publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Thérapeutique

Publié le 21 déc 2005Lecture 8 min

Quelles précautions prendre lors de la mise sous corticoïdes d'un patient diabétique de type 2 ?

H. GIN, Bordeaux
Les corticoïdes sont des médicaments efficaces et incontournables dans certaines situations : la maladie de Horton, un état de choc anaphylactique, un traitement immunosuppresseur, une chimiothérapie, ne peuvent généralement se concevoir sans recours aux corticoïdes. La guérison ou l’évolution de la maladie dépend de leur utilisation. Dans ces situations cliniques, il n’existe aucune contre-indication à leur utilisation, aucune discussion même si le patient présente un diabète de type 2 ; Le diabète de type 2 passe au second plan derrière la corticothérapie.
Il existe d’autres situations où les corticoïdes peuvent être utilisés par les médecins, mais où il existe des alternatives thérapeutiques ; c’est le cas d’une sinusite, d’une pathologie inflammatoire articulaire, ou d’autres situations cliniques sans ordre de gravité vitale pour lesquelles d’autres solutions thérapeutiques existent. Dans ces conditions, il faut savoir se passer des « effets secondaires » potentiels des corticoïdes en fonction du terrain propre au patient. Le diabète de type 2 fait partie de ces situations où il faut savoir réfléchir aux alternatives possibles.   Quels sont les impacts des corticoïdes sur le métabolisme glucidique ?   Les glucocorticoïdes ont très peu d’effets sur l’insulinosécrétion, mais ils génèrent une entrave à l’action de l’insuline au niveau de son récepteur. Chez le sujet non diabétique, cela n’a aucune conséquence visible car le pancréas est capable de sécréter de façon adaptée aux besoins les quantités d’insuline nécessaires ; dans ces conditions, la glycorégulation reste contrôlée malgré l’utilisation des corticoïdes. Chez le patient diabétique de type 1, le recours aux corticoïdes est immédiatement visible : la mesure et le suivi des glycémies digitales montre une élévation importante et quasiment immédiate face à laquelle le patient et son médecin réagissent habituellement en augmentant les doses d’insuline de façon appropriée et parfois importante. Grâce à l’autosurveillance, lorsque la corticothérapie sera diminuée voire arrêtée, les doses d’insuline redescendront, et seront monitorées par la mesure régulière des glycémies digitales et l’anticipation de la baisse des doses d’insuline permettra d’éviter les hypoglycémies itératives. Chez le patient diabétique de type 2, la situation peut être beaucoup plus sournoise ; d’une part, le patient ne pense pas que son diabète est très important, d’autre part, généralement il ne le surveille pas par des mesures glycémiques digitales régulières, et souvent le patient pense que les choses évolueront favorablement. En fait, en fonction de l’état même de la maladie, de son avancement dans la carence insulinique et l’insu-linorésistance, les corticoïdes peuvent parfois être source, chez le diabétique de type 2, d’un déséquilibre glycémique important, voire d’hyperglycémies majeures.  Chez le sujet âgé, cette situation d’hyperglycémie peut le conduire jusqu’à l’état d’hyperosmolarité ; chez le sujet plus jeune, le risque d’acidocétose existe lorsqu’il existe une maladie agressive, fébrile ou surinfectée, et que par ailleurs le patient est déjà dans une phase de sa thérapeutique nécessitant un traitement par voie orale maximale. La conjonction de l’insulinorésistance induite par la maladie elle-même et la surinfection, et celle induite par les corticoïdes peuvent alors précipiter la situation métabolique.    En fait, dans la plupart des cas, la mise sous corticoïdes du patient diabétique de type 2 va engendrer une hyperglycémie qu’il ne faut pas négliger, car généralement elle aggrave le risque de surinfection déjà favorisé par la corticothérapie elle-même.    Les précautions à prendre   Prescrire des corticoïdes chez un patient diabétique de type 2 impose donc quelques précautions : - s’assurer que la prescription de ces médications est indispensable à l’état clinique du patient et qu’il n’existe pas d’autre alternative thérapeutique ; - connaître l’équilibre métabolique préalable du patient, en sachant bien sûr que, si l’équilibre métabolique est déjà précaire, la corticothérapie n’améliorera pas les choses ; - tenir compte du stade thérapeutique de la maladie ; en effet, si le patient n’est pas sous un traitement antidiabétique oral, cela signifie qu’il existe encore un volant thérapeutique et une masse pancréatique résiduelle non négligeable alors que, au contraire, s’il est déjà sous un traitement antidiabétique oral maximal, tout laisse à supposer que l’état métabolique du patient est précaire et que la thérapeutique est déjà à la limite de ses capacités ; - s’assurer que le patient est capable de faire une autosurveillance et que celle-ci est bien faite, c’est-à-dire non pas faite d’une seule glycémie par jour mais de plusieurs glycémies par jour, et ne se fait pas une fois par semaine mais sera faite de manière quotidienne si une corticothérapie est induite. Cette autosurveillance permettra de mettre en place des seuils d’alerte ; - ne pas hésiter à avoir recours à l’insulinothérapie transitoire dès que les glycémies s’élèvent. Cette insulinothérapie pourra être faite soit d’injection d’insuline rapide préprandiale pour corriger des glycémies postprandiales élevées, soit d’une insuline semi-lente ou lente le soir pour corriger des glycémies hautes au réveil. Cette insulinothérapie sera transitoire, il ne faudra pas oublier le sevrage à l’arrêt de la corticothérapie ; il faudra aussi, grâce à l’autosurveillance, se méfier du risque hypoglycémique à la décroissance des doses de corticoïdes. Il faudra aussi demander, dans certains cas, une surveillance de la cétonurie.   Pour que tout cela se passe sans risque, il importe surtout que le patient soit prévenu de ce qui va se passer. Il doit être informé de la nécessité de surveiller ses glycémies et de leur risque d’augmentation, ce qui est un effet adverse prévu ; si cette élévation des glycémies est importante, il faut alors qu’il sache rappeler le médecin, et que le  recours à l’insulinothérapie de manière transitoire est possible. En aucun cas, il ne devra pratiquer une restriction alimentaire ou un  jeûne pour empêcher les glycémies de grimper ; une telle attitude pourrait accélérer une évolution vers une acidocétose.   Bien informé, le patient se surveillera bien, comprendra l’élévation des glycémies et acceptera les modifications thérapeutiques, surtout si en plus elles lui ont été annoncées à l’avance et prévues comme transitoires. Non informé, il sera dérouté par l’évolution de son niveau glycémique, il ne le rapportera pas obligatoirement aux corticoïdes mais croira à une aggravation de son diabète consécutive à l’affection intercurrente ; il pourrait même se croire affecté de deux fléaux à la fois : la nouvelle maladie qui a nécessité les corticoïdes et maintenant un diabète qui évolue vers une insulinothérapie, sans comprendre que celle-ci est transitoire.    Des situations probablement différentes   Il existe, en fait, probablement plusieurs situations cliniques différentes, en fonction de la dose de corticoïdes utilisée, et surtout de la durée de prescription ou de la cinétique du produit utilisé.    On peut probablement considérer que les risques diffèrent selon : - une prise unique de corticoïdes à action brève, voire sur 1 ou 2 jours, restera sans effets majeurs sur le niveau glycémique et ne justifiera pas le recours à l’insulinothérapie ;  - au contraire, une prescription prolongée (au-delà de 3 à 4 jours) ou le recours à un corticoïde dont la cinétique est étalée dans le temps (infiltration), peut avoir des effets durables (plusieurs jours, voire 3 semaines) sur le niveau glycémique qui ne pourra que s’aggraver. Cela justifie la surveillance glycémique, et le fait que le patient doive être informé ;  n l’utilisation de fortes posologies ou de posologies moyennes sur un temps prolongé, justifie souvent le recours à l’insulinothérapie.   Les traitements immunosuppresseurs au long cours nécessitant le recours à une corticothérapie, même de manière brève sur 2 ou 3 jours, justifient un contrôle métabolique strict, car il ne faudrait pas laisser associer le risque infectieux de l’immunosuppression au risque infectieux de la maladie sous-jacente, et à celui des corticoïdes et celui d’une hyperglycémie.   Le recours à la corticothérapie au cours des chimiothérapies est souvent plus complexe ; en effet, cette corticothérapie et cette chimiothérapie sont discontinues conduisant à des phases d’hyperglycémie durant l’utilisation des corticoïdes, puis à des phases de normoglycémie lorsque les corticoïdes ne sont plus utilisés. Les phases d’hyperglycémie, avec leur risque septique potentiel, justifient le recours à l’insulinothérapie. Il importe donc d’éduquer préalablement le patient pour lui permettre d’être indépendant du monde des diabétologues, afin de rester le plus disponible possible pour celui de la chimiothérapie ; cette éducation lui permettra d’augmenter les doses d’insuline de manière importante à chaque fois qu’il prendra ses corticoïdes et de les diminuer de manière rapide pour éviter les hypoglycémies dès que les corticoïdes diminueront et que les glycémies s’amélioreront ; il pourra aller jusqu’à la suppression de l’insulinothérapie durant les périodes normoglycémiques sans corticoïdes. Il ne faut pas, en effet, croire que l’hyperglycémie chez ce type de patients reste un élément sans conséquence et que la maladie sous-jacente soit bien plus importante. En effet, la qualité de vie et le pronostic vital dans les chimiothérapies dépendent non seulement de la thérapeutique mais aussi de l’état anabolique ou catabolique du patient ; or, chaque médecin sait que la corticothérapie est source de catabolisme, que l’hyperglycémie majeure est source de glycosurie et donc de fuite calorique ; en conséquence, l’absence d’un recours à une insulinothérapie séquentielle conduit obligatoirement à l’aggravation de l’état catabolique et de l’état nutritionnel de ce patient en cours de chimiothérapie.  Au total    Le recours à la corticothérapie chez un patient diabétique de type 2 justifie de toujours faire attention, et de raisonner non seulement sur le médicament utilisé, mais aussi sur la pathologie sous-jacente. En effet, en dehors de l’effet hyperglycémiant propre, les corticoïdes ont d’autres effets parmi lesquels le catabolisme, qui est susceptible de s’additionner aux effets de la carence insulinique.  Enfin, les corticoïdes sont aussi capables d’induire une élévation tensionnelle, or le patient diabétique de type 2 est souvent hypertendu, pas toujours facile à contrôler. La mise sous corticothérapie au long cours d’un patient diabétique de type 2 impose aussi un certain degré de surveillance tensionnelle.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème