). Il permet enfin un meilleur contrôle glycémique avec nette réduction des hypoglycémies.

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