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Os et Articulations

Publié le 31 jan 2014Lecture 8 min

Complications ostéoarticulaires du diabète : atteinte du membre supérieur

P. HILLIQUIN, Service de rhumatologie, Centre hospitalier Sud-Francilien, Corbeil-Essonnes

L’atteinte de la main et de l’épaule est fréquente au cours du diabète. La plupart des manifestations pouvant être rencontrées sont en rapport avec l’accumulation de collagène dans les tissus sous-cutanés, péri-articulaires ou péritendineux. Les principales affections observées ne sont pas spécifiques du diabète, mais elles y sont plus fréquemment rencontrées que dans la population générale. Il s’agit du syndrome du canal carpien, des doigts à ressaut, du syndrome épaule-main ou de la capsulite rétractile et de la maladie de Dupuytren. La chéiroarthropathie est en revanche plus spécifique du diabète.
Si la plupart de ces manifestations sont associées à la durée et à la sévérité du diabète, certaines peuvent le révéler. Une prise en charge spécifique est nécessaire en raison des douleurs, de l’enraidissement et du handicap fonctionnel fréquemment occasionnés.

Capsulite rétractile de l’épaule   La rétraction capsulaire de l’épaule est certainement la pathologie ostéo-articulaire la plus invalidante rencontrée au cours du diabète. Il s’agit d’un équivalent d’algoneurodystrophie localisée à l’épaule ou touchant le membre supérieur sous forme d’un syndrome épaulemain(1). Les lésions anatomiques sont essentiellement caractérisées par une accumulation de fibroblastes à l’origine d’une production excessive de collagène dans la capsule articulaire. La capsulite rétractile peut être observée au cours de diabètes anciens ou être révélatrice d’un diabète ou d’une intolérance au glucose(2,3). Sa survenue chez un sujet apparemment sain doit systématiquement conduire à rechercher un diabète. À l’inverse, la survenue d’une capsulite rétractile de l’épaule chez un diabétique connu ne doit pas occulter la recherche d’une autre cause : pathologie sous-jacente de l’épaule, articulaire ou extra-articulaire (tendinopathie de la coiffe des rotateurs) ; médicamenteuse (isoniazide, bêtabloquant, barbiturique, etc.) ; affection intrathoracique (pleurale, pulmonaire, péricardique, etc.). Elle doit faire adresser le patient à un rhumatologue pour confirmer le diagnostic et mettre en place un traitement approprié. Prévalence, symptômes et diagnostic La prévalence de la capsulite rétractile atteindrait environ 10 % au cours du diabète(2). Elle est parfois associée à d’autres manifestations observées au cours du diabète (chéiroarthropathie, syndrome du canal carpien). La survenue d’une capsulite semble corrélée à l’âge, à l’ancienneté du diabète, à son caractère insulinonécessitant et à la présence de certaines complications, notamment la rétinopathie. Cette affection se caractérise par une limitation progressive en quelques semaines de l’ensemble des mouvements de l’épaule. Des signes inflammatoires sont parfois observés à la phase initiale. À la phase constituée, l’antépulsion et l’abduction ne dépassent pas en général l’horizontale, la rotation externe est très limitée rendant les mouvements complexes impossibles (mettre la main dans le dos, porter la main derrière la tête). Le syndrome épaule-main s’accompagne de troubles vasomoteurs à la main et d’une limitation progressive de la flexion des doigts et parfois du poignet. La preuve de la rétraction capsulaire est apportée par l’arthrographie montrant une limitation de volume du produit de contraste pouvant être injecté dans l’articulation. Les radiographies comparatives sont systématiquement pratiquées, montrant une déminéralisation globale de l’épaule par rapport au côté opposé. La scintigraphie osseuse est réalisée en cas de doute diagnostique, mettant en évidence une hyperfixation régionale de l’épaule. L’arthrographie, si elle est réalisée, est habituellement couplée à la tomodensitométrie (arthroscanner), permettant de préciser d’éventuelles anomalies intra-articulaires et l’intégrité des tendons de la coiffe des rotateurs. Évolution La durée d’évolution est souvent prolongée, de l’ordre de 12 à 18 mois. Il est habituellement admis que l’évolution se fait vers la guérison définitive, mais il semble qu’un certain degré d’enraidissement puisse persister, en particulier pour les doigts dans le syndrome épaule-main. L’évolution de la capsulite rétractile est souvent plus longue chez le diabétique. Des récidives ou l’atteinte d’autres articulations semblent également plus fréquentes que dans la population générale. Traitement Le traitement repose sur l’utilisation d’antalgiques et la rééducation. La physiothérapie est proposée, associée à une mobilisation douce et indolore de l’articulation. Les objectifs sont un effet antalgique essentiellement à la phase initiale, et l’obtention d’un gain de mobilité lorsque l’enraidissement est installé. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens en cure courte ont un intérêt à la phase initiale de l’affection. Les infiltrations cortisoniques peuvent également être réalisées ; elles ne sont pas contre-indiquées mais comportent le risque de déséquilibre transitoire du diabète, en particulier s’il est instable. Certains auteurs proposent la capsulodistension consistant en l’injection sous pression de sérum physiologique dans la cavité articulaire, ou encore la mobilisation forcée de l’articulation sous anesthésie. Syndrome du canal carpien Ce syndrome correspond à une compression du nerf médian dans le canal carpien. Sa prévalence dans la population générale est de l’ordre de 2 %, cette affection survenant le plus souvent chez la femme, en période périménopausique. Un antécédent de traumatisme articulaire au poignet et une hypothyroïdie sont des facteurs favorisants. Les paresthésies sont typiquement ressenties dans le territoire du nerf médian, à savoir en regard des trois premiers doigts et de la face interne de l’annulaire. Les symptômes surviennent le plus souvent en fin de nuit ou lors de certaines postions, et sont typiquement soulagés par le fait de secouer les mains. L’examen clinique recherche une hypoesthésie superficielle dans le territoire du nerf médian et une amyotrophie thénarienne, assez souvent observée dans les formes évoluées. La prévalence du syndrome du canal carpien est 2 à 6 fois plus élevée chez le diabétique comparativement à la population générale, en particulier dans le diabète de type 1 et/ou lorsque le diabète est compliqué d’une neuropathie(4,5). Sa survenue chez l’homme est plus fréquente en cas de diabète associé. Les symptômes de syndrome de canal carpien semblent survenir avec une fréquence accrue dans les années précédant le début du diabète. Diagnostic et traitement Le diagnostic de syndrome du canal carpien est essentiellement clinique. L’électromyogramme est destiné à confirmer le diagnostic en cas de diagnostic douteux, et a un intérêt médicolégal en préopératoire. Son interprétation est parfois délicate en cas de neuropathie diabétique associée. L’échographie du canal carpien est une aide diagnostique, en particulier dans ce contexte. Le traitement du syndrome du canal carpien ne diffère pas selon l’existence ou non d’un diabète. Une ou deux infiltrations cortisoniques sont habituellement pratiquées. En cas d’échec de ces dernières, ou s’il existe d’emblée un retentissement neurologique moteur à type de déficit ou d’amyotrophie, une intervention de libération canalaire est proposée. La guérison est la règle, mais des récidives à distance sont possibles, semblant d’ailleurs plus fréquentes chez le diabétique(6). Doigts à ressaut Le doigt à ressaut est en rapport avec une ténosynovite d’un tendon fléchisseur d’un doigt, qui correspond au développement d’une réaction inflammatoire avec réaction fibreuse le long de la gaine du tendon. La fibrose et le développement de nodules concourent au fait que le tendon coulisse moins bien dans sa gaine. Le doigt à ressaut correspond à un accrochage souvent douloureux lors des mouvements de flexion ou d’extension du doigt. Un nodule est parfois palpable le long de la gaine tendineuse à la paume de la main, ou en regard de la première phalange. Les doigts les plus touchés sont le médius, l’annulaire et le pouce. Les doigts à ressaut sont observés chez 5 à 10 % des diabétiques, la prévalence étant accrue dans le diabète de type 1 et corrélée à l’ancienneté du diabète(7). L’échographie peut avoir un intérêt pour le repérage des lésions. L’infiltration d’un dérivé cortisonique à action immédiate le long de la gaine tendineuse est souvent pratiquée. Une intervention chirurgicale s’avère nécessaire dans la plupart des cas, consistant en un « nettoyage » de la gaine du tendon. Il faut cependant garder systématiquement à l’esprit que toute intervention chirurgicale chez le diabétique comporte un risque accru d’infection et de retard de cicatrisation. Maladie de Dupuytren Les lésions élémentaires correspondent à un épaississement fibreux de l’aponévrose palmaire avec, sur le plan histopathologique, la prolifération de fibroblastes et l’accumulation de collagène. Cette situation aboutit à une rétraction cutanée et à une flexion des doigts, devenant progressivement irréductible. Les lésions prédominent sur les 3e et 4e rayons. La maladie de Dupuytren est 2 à 4 plus fréquente chez les diabétiques que dans la population générale(8). Sa survenue est corrélée à l’âge, l’ancienneté du diabète, mais ne semble pas différer selon le type de diabète (1 ou 2). Sa fréquence est accrue en cas de chéiroarthropathie associée. L’éthylisme chronique est autre situation concourant à la survenue d’une maladie de Dupuytren. Le traitement repose sur l’aponévrotomie à l’aiguille qui, après injection d’un produit anesthésique, consiste à sectionner les brides fibreuses. Plusieurs séances s’avèrent souvent nécessaires. Le recours à la chirurgie est parfois justifié dans les formes évoluées avec rétraction importante en flexion. Chéiroarthropathie diabétique Il s’agit de l’atteinte du membre supérieur la plus caractéristique du diabète. Son incidence augmente avec l’âge, l’ancienneté et le mauvais équilibre du diabète. Elle est plus fréquente dans le diabète de type 1. La chéiroarthropathie est significativement associée à la capsulite d’épaule, à la maladie de Dupuytren, au syndrome du canal carpien et aux autres complications du diabète, notamment l’atteinte rénale, la rétinopathie et la neuropathie périphérique(9). La chéiroarthropathie ou main « pseudo-sclérodermique » se caractérise par une limitation de l’extension et à un moindre degré de la flexion des doigts, en regard des métacarpophalangiennes (MCP) et interphalangiennes proximales (IPP). L’atteinte débute le plus souvent en regard des IPP, en particulier au 5e doigt. L’atteinte est généralement bilatérale et symétrique. Le signe de la prière est caractéristique de cette affection, se traduisant par l’impossibilité d’accoler les deux paumes et les doigts en raison du flessum (figure). Les examens complémentaires ne sont en général pas utiles, sauf en cas de doute avec une sclérodermie. Cette affection est en rapport avec l’accumulation de tissu fibreux dans la peau, les tissus sous-cutanés et les capsules articulaires. Des phénomènes ischémiques liés à la microangiopathie ont été évoqués. Le traitement repose sur les techniques de rééducation visant à lutter contre l’enraidissement en flessum.  Conclusion L’atteinte du membre supérieur est fréquente au cours du diabète, et à l’origine de douleurs et/ou d’un handicap fonctionnel marqué. Leur connaissance est indispensable pour permettre une prise en charge en charge spécifique adaptée. D’autres complications du diabète concernent l’appareil locomoteur, qu’il s’agisse des infections ou des liens entre diabète et ostéoporose.

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