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Rein

Publié le 30 nov 2011Lecture 6 min

Quel traitement proposer à un diabétique ayant un débit de filtration glomérulaire entre 60 et 30 ml/min ?

H. GIN, CHU de Bordeaux, Pessac

L’atteinte rénale interfère avec le métabolisme d’un certain nombre de médicaments avec possibilité d’accumulation de ceux-ci ou de leurs métabolites à des niveaux de iatrogenèse ou de toxicité potentielle. La question posée est donc de savoir si l’existence d’une atteinte rénale est susceptible de modifier l’organigramme et/ou de nuancer l’utilisation des différentes classes de médicaments antidiabétiques à notre disposition.

Le débit de filtration glomérulaire est évalué par le calcul de la clairance de la créatinine. La formule de Cockcroft est une des possibilités mais celle-ci est considérablement influencée et par l’âge du patient et par son poids. Il importe d’avoir plutôt recours à la formule MDRD, particulièrement chez les patients diabétiques de type 2 qui ont généralement un poids supérieur à la normale ; cependant cette formule MDRD n’est informative que pour les valeurs pathologiques (au-dessous de 60 ml/min). Les objectifs thérapeutiques sont par ailleurs des objectifs stricts en raison, d’une part, du diabète, qui doit toujours être traité avec rigueur, d’autre part, de l’insuffisance rénale dont la progression peut être ralentie par un traitement efficace de la tension artérielle mais aussi du diabète. En effet, entre 30 et 60 ml, on se trouve entre l’insuffisance rénale de degré modéré et celle de degré sévère, et il importe que l’évolution entre ces différents stades de la maladie se fasse le plus lentement possible. La qualité de la prise en charge est donc importante vu son impact potentiel sur la vitesse d’une éventuelle dégradation de la fonction rénale.   Les biguanides   La metformine est en première ligne dans toutes les recommandations de bonnes pratiques cliniques pour la prise en charge du diabète de type 2 ; cependant, de manière traditionnelle, on redoute l’acidose lactique. Les biguanides sont par ailleurs éliminés par voie rénale avec un éventuel risque d’accumulation de la molécule et de ses métabolites au sein de l’organisme. Il est préconisé de ne pas modifier les posologies jusqu’à des débits de filtration glomérulaire de 60 ml/min. À partir de 60 ml/min la majorité des médicaments (en dehors de l’insuline) n’ont plus l’AMM. Cependant un certain nombre d’études montrent que, entre 60 et 30 ml/min, les biguanides peuvent continuer à être utilisés en l’absence de risque démontré d’acidose lactique ; les sociétés savantes recommandent une diminution de posologie de moitié pour des débits de filtration glomérulaire compris entre 60 et 30 ml/min. Au-dessous de 30 ml/min de clairance tout le monde s’accorde pour préconiser leur arrêt.   Les inhibiteurs des a-glucosidases   Le miglitol est absorbé au niveau intestinal et éliminé dans les urines. Cela incite donc à préférer l’acarbose en cas d’insuffisance rénale chronique mais aucune grande étude ne permet d’asseoir cette position et les recommandations internationales proposent de ne pas utiliser ces produits pour des niveaux de créatinine > 180 µmol/l, sans préciser le débit de filtration. De plus, ces produits sont connus pour engendrer des troubles digestifs ; or, il existe déjà une forte prévalence de ces troubles en cas d’insuffisance rénale chronique ; leur recours n’est donc pas préconisé.   Les sulfamides   Ils sont tous éliminés à des degrés divers par voie urinaire et hépatique. En cas d’insuffisance rénale, les sulfamides et leurs dérivés métaboliques sont donc susceptibles de participer à une iatrogenèse hypoglycémique qui doit être connue car d’installation progressive au fur et à mesure de la dégradation de la fonction rénale. Quelques études soulignent que le glipizide a un risque hypoglycémique nettement moindre en comparaison au glibenclamide ou au glimépiride. Cependant le risque hypoglycémique doit rester présent à l’esprit chez tout patient diabétique de type 2 présentant une diminution de la clairance de la créatinine et traité par sulfamides hypoglycémiants. Le bon sens conduit à la vigilance thérapeutique, la surveillance des résultats glycémiques, l’éducation du patient et le choix des sulfamides aux demi-vies les plus courtes.   Les glinides   Ce sont des insulinosécréteurs de demi-vie courte et de faible élimination rénale. Le risque iatrogène hypoglycémique est donc considérablement moindre que pour les sulfamides. Il n’existe cependant qu’un seul essai ouvert chez des patients avec altération de la fonction rénale qui étaye cette position.   Les analogues du GLP1   Ces molécules étant récentes, il n’y a pas de grandes séries permettant d’émettre une recommandation. Les fabricants recommandent cependant de ne pas les utiliser en cas d’insuffisance rénale sévère, c’est-à-dire pour des débits de filtration glomérulaire < 30 ml/min. Entre 60 et 30 ml/min, leur utilisation est possible en prenant garde à leurs effets secondaires digestifs et à leur association avec d’autres médicaments hypoglycémiants.   Les inhibiteurs des DDP-4   Il s’agit là aussi de médicaments beaucoup trop récents pour que l’on dispose de grandes séries chez les patients insuffisants rénaux. Les essais sont en cours avec les différentes gliptines disponibles. Pour des débits de filtration entre 60 et 30 ml/min, une réduction à demi-dose de la sitagliptine a été proposée en raison d’une élimination par voie rénale.   L’insuline   Elle ne présente aucune contre-indication en cas d’atteinte de la fonction rénale. Il importe cependant de savoir que sa pharmacocinétique peut être différente de celle observée chez un patient non insuffisant rénal. En effet, l’insuline est partiellement éliminée par voie rénale et il existe donc une modification de clairance métabolique de l’insuline en cas d’insuffisance rénale avec un allongement de sa demi-vie et un risque hypoglycémique. Cela explique, chez un certain nombre de patients insuffisants rénaux chroniques, le fait que les doses d’insuline soient excessivement faibles et donc le traitement plus difficile à gérer, le patient passant de l’hyperglycémie à l’hypoglycémie pour des variations de 1 à 2 unités. À l’inverse, l’insuffisance rénale peut facilement être source d’une insulinorésistance, qui vient alors parfois s’additionner à l’insulinorésistance préalable des patients diabétiques de type 2 ; dans ces cas, l’insuffisance rénale sera source d’une augmentation des doses d’insuline. On voit donc que les deux situations opposées peuvent se rencontrer vis-à-vis de l’insuline : soit diminution des doses du fait de la modification de la clairance métabolique, soit au contraire, augmentation des doses du fait de l’insulinorésistance. Dans tous les cas, le risque hypoglycémique est toujours plus important, même en cas d’insulinorésistance : le rein est un organe néo-glucogénique et, en cas d’insuffisance rénale chronique, il semble que cette fonction soit altérée.   Points clés   - Vigilance vis-à-vis des biguanides en fonction du niveau de débit de filtration glomérulaire sans excès de sel. - Modulation du risque hypoglycémique selon les familles utilisées. - Vigilance vis-à-vis des nouveaux produits tels les analogues du GLP-1 ou les inhibiteurs des DDP-4 pour lesquels nous ne disposons encore que des recommandations du fabriquant et d’aucune grande série. - Aucune réticence à l’égard de l’insuline, si ce n’est une plus grande vigilance et une éducation thérapeutique plus rigoureuse à l’utilisation, d’adaptation des doses, la pratique de l’autosurveillance et la conduite à tenir face à l’hypoglycémie.   Conclusion   L’existence d’une atteinte de la fonction rénale ne modifie pas l’organigramme de prise en charge, aussi bien d’un patient diabétique de type 1 que d’un patient diabétique de type 2. De même, l’existence d’une insuffisance rénale ne modifie pas les objectifs thérapeutiques : ni glycémiques, ni les ni-veaux d’HbA1c à atteindre pour avoir un effet sur l’évolutivité des complications dégénératives. Seules les posologies d’un certain nombre de médicaments seront modulées du fait de leur élimination par voie rénale. Au-delà de 30 ml/min la plupart des médications par voie orale deviennent contre-indiquées et le recours à l’insuline est le choix thérapeutique le plus adapté, même si le risque hypoglycémique existe.

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