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Physiologie-Physiopathologie

Publié le 14 juin 2013Lecture 14 min

Sécrétions du tissu adipeux - Profusion et confusion (II)

M. LAFONTAN, Inserm/UPS UMR 1048-I2MC, Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires, Hôpital Rangueil, Toulouse

Ce volet (II) contient un panorama succinct des adipokines les plus connues et une récapitulation synthétique de leurs mécanismes d’action. On doit retenir que de nombreuses données acquises en expérimentation animale devront encore faire l’objet de validations approfondies chez l’homme avant d’intégrer les adipokines émergentes en physiologie humaine et physiopathologie.  

Actions pléïotropes des adipokines Plusieurs revues de synthèse récentes ont établi un panorama actualisé des adipokines les plus connues et de leurs mécanismes d’action essentiels. Ces données sont brièvement récapitulées dans l’encadré. Les adipokines jouent un rôle important dans la régulation de l’appétit, la prise alimentaire et la satiété (leptine), la distribution de la masse grasse, la sensibilité à l’insuline et l’insulinosécrétion par action sur la cellule β-pancréatique, la dépense énergétique, l’inflammation, les fonctions endothéliales et la vasomotricité, la pression artérielle et l’hémostase. Remarquons que la pléïotropie d’action de la leptine et de l’adiponectine (hormones adipocytaires majeures bien impliquées dans le dialogue interorgane), sur la régulation de la dépense énergétique, la régulation pondérale et la sensibilité périphérique à l’insuline de divers tissus cibles a fait l’objet de nombreux travaux sommairement récapitulés dans les figures 1, 2 et 3.    Encadré. Productions issues du tissu adipeux (adipocyteset cellules de la fraction stroma-vasculaire) et leurs implications dans le contrôle des grandes fonctions. Cette liste n’est pas exhaustive.   Il y a un consensus pour reconnaître que l’adiponectine exerce des effets insulinosensibilisateurs, anti-inflammatoires et antiapoptotiques sur divers types cellulaires. Elle améliore la sensibilité à l’insuline en augmentant la dépense énergétique, l’oxydation des lipides et l’expression de gènes régulés par PPARα Peroxisome proliferator- activated receptor-α).    En dehors de ses effets très explorés sur le système nerveux central(1), la leptine possède divers effets périphériques et pourrait jouer un rôle dans la prévention de la lipotoxicité(2). Bien que les obèses aient des taux de leptine plasmatique élevés, les effets centraux de la leptine sur la prise alimentaire sont souvent réduits chez ces sujets. On parlera de résistance aux effets de la leptine ; plusieurs mécanismes explicatifs ont été envisagés(3).    Figure 1. La leptine est impliquée dans des voies physiologiques aux finalités opposées.  En dehors d’effets périphériques qui ne seront pas détaillés ici, la leptine circulante, majoritairement sécrétée par l’adipocyte, franchit la barrière hémato-encéphalique et stimule les récepteurs LRb localisés sur divers neurones des noyaux centraux, inhibe l’appétit, stimule la thermogenèse, accroît l’oxydation des lipides et entraîne une réduction du poids et de la masse grasse. Une leptine plasmatique élevée représente un signal d’excès de masse grasse et d’obésité et met en jeu les voies effectrices centrales de résistance à l’obésité. La leptine pourrait aussi jouer un rôle dans la limitation de la lipotoxicité chez l’obèse. Inversement, des taux bas de leptine plasmatique représentent un signal de jeûne prolongé ou d’un déficit de masse grasse, qui va mettre en jeu un ensemble de processus complémentaires afin d’initier les mécanismes neuroendocrines d’adaptation au jeûne ou à un déficit de masse grasse.  Figure 2. Diagramme récapitulant les cibles tissulaires majeures de l’adiponectine, la localisation de ses récepteurs et les effets essentiels à retenir.  L’adiponectine se lie à deux types de récepteurs majeurs, AdipoR1, AdipoR2, distribués de façon différentielle dans les divers tissus cibles. L’adiponectine active l’AMP kinase (AMPK) (5’-AMP-activated protein kinase) et/ou le récepteur activé par les proliférateurs de peroxisomes PPAR-α peroxisome proliferatoractivated receptor α). Elle stimule le captage du glucose et des acides gras par le muscle squelettique et accroît l’oxydation des acides gras dans le muscle et dans le foie. Elle accroît la dépense d’énergie dans le muscle en augmentant le découplage de la formation d’ATP dans la mitochondrie. Elle est également capable de stimuler la biogenèse mitochondriale musculaire. L’adiponectine inhibe la production hépatique de glucose, l’influx d’AGNE et la synthèse de triglycérides hépatiques. L’adiponectine possède des effets antiathérogènes (figure 3) et module l’insulinosécrétion. L’activation de l’AMPK par l’adiponectine dans les neurones hypothalamiques stimule la prise alimentaire et réduit la dépense énergétique (↓ inhibition ; ↑ stimulation).  Figure 3. Diagramme récapitulant les effets pléiotropes de l’adiponectine sur le système cardiovasculaire.  L’adiponectine exerce des effets protecteurs sur diverses fonctions vasculaires. Les deux types de récepteurs adiponectine sont exprimés dans la cellule endothéliale. L’adiponectine inhibe l’activation endothéliale et l’attachement des monocytes. Ses effets antiathérogènes passent par l’inhibition de l’expression de molécules d’adhésion comme ICAM-1 (Intracellular adhesion molecule 1) provoquée par des facteurs pro-inflammatoires (IL-6 et TNF-α). Cet effet est dû à une activation de l’AMPK, une inhibition de la voie NF-κB et du récepteur scavenger de classe A-1 qui réduit le captage du cholestérol par les macrophages et leur transformation en cellules spumeuses. L’adiponectine joue un rôle dans la réparation de l’endothélium ; elle stimule la survie, la prolifération et la différenciation des cellules progénitrices endothéliales médullaires (EPC). L’adiponectine stimule l’activité de la eNOS et la production de NO ; cet effet passe par une activation de l’AMPK. L’adiponectine inhibe également la production d’espèces réactives de l’oxygène (ROS) induite in vitro par de hautes concentrations de glucose, les LDL oxydées ou le palmitate. L’adiponectine supprime la prolifération et la migration des cellules musculaires lisses induite par des facteurs de croissance tels que le PDGF-BB (Platelet-derived growth factor-BB) ou le bFGF (basic fibroblast growth factor). Parallèlement aux effets sur la cellule endothéliale, l’adiponectine inhibe la production par les macrophages de cytokines pro-inflammatoires induites par différents stimuli (lipopolysaccharide, leptine, résistine). Elle va également influencer l’état de polarisation des macrophages en les orientant vers le phénotype anti-inflammatoire de type M2 (par opposition au phénotype activé de type M1) (↓ inhibition ; ↑ stimulation). Quelques adipokines émergentes Nous évoquerons très succinctement quelques autres productions du TA. De nombreuses données acquises au cours de travaux in vitro ou en expérimentation animale devront encore faire l’objet de validations approfondies chez l’homme.  Le TA produit des facteurs de croissance comme le VEGF-A (vascular endothelial growth factor A), bFGF (basic fibroblast growth factor), HGF-1 (hepatic growth factor 1), NGF (nerve growth factor) qui affectent les processus de remodelage du TA en contrôlant à la fois les processus d’adipogenèse et d’angiogenèse. L’expansion du TA nécessite une néovascularisation pour l’apport d’oxygène, de nutriments et d’hormones.  Afin de réguler les processus de néovascularisation pendant son expansion, l’adipocyte sécrète plusieurs facteurs angiogéniques essentiels : le VEGF-A, la leptine, le PIGF (placental growth factor), le bFGF, l’HGF-1 et l’angiopoïetine 2. Le VEGF-A est responsable de l’essentiel de l’activité proangiogénique dans le TA. Il se lie à deux récepteurs à activité tyrosine- kinase (VEGFR2 et VEGFR1) qui subissent une homo- ou hétérodimérisation et sont activés par transphosphorylation. Le VEGFR2 est impliqué dans la plupart des réponses cellulaires. Un déficit de production de VEGF-A conduit à une vascularisation insuffisante. L’apparition de plages d’hypoxie au sein du TA va induire des perturbations dans la production d’adipokines qui auront des conséquences métaboliques délétères. Le PEDF (pigment epitheliumderived factor) est une nouvelle adipokine. C’est une glycoprotéine de 50 kDa de la famille des serpines. Identifiée in vitro dans le sécrétome d’adipocytes humains différenciés, cette protéine est abondamment sécrétée par l’adipocyte de l’homme et des rongeurs. Son niveau d’expression croît avec la différenciation adipocytaire. Ses taux plasmatiques sont élevés et corrélés positivement à l’obésité et au niveau d’insulinorésistance. Elle induit une activation des processus pro-inflammatoires et une insulinorésistance de l’adipocyte et de la cellule musculaire striée. De nombreux points obscurs subsistent sur la régulation de la production et les mécanismes d’action de cette adipokine multifonctionnelle(4). L’autotaxine (ATX) est sécrétée par le TA sous la forme d’une protéine glycosylée. Constituée de plusieurs domaines, elle possède un site catalytique impliqué dans une activité lysophospholipase D qui génère l’acide lysophosphatidique (LPA), un facteur de croissance phospholipidique(5). Le LPA agit via des récepteurs à sept domaines transmembranaires couplés aux protéines G (de LPA1R à LPA6R). Elle est plus sécrétée par les adipocytes (2 à 3 fois plus) que par les cellules de la FSV. Son expression est augmentée chez l’obèse (souris, homme et rat). L’invalidation spécifique de l’ATX dans le TA diminue de 40 % les concentrations de LPA circulant, un résultat qui démontre le rôle du TA dans la production des taux de LPA circulant. L’expérimentation animale a révélé des effets du système ATX/LPA sur la prolifération des préadipocytes, l’expansion de la masse grasse et la sensibilité à l’insuline qui devront être étayés chez l’homme. Le TA sécrète également DPP-4, une sérine protéase membranaire présente dans de nombreux tissus (rein, foie, intestin, rate, endothélium vasculaire, etc.). DDP-4 dégrade rapidement le GIP (glucose-dependent insulinotropic polypeptide) et le GLP-1 (glucagon-like peptide-1), les deux incrétines libérées dans la circulation lors d’un repas. Ces deux incrétines sont diminuées chez les diabétiques de type 2. Le niveau d’expression et de sécrétion de DPP-4 est corrélé à la taille des adipocytes et à l’accroissement du nombre de paramètres du syndrome métabolique. En revanche, son niveau baisse après une perte de poids. Des données récentes suggèrent que le TA pourrait être une source importante de DPP-4 chez l’obèse(6). Sa contribution causale éventuelle au dérèglement de l’homéostasie glycémique de l’obèse reste à démontrer.   L’apeline, identifiée dans le plasma et dans l’hypothalamus, est sécrétée par les adipocytes ; elle a donc un statut d’adipokine. C’est une protéine issue d’un polypeptide de 77 acides aminés comprenant une séquence signal qui permet sa sécrétion. Les formes « actives » de l’apeline, synthétisées à partir du précurseur commun, correspondent aux 36, 17 et 13 derniers acides aminés ainsi que la forme 13 pyroglutaminée. Il existe une homologie parfaite des 23 acides aminés N terminaux entre l’apeline humaine, bovine et murine. Le récepteur de l’apeline (récepteur APJ) est un récepteur à sept domaines transmembranaires ayant une forte homologie avec le récepteur de type 1 de l’angiotensine II. L’expression de l’apeline est induite par l’insuline ou l’hypoxie ; elle est augmentée dans les adipocytes des modèles murins d’obésité hyperinsulinémique. L’apeline, administrée à des souris, stimule le métabolisme énergétique du muscle squelettique et possède des effets insulinosensibilisateurs notables. Les données récentes sur les effets de l’apeline donnent une dimension toute particulière à cette adipokine qui pourrait jouer un rôle dans l’installation du diabète associé à l’obésité. Des travaux sont en cours pour évaluer les effets de l’apeline ou d’agonistes de synthèse d’APJ chez l’homme(7). La résistine/ADSF/FIZZ3 est un petit polypeptide (114 a.a.), riche en cystéines et sécrété par les adipocytes des rongeurs, qui joue un rôle dans l’homéostasie glucidique(8). Chez l’homme, présente à très bas niveau dans l’adipocyte, elle est exprimée et sécrétée par les monocytes et les macrophages. Les taux de résistine circulante (c.-à-d. sous forme de trimères ou d’hexamères) sont corrélés de façon positive à la masse de TA. La résistine provoque une insulinorésistance des tissus périphériques. Elle inhibe la différenciation des adipocytes et joue également un rôle dans l’inflammation et les pathologies inflammatoires vasculaires. Les récepteurs éventuels n’ont pas encore été identifiés. Elle contrecarre l’action de l’insuline et inhibe la voie de signalisation impliquant l’AMPK dans le muscle et le foie et active SOCS-3 (suppressor of cytokine signaling-3) dans le tissu adipeux, mécanismes susceptibles d’expliquer la perturbation de la signalisation insulinique. Le TNFα et l’IL-6 induisent l’expression de la résistine dans les macrophages humains, mais le rôle de la résistine reste à préciser chez l’homme.  Le TA sécrète une protéine de la famille des angiopoïétines nommée « FIAF/Angptl4 » pour fasting-induced adipose factor/ angiopoietin-like protein 4. Cette molécule complexe, non limitée au TA car exprimée dans de nombreux organes, est douée de propriétés métaboliques et non métaboliques.  FIAF/Angptl4 est un puissant inhibiteur de la lipoprotéine lipase, mais est capable de stimuler la lipolyse adipocytaire. Séquestré dans la matrice extracellulaire, il modifie l’activité des cellules endothéliales et inhibe l’angiogenèse. Le jeûne est un puissant inducteur de FIAF/Angptl4 dans le TA et les autres tissus. Dans le TA, son expression est régulée par PPARγ et par les acides gras. Chez l’homme, le niveau de FIAF/Angptl4 présente une corrélation positive avec les taux d’AGNE circulants. Il est induit dans les situations qui augmentent les taux d’acides gras circulants (jeûne et exercice physique). Son expression est également induite par les glucocorticoïdes. Enfin, l’hypoxie s’avère un puissant inducteur de FIAF/Angptl4. D’autres adipokines (RBP-4, chemerine, vaspine, fetuine-A, omentine, PAI-1 (plasminogen activator inhibitor 1) et FABP-4 (fatty acid-binding protein 4) ont également été associées au risque d’insulinorésistance et à la stéatose hépatique. En ce qui concerne la régulation du tonus vasculaire, certaines adipokines tel les que l ’adiponectine, l’omentine, la visfatine et l’ARDF (adipocyte-derived relaxing factor), libéré par les TA périvasculaires, ont des effets vasorelaxants. En revanche, l’angiotensine II et la résistine sont vasoconstrictrices alors que la leptine, le TNFα, l’interleukine- 6, l’apeline et les espèces réactives de l’oxygène (ROS) ont des effets vasorelaxants ou vasoconstricteurs selon le contexte tissulaire. L’angiotensinogène, précurseur de l’angiotensine II (Ang II) est produit par l’adipocyte, qui synthétise et sécrète tous les composants du système rénine-angiotensine-aldostérone. Abondant dans le TA viscéral, l’angiotensinogène a été également identifié dans les TA périvasculaires. Certains auteurs considèrent que l’angiotensinogène issu du TA pourrait contribuer à l’hypertension de l’obèse ; il existe une corrélation positive entre les taux plasmatiques d’angiotensinogène et l’IMC. L’Ang II inhibe la différenciation des préadipocytes et régule la production de diverses adipokines, le stress oxydant et certains processus inflammatoires. La signification physiopathologique de l’angiotensinogène et de l’Ang II issus de l’adipocyte et leur implication dans la régulation de la pression artérielle a été bien mise en évidence chez des rongeurs déficients ou surexprimant l’angiotensinogène dans le tissu adipeux(9).  Une revue détaillée des adipokines identifiées à ce jour, avec des précisions sur celles qui n’ont pas été abordées en détail dans cette synthèse, est accessible dans un ouvrage récent(10). Signification clinique des adipokines circulantes La découverte des capacités sécrétoires du tissu adipeux a ouvert un champ d’investigation clinique particulièrement riche et encore en cours d’exploration et de conceptualisation. Les adipokines ont une signification clinique indéniable, car elles constituent des biomarqueurs utiles de la masse grasse et de l’état fonctionnel du TA. Elles sont aussi des biomarqueurs de l’état de sensibilité à l’insuline et de l’inflammation subclinique qui caractérise certaines obésités.  Exemple significatif, les taux circulants des deux principales adipokines sont étroitement corrélés au niveau de surcharge lipidique et à l’expansion de la masse grasse : corrélation positive avec l’IMC pour la leptine et corrélation négative pour l’adiponectine. Une analyse plus affinée a révélé que les taux d’adiponectine circulante sont influencés de façon différentielle par la distribution de la masse grasse. Les taux d’adiponectine sont associés positivement avec l’accumulation de graisse glutéo-fémorale et négativement avec la masse grasse thoracique(11). Accroissement de la sensibilité à l’insuline et perte de poids sont associés à une production accrue d’adiponectine. Une partie des effets antidiabétiques bénéfiques des thiazolidinediones passe par l’induction d’une augmentation des taux d’adiponectine circulante. Récemment, des profils d’expression différentiels des adipokines ont été révélés lors de protocoles d’amaigrissement et de reprise de poids après interventions diététiques prolongées(12).  Conclusion  Les études à venir sur le rôle des adipokines devront mieux prendre en compte l’expansion relative des divers dépôts adipeux et leur contribution différentielle à la production d’adipokines circulantes dans un contexte où de nombreuses adipokines ne sont pas strictement produites par les adipocytes et les cellules de la FSV.     Conflits d’intérêt  L’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en rapport avec cet article.

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