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Recommandations - Consensus

Publié le 31 mar 2012Lecture 6 min

Ce que mangent les patients diabétiques en France - Il y a loin des recommandations à la réalité

H. GIN, Bordeaux

Chaque médecin connaît les recommandations nutritionnelles générales pour la santé, faites d’un apport calorique permettant de maintenir le poids, avec une répartition particulière entre les différents nutriments faisant que 45 à 50 % de la ration calorique doit être apportée par des glucides. En cas d’obésité ou de surcharge pondérale, il importe de réduire la ration calorique totale tout en respectant, bien sûr, une répartition normale des nutriments ; enfin, tout le monde dit que la nutrition du patient diabétique correspond à la nutrition idéale, ce qui veut dire s’approchant des recommandations.

Un certain nombre d’études de par le monde ont pourtant montré que tel n’est pas le cas ; c’est ainsi qu’il a pu être démontré qu’en Europe, les patients diabétiques de type 1 ont une consommation protidique bien plus importante que les patients non diabétiques (ce qui ne semble pas être l’objectif dans une maladie où il existe une menace par la fonction rénale) ; de la même manière, un certain nombre d’études, notamment celles des 7 pays ou celle des Nurses, ont montré une réduction des apports en glucides et une augmentation de la consommation de protéines chez les patients diabétiques. Peu d’études ont été réalisées en France.   SU.VI.MAX : un portrait des comportements alimentaires   Récemment, l’analyse du comportement des patients diabétiques inclus dans la cohorte SU.VI.MAX1 a été publiée, ce qui permet de se faire une idée de ce que font les patients que nous sommes amenés à suivre. Pour cela, le comportement alimentaire des patients non diabétiques de la cohorte SU.VI.MAX a été comparé à celui des patients se déclarant diabétiques. Ont été retenus comme patients non diabétiques ceux qui, bien sûr, ne s’étaient pas déclarés comme tels, qui ne prenaient pas de médications antidiabétiques orales et qui avaient une glycémie à jeun inférieure à 7 mmol/l. Ont été inclus dans le groupe des patients se reconnaissant diabétiques uniquement ceux qui se sont déclarés comme tels à l’inclusion ; en revanche, ont été exclus de l’étude ceux chez lesquels une glycémie supérieure à 7 mmol/l a été découverte, et ceux qui prenaient des antidiabétiques oraux, mais qui ne s’étaient pas spontanément déclarés comme ayant un diabète au moment de l’inclusion. Par ailleurs, pour pouvoir tester un comportement alimentaire complet et non influencé par la saison à laquelle serait faite l’enquête, il était exigé pour retenir les patients dans l’étude, que 5 relevés quotidiens alimentaires aient été obtenus sur une période de 18 mois, portant sur des jours différents, ce qui a permis de faire abstraction de la variation saisonnière de l’alimentation, ainsi que la variation au cours de la semaine en fonction des périodes de travail ou de loisirs.   Comportements des diabétiques en pratique   La population étudiée correspond globalement à celle présentant un diabète de type 2, puisque âgée de 45 à 60 ans. On y reconnaît facilement les patients diabétiques de type 2 puisque ceux se déclarant diabétiques ont un indice de masse corporelle supérieur à celui de la population témoin (28 vs 24,9 chez les hommes ; 27,8 vs 22,9 chez les femmes). La notion de surcharge pondérale est donc retrouvée. On sait qu’elle est fréquemment associée au diabète de type 2. En revanche, la ration calorique et le comportement alimentaire apparaissent différents. La ration calorique des personnes non diabétiques est de 2 265 kcal, alors que chez les patients qui se déclarent diabétiques elle n’est plus de 2 110 kcal (p = 0,01). Cela correspond à des notions qui ont déjà été décrites. Les patients restent en surpoids malgré la pratique d’une certaine restriction calorique comparativement à leur conjoint, cette restriction calorique demeurant insuffisante par rapport au surpoids qu’ils présentent. Les éléments les plus surprenants concernent les apports de glucides : – les non-diabétiques consomment 218 g de glucides, dont 92 g de sucreries ; – les diabétiques de type 2 consomment 184 g de glucides, dont 67 g de sucreries ; ils ont donc pratiqué une restriction glucidique aux dépens des sucreries, certes incomplète, mais aussi aux dépens des glucides complexes puisque ceux-ci passent de 126 à 117 g ; – les non-diabétiques consomment donc 41 % de leurs apports énergétiques sous forme glucidique, mais seulement 23,7 % sous forme de sucres complexes ; – les diabétiques de type 2 ne consomment plus que 37,8 % de leur ration calorique sous forme glucidique, dont 23,9 % sous forme de sucres complexes. Par conséquent, lorsqu’un patient se sait diabétique, il modifie son comportement nutritionnel ; toutefois, ces modifications vont à l’encontre des recommandations en l’éloignant de la ration dite équilibrée.   Protéines et lipides alimentaires Parallèlement, on assiste à une augmentation de la consommation de protéines, qui passe de 96 à 102 g ; il n’y a pas de modification de la consommation totale de graisses, qui passe de 94 à 91 g lorsque les patients sont diabétiques. Ainsi les lipides contribuent à la ration calorique globale pour 40 % chez les non-diabétiques et 41,2 % chez les patients qui se déclarent diabétiques. De toute évidence, cela est excessivement éloigné des recommandations. En revanche, d’autres efforts nutritionnels sont faits, notamment une diminution de la consommation d’alcool, qui passe chez les hommes de 19 à 13 g. Des chiffres comparables, dans les mêmes proportions, sont retrouvés chez les femmes. Les résultats en termes d’aliments permettent de retrouver ces différents résultats : diminution des produits sucrés raffinés de 50 %, augmentation de la viande et légère diminution des produits laitiers. Pourquoi un comportement alimentaire si éloigné des recommandations ?   Ces résultats, qui sont obtenus sur un large échantillon de la population française recrutée sur l’ensemble du territoire, montrent qu’un patient diabétique peut chercher à faire des efforts nutritionnels, puisqu’il modifie son comportement par rapport à la population non diabétique ; malheureusement, ces efforts nutritionnels sont loin d’aller dans le sens des recommandations de bonne pratique clinique liées à son état. Il faut donc s’interroger sur les raisons de ce type d’évolution et de ce type de comportement. De toute évidence, ce « pourquoi » se trouve dans le fantasme général du diabète, qui laisse croire à tout un chacun que le sucre retrouvé dans le sang est celui qui était dans l’assiette. Le physiologiste, le médecin, connaissent bien le métabolisme alimentaire : – les aliments sont avalés, puis digérés ; – glucides, lipides, protides se retrouvent au niveau du tronc porte ; – sous l’influence de l’insuline, le glucose est stocké sous forme de glycogène au niveau hépatique et musculaire ; – et c’est sous l’influence de l’insuline que ce glycogène se débobinera pour relibérer éventuellement du glucose ; – en sachant que les stocks hépatiques glycogéniques sont relativement faibles et qu’une néoglucogenèse importante a lieu particulièrement durant la nuit, le glucose retrouvé le matin dans le sang circulant ne correspond qu’à du glucose débobiné à partir du glycogène, probablement fabriqué à partir de la néoglucogenèse durant la nuit. Toutes ces notions de physiologie étant évidentes, elles incitent à respecter l’apport glucidique pour diminuer l’apport lipidique et l’apport protidique, le tout dans une visée de bonne prise en charge de la santé et du risque vasculaire. Il est probablement tout aussi évident que ces comportements sont influencés par l’ambiance générale, les commentaires que peuvent apporter le voisin ou l’entourage immédiat sur le diabète et la pression des médias. Il importe bien sûr que, face à cet environnement, l’ensemble du corps médical – et particulièrement celui qui est au plus près des patients – soit bien conscient de ce comportement et ne contribue pas à l’aggraver.   Pour la pratique   Les études épidémiologiques nous permettent donc d’avoir une vision globale qui ne correspond pas, bien sûr, obligatoirement au comportement exact du patient que l’on peut avoir en face de soi dans son cabinet, mais cette vision globale peut amener chaque praticien à une vigilance, pour que les patients diabétiques qu’il suit s’approchent le plus possible des recommandations de bonne santé plutôt que des comportements engendrés par la pression ambiante.

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