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Enfant-Adolescent

Publié le 29 juin 2005Lecture 6 min

Quel risque pour un enfant d'un parent diabétique insulinodépendant ?

C. LÉVY-MARCHALL, INSERM U457, Hôpital Robert Debré, Paris

La question « Est-ce que mon enfant pourrait devenir diabétique lui-même ? » revient fréquemment dans les consultations de diabétologie. C’est une question qui met souvent les praticiens mal à l’aise. On peut voir au moins deux raisons à ce malaise :
• Les parents posent une question précise pour leur enfant. Or, nous savons évaluer un risque de récurrence à l’échelle du groupe à risque seulement, c’est-à-dire une population avec, par définition, un risque génétique accru. Au niveau de l’individu, nos outils sont peu précis puisqu’il n’existe pas de dépistage, à proprement parler, du diabète insulinodépendant.
• Il n’existe pas aujourd’hui de traitement préventif standardisé du diabète insulinodépendant.

Il existe néanmoins des outils qui peuvent faire avancer dans la quantification du risque chez un enfant donné ; et les parents sont souvent soulagés d’avoir une discussion approfondie basée sur les résultats de tous les examens disponibles aujourd’hui. Les chiffres du risque Il est habituel de dire que le risque de récurrence chez un enfant d’un parent atteint de diabète insulinodépendant (DID) est globalement de 5 %. Ce risque est, certes, faible, mais il correspond à 50 fois le risque pour un enfant de la population générale. Il y a des paramètres qui modulent ce risque. Une demi-douzaine d’études, fondées sur le suivi pendant une vingtaine d’années de cohortes de parents et de leurs enfants, ont évalué ce risque et ses variations. Ces paramètres sont : – l’âge de l’enfant, – le sexe du parent diabétique, – l’âge au diagnostic de diabète du parent, – la concordance de sexe entre l’enfant et le parent atteint, – le risque serait donc le plus élevé chez un fils né d’un père devenu diabétique avant l’âge de 10 ans. Ces différences significatives pour le risque de devenir DID dans les descendances de parents DID n’ont pas reçu d’explication satisfaisante. Comment évaluer ce risque ? Risque génétique associé au HLA En pratique clinique, la détermination du HLA est de faible intérêt chez les enfants de parents diabétiques. Les éléments plus simples de génétique épidémiologique sont plus précieux. On sait qu’il existe des déséquilibres de transmission du DR3 de la mère et du DR4 chez les pères, mais les études rapportant ces résultats ont été faites dans un but explicatif et non prédictif. Il n’en reste pas moins vrai qu’un enfant HLA DR3/DR4 est un enfant qui porte le risque génétique maximal (> 15 %), indépendamment de sa généalogie. Risque associé à la détection d’anticorps anticellules β Anticorps Il existe quatre anticorps dirigés contre des constituants de la cellule β et pour lesquels il existe un dosage spécifique. Les anticorps anti-îlots de Langerhans sont dosés par une technique d’immunofluorescence indirecte. Les auto-anticorps anti-insuline sont, par définition, spécifiques de la cellule β. Ils sont, en revanche, dotés d’une faible sensibilité dans le « pré-diabète ». Ils sont dosés par une technique radio-immunologique qui ne permet pas de les distinguer  des anticorps induits par une insulinothérapie. Les anticorps anti-GAD et anti-IA-2 sont chacun dirigés contre une enzyme contenue dans les granules de sécrétion d’insuline. Ils sont détectés par une méthode radio-immunologique. Tous ces dosages sont délicats pour des raisons variées et il est recommandé de choisir le laboratoire qui les pratiquera. Il n’est pas rare d’être questionné sur des résultats fantaisistes. Un laboratoire qui participe au contrôle de qualité et à l’effort de standardisation international est un critère de qualité et d’expérience. Histoire naturelle des anticorps Trois à quatre grandes études ont suivi l’histoire naturelle de ces anticorps chez des nouveau-nés à risque pendant plusieurs années. Ces anticorps peuvent être transmis par la mère ; il s’agirait alors d’un nouveau-né d’une mère diabétique. La clairance de ces anticorps transmis est de 6 mois environ ; elle est plus longue pour les anticorps anti-insuline. Il s’agit là de la transmission materno-fœtale de tous les anticorps anti-insuline, y compris les anticorps induits par l’insulinothérapie chez la mère. Ces anticorps sont souvent à titre élevé. Leur clairance est plus longue, de l’ordre de 9 mois. En pratique, cela veut dire que la recherche d’anticorps chez un nouveau-né de mère ayant un diabète insulinodépendant n’est pas appropriée dans la première année de vie. Les auto-anticorps développés par l’enfant lui-même peuvent apparaître dès la seconde année de vie. Il semble qu’après l’âge de 5 à 6 ans, les cartes soient jouées, c’est-à-dire que le nombre de séroconversions devienne très faible. Mais c’est la notion la moins solide des études prospectives en raison du manque de recul. Il est donc difficile de dire quand arrêter la recherche des anticorps. Il ne faut certainement pas oublier que la maladie auto-immune est un processus dynamique et que ce n’est pas parce qu’on ne trouve pas d’anticorps à l’âge de 2 ans qu’il n’y en aura pas à l’âge de 5 ans. En pratique, il est prudent de répéter les examens tous les ans jusqu’à l’âge de 10-12 ans. Les auto-anticorps semblent apparaître d’autant plus tôt et d’autant plus vite que le risque génétique est élevé. C’est ce qu’illustre la figure 1. On voit qu’à l’âge de 3 ans, les enfants qui ont un risque génétique élevé (HLA DR3/DR4 ou DR4/DR4) développent des anticorps avec une fréquence environ 10 fois plus élevée que les enfants sans risque génétique particulier. La fréquence d’enfants porteurs d’anticorps est très faible chez ces derniers (environ 2 %). Cela indique aussi qu’en pratique, il y a redondance entre la détermination du HLA et la recherche d’anticorps. Il n’y a pas de séquence spécifique d’apparition de ces anticorps. On sait cependant que, chez les enfants devenus diabétiques dans la petite enfance, plusieurs anticorps pouvaient être détectés dans les premières années de vie et que les associations contenaient presque toujours des auto-anticorps anti-insuline. Curieusement, on ne retrouve pas de fréquence différente des anticorps chez les enfants dans les premières années de vie selon que le père ou la mère soit diabétique ou non Figure 1. Les auto-anticorps apparaîssent d’autant plus tôt et d’autant plus vite que le risque génétique est élevé. Quelques notions sur les valeurs de risque Ce qui a de la valeur pour définir un risque élevé, c’est surtout le nombre d’anticorps détectables simultanément plus que leur titre, même s’il y a souvent redondance. Les ICA à titre élevé restent un marqueur de risque fiable, parce que de grandes sensibilité et spécificité. On est plus mal à l’aise pour déterminer la valeur prédictive des titres élevés des autres anticorps. La figure 2 illustre le risque de devenir diabétique en fonction du nombre d’anticorps détectés. On peut opposer deux groupes d’enfants : ceux (les plus nombreux) chez qui aucun anticorps n’est détecté et parmi lesquels, à l’âge de 5 ans, aucun enfant n’est devenu diabétique ; ceux chez qui plus d’un anticorps est détectable (seulement 3 % des enfants) mais dont 80 % sont devenus diabétiques à l’âge de 5 ans. Il ne faut pas prendre ces chiffres comme étalon puisqu’ils sont le reflet d’une seule étude dans laquelle le nombre d’enfants devenus diabétiques est de l’ordre de 15 ; donc la précision des valeurs prédictives est restreinte. Mais il s’agit de l’étude allemande BABY-DIAB qui a le plus long recul. Il existe des faux positifs dans ce dépistage. En effet, il a été clairement montré que des titres faibles trouvés pour un seul anticorps sans association correspondent le plus souvent à des positivités transitoires qui vont disparaître et qui n’indiquent pas de risque particulier pour la maladie. Figure 2. Risque de devenir diabétique en fonction du nombre d’anticorps détectés. Donc, prudence devant un résultat faiblement positif portant sur un seul des quatre anticorps et répéter le test quelques mois plus tard. Peut-on proposer un traitement ? Il n’y a pas aujourd’hui de traitement préventif standardisé. Des essais thérapeutiques préventifs sont en cours, mais les résultats n’en sont pas encore connus. L’un des essais fait appel à l’administration orale de nicotinamide chez des apparentés à risque, ayant des anticorps circulants. L’autre essai fait appel à l’éviction pendant 6 mois des protéines du lait de vache de l’alimentation des nouveau-nés à risque génétique élevé. Les résultats de la phase pilote en Finlande sont très encourageants. L’essai est maintenant en cours d’extension pour vérifier que cette pratique puisse être étendue en clinique courante. En pratique Adresser la famille à une consultation spécialisée si les parents sont très demandeurs d’information. Ne pas hésiter à faire pratiquer des examens à la recherche d’anticorps. Bien choisir le laboratoire qui fera ces dosages. Répéter ces examens dans le temps. Se méfier d’un résultat faiblement positif isolé. Bibliographie sur demande auprès de la rédaction.

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