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Thérapeutique

Publié le 31 aoû 2011Lecture 7 min

La chirurgie bariatrique peut-elle devenir un traitement du diabète ?

A. J. SCHEEN, Service de diabétologie, nutrition et maladies métaboliques, CHU Liège, Belgique

La chirurgie bariatrique fait partie intégrante du traitement de l’obésité, en particulier de l’obésité extrême ou morbide. Classiquement, elle est réservée aux patients avec un indice de masse corporelle (IMC) > 40 kg/m² ou > 35 kg/m² si l’obésité est accompagnée de complications secondaires à la surcharge pondérale, dont le diabète de type 2 (DT2). Les progrès dans la compréhension des mécanismes impliqués dans l’amélioration de la glycémie après chirurgie bariatrique et les avancées techniques sur le plan chirurgical (opération sous cœlioscopie, nouvelles procédures) ne pourraient-ils pas faire proposer une chirurgie dite « métabolique » pour le traitement du DT2, même en l’absence d’une obésité sévère ?

Techniques chirurgicales restrictives versus malabsorptives   Pendant longtemps, la perte pondérale induite par la chirurgie bariatrique a été expliquée par la balance énergétique négative résultant d’un apport calorique limité mécaniquement par les techniques dites restrictives (gastroplastie calibrée, cerclage ajustable) et/ou d’une déperdition calorique fécale imposée par les techniques dites malabsorptives (dérivation biliopancréatique) ou encore mixtes (dérivation gastrique avec anse de Roux en Y, appelé souvent « bypass gastrique »). L’amélioration métabolique, en particulier la rémission du DT2, induite par cette chirurgie bariatrique était alors quasi exclusivement attribuée à l’amaigrissement obtenu et à la réduction secondaire de l’insulinorésistance. Cependant, divers mécanismes hormonométaboliques à point de départ gastro-intestinal sont susceptibles d’expliquer les effets positifs de la chirurgie en ce qui concerne, non seulement le contrôle du poids, mais aussi l’homéostasie glycémique.   Mieux comprendre les réponses hormono-métaboliques   De manière schématique, les modifications hormonométaboliques impliquent différents segments du tube digestif (estomac, intestin proximal, intestin distal). À l’évidence, celles-ci peuvent différer en fonction de la technique chirurgicale adoptée (figure 1, tableau 1). Figure 1. Illustration des différentes techniques les plus utilisées en chirurgie bariatrique/métabolique. Figure 2. Illustration de la dérivation gastrique avec anse de Roux en Y (à gauche) et de la gastrectomie en manchon avec dérivation et interposition iléale (à droite), deux des principales techniques actuellement proposées par certaines équipes pour le traitement du DT2 chez des patients avec un IMC < 35 kg/m². Au milieu, description des principaux mécanismes impliqués dans l’amélioration métabolique observée. *Plus d’autres hormones comme le neuropeptide YY et l’oxyntomoduline. **L’alternative peut consister dans la mise en place par voie endoscopique d’une prothèse endoluminale duodéno-jéjunale. ***Généralement combinée à une gastrectomie en manchon pour bénéficier de l’éventail des modifications hormonales bénéfiques à l’homéostasie glycémique. Estomac Les cellules pariétales de l’estomac secrètent une hormone, appelée ghréline, qui stimule la sensation de faim au niveau central. La ghréline peut également interférer avec la régulation de la glycémie en modulant la sécrétion et/ou l’action de l’insuline. La dérivation gastrique avec anse de Roux en Y s’accompagne d’une réduction significative de la sécrétion de ghréline, de même que la gastrectomie en manchon (« sleeve gastrectomy ») qui s’avère encore plus efficace à cet égard. En revanche, cette diminution de ghréline n’est pas observée avec l’anneau gastrique ajustable. Intestin proximal Des facteurs (non encore identifiés) avec effet anti-incrétine seraient sécrétés par la partie proximale de l’intestin dont l’exclusion entraînerait une diminution de la libération, conduisant à une potentialisation de l’insulinosécrétion et à une réduction de l’insulinorésistance. La dérivation gastrique avec anse de Roux en Y, la dérivation duodéno-jéjunale ou encore la technique appelée « duodenal switch » sont des approches qui court-circuitent la partie proximale de l’intestin. Une alternative innovante est le placement d’une prothèse endoluminale intestinale proximale par voie endoscopique qui mime les effets d’un « bypass duodéno-jéjunal », en empêchant le contact des aliments avec la muqueuse intestinale proximale. Intestin distal Le contact plus précoce des aliments avec l’iléon entraîne une stimulation de la sécrétion du glucagon-like peptide-1 (GLP-1) par les cellules L de l’iléon, susceptible d’améliorer le contrôle de la glycémie des patients DT2. La dérivation gastrique avec anse de Roux en Y augmente la réponse en GLP-1 et la sensibilité de la cellule b au glucose, contrairement aux simples techniques de restriction gastrique. Il en est de même pour deux entéropeptides intervenant dans le contrôle de l’appétit, le neuropeptide YY et l’oxyntomoduline. Pour faciliter le contact plus précoce des aliments avec les cellules L de l’iléon, amplifier l’effet incrétine et améliorer le contrôle glycémique, il a été proposé récemment de transposer une anse iléale à un niveau plus proximal du tractus digestif.   Études cliniques chez les patients DT2 avec IMC < 35 kg/m²   Au cours des dernières années, plusieurs équipes ont proposé des opérations digestives de divers types à des patients DT2 présentant un IMC < 35 kg/m². On évolue donc d’une chirurgie bariatrique stricto sensu à une chirurgie métabolique. Une revue systématique a montré des résultats assez remarquables sur le plan glycémique, en dépit de l’absence d’obésité franche au départ. La perte de poids a été assez modérée et plus importante chez les sujets avec un IMC entre 30 et 35 kg/m² que chez ceux avec un IMC < 30 kg/m² (tableau 2). Ce succès a été obtenu avec un très faible de taux de complications ; il faut toutefois noter une mortalité opératoire de 0,29 %. Les auteurs concluent que ces observations ouvrent la porte à la chirurgie métabolique pour des patients DT2 avec un IMC < 30 kg/m². *85 % des patients DT2 ont pu être sevrés des médicaments hypoglycémiants. De la chirurgie bariatrique à la chirurgie métabolique   On assiste manifestement  à une certaine évolution de la chirurgie du patient avec DT2, passant de la chirurgie bariatrique classique, réservée aux sujets avec une obésité sévère (IMC > 35 kg/m², voire > 40 kg/m²) à une chirurgie métabolique, proposée à des personnes diabétiques sans obésité marquée, avec un IMC < 35 kg/m², voire < 30 kg/m².   La question qui se pose est de savoir à quel patient DT2 proposer une solution chirurgicale ? Actuellement, il paraît raisonnable de réserver cette chirurgie en priorité aux patients DT2 les plus obèses, car ce sont sans doute eux qui tireront globalement le plus de bénéfices de l’intervention. Le changement de perspective décrit ci-dessus ouvre cependant la porte à des patients DT2 sans obésité sévère, voire avec un simple excès de poids. Il convient sans doute de ne pas intervenir trop tard dans l’évolution de la maladie (avant l’épuisement de la cellule b) si l’on veut espérer une rémission du DT2. Il n’est cependant pas inutile de mettre en garde contre un engouement excessif pour la chirurgie métabolique chez les patients DT2 non obèses en l’absence d’une validation soigneuse préalable de cette approche. En effet, d’un côté, on ne peut occulter le risque de complications inhérentes à l’opération, de l’autre il ne faut pas mésestimer les progrès récents de la prise en charge médicale des patients DT2.         Les principales procédures chirurgicales testées ont été les suivantes : - le cerclage gastrique ajustable : à notre avis, pas la meilleure technique pour la chirurgie métabolique vu l’absence d’effets hormonaux spécifiques ; - la technique de dérivation biliopancréatique : même si elle s’avère généralement très efficace, elle paraît trop agressive et expose le patient à des carences nutritionnelles ; - la dérivation gastrique avec anse de Roux en Y : cette technique, classique en chirurgie bariatrique, a été testée avec succès chez des patients DT2 avec un IMC < 35 kg/m², avec un meilleur taux de rémission du DT2 qu’avec le cerclage gastrique ajustable ; - l’exclusion duodénojéjunale (dérivation duodénojéjunale, « duodenal switch ») : elle se révèle très efficace pour améliorer le contrôle glycémique du patient DT2 avec un IMC < 35 kg/m², à tel point que le placement endoscopique d’une prothèse endoluminale dans le duodénum et la partie proximale du jéjunum a été proposé comme alternative à l’intervention chirurgicale ; - la transposition iléale, avec ou sans gastrectomie en manchon par laparoscopie : deux variantes de la technique chirurgicale ont été comparées, avec et sans dérivation, avec des résultats seulement un peu meilleurs avec la diversion.         Conclusion   La meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques intervenant dans l’amélioration de l’homéostasie glycémique après chirurgie bariatique a eu deux conséquences importantes : - la première est l’apparition de nouvelles techniques chirurgicales visant à optimaliser les réponses hormonométaboliques plutôt que de privilégier l’obtention d’une restriction et/ou d’une malabsorption énergétique ; - la seconde est la proposition récente de traiter les patients DT2 sans obésité sévère par ces nouvelles techniques chirurgicales si les approches médicales s’avèrent insuffisantes. Au cours des dernières années, des travaux, de plus en plus nombreux, ont rapporté des résultats favorables chez des patients DT2 avec un IMC < 35 kg/m². On pourrait ainsi évoluer d’une chirurgie bariatrique vers une chirurgie métabolique. Avant d’adhérer à ce nouveau paradigme, il convient de disposer d’études plus larges, non limitées à quelques équipes, bien contrôlées et couvrant une période suffisamment longue de façon à pouvoir disposer d’une évaluation objective quant au rapport bénéfices/risques  de cette approche innovante.

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