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Physiologie-Physiopathologie

Publié le 30 sep 2014Lecture 4 min

Quelle glycémie en période périopératoire ?

J.-L. SCHLIENGER*, A. STEIB**, *Professeur émérite à la Faculté de médecine de Strasbourg **Professeur à la Faculté de médecine de Strasbourg, chef du Pôle anesthésie-réanimation chirurgicale, CHRU de Strasbourg


Le diabète est un facteur de risque indépendant de complications postchirurgicales se traduisant par des soins plus coûteux, une prolongation de la durée d’hospitalisation et une surmortalité. La gestion de la glycémie avant, pendant et au décours d’un geste chirurgical permet en théorie de réduire ce risque. 

La chirurgie, facteur de stress métabolique L’acte chirurgical entraîne un bouleversement métabolique responsable d’une perturbation de l’homéostasie glycémique. À la période de jeûne s’ajoute une agression métabolique responsable d’une diminution de la sensibilité à l’insuline et de la sécrétion d’insuline et d’une augmentation de la sécrétion des hormones de stress qui sont hyperglycémiantes. Il en résulte une hyperglycémie de stress comparable à celle qui a été décrite dans les pathologies aiguës chez des sujets non diabétiques. Cette hyperglycémie contribue à diminuer les défenses de l’organisme par l’intermédiaire d’un dysfonctionnement de la voie du complément et d’une altération des fonctions phagocytaires des neutrophiles et des macrophages, à majorer la production des cytokines pro-inflammatoires, à modifier la micro- et la macrovascularisation et à retarder la cicatrisation. Quelques travaux suggèrent qu’un strict contrôle de la glycémie à un niveau proche de la normale permet de restaurer une fonction immunitaire correcte et de réduire le risque infectieux qui est le plus préoccupant(1). L’intérêt d’un bon contrôle glycémique L’intérêt d’un excellent contrôle métabolique a été bien établi d’un point de vue pronostique chez les sujets non diabétiques hospitalisés en milieu de réanimation. En revanche, les données sont moins convaincantes chez le diabétique opéré. Une revue systématique portant sur 12 essais randomisés a comparé les effets d’un traitement hypoglycémiant intensif à ceux d’un traitement conventionnel(2). La correction intensive de la glycémie est associée à une diminution non significative des infections (RR = 0,46 ; IC : 0,18-1,18 ; p = 0,11) et de l’insuffisance rénale (RR = 0,61 ; IC : 0,34-1,08 ; p = 0,09), mais elle est sans effet sur l’incidence des événements cardiovasculaires et sur la mortalité. En revanche, le risque d’hypoglycémie est augmenté de façon nette (RR = 6,92 ; IC : 2,04-23,41 ; p < 0,002). Cette revue souligne la réalité du risque infectieux chez le diabétique opéré dont le contrôle glycémique est insuffisant mais pointe aussi le risque 6 fois plus important d’hypoglycémies potentiellement graves chez ces patients qui, du fait de leur état, perçoivent moins souvent les signes d’alerte. Quels objectifs glycémiques en période périopératoire ? En bonne logique, une normoglycémie est toujours préférable. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que l’hyperglycémie péri-opératoire peut être la conséquence à la fois du geste chirurgical plus ou moins lourd et d’une altération associée des grandes fonctions, ce qui introduit un facteur de confusion quant à l’appréciation de l’impact de l’hyperglycémie sur le pronostic. Par ailleurs, le risque inhérent aux hypoglycémies ne doit pas être minimisé à la phase postopératoire (et plus encore chez le patient endormi au bloc opératoire ou sous sédation en réanimation du fait de l’absence de signes d’alerte). En l’absence de recommandations françaises, les recommandations du NHS, parues récemment, semblent pertinentes. Elles préconisent de maintenir la glycémie entre 1,10 g/l et 1,8 g/l avec des extrêmes acceptables de 0,8 g/l à 2,1 g/l. Ces valeurs sont à moduler en fonction du risque d’hypoglycémie et des affections associées(3). Elles proposent aussi de n’entreprendre une chirurgie programmée que lorsque le diabète est équilibré de façon acceptable (HbA1c < 8 ou 9 %), d’être très attentif à l’état d’hydratation et de ne rien entreprendre qui puisse majorer la néoglucogenèse, la cétogenèse, la lipolyse et la protéolyse qui accompagnent le stress chirurgical. Les moyens En cas de diabète de type 1, la première règle est de ne jamais interrompre l’insulinothérapie. L’administration d’une insuline d’action rapide par voie IV est la technique de référence en ce qu’elle assure la régularité et l’adaptation rapide des débits en fonction des variations de la glycémie capillaire. Un apport concomitant de glucose (5 g/h) optimise la prévention du risque d’hypoglycémie. Dans le diabète de type 2, dont les traitements oraux ont été suspendus avant l’intervention, il y a lieu de recourir à une insulinothérapie sous couvert d’un apport glucosé continu tant que les boissons et l’alimentation ne sont pas reprises. Les modalités d’administration de l’insuline sont à adapter à la situation et, dans certains cas, l’administration d’analogues lents peut être envisagée. Dans tous les cas, un monitorage strict de la glycémie capillaire est indispensable à défaut de pouvoir disposer d’une mesure continue de la glycémie. Les intervalles des contrôles dépendent de la stabilité de la glycémie et sont fixés à 1 heure après chaque adaptation du débit d’insuline ou de glucose, et à 2 heures en période de stabilité. La correction d’une hypoglycémie peut se faire en interrompant l’administration d’insuline pendant 30 minutes ou, mieux, en réduisant le débit de moitié et en augmentant la vitesse de perfusion du glucose. En l’absence de recommandations françaises officielles, c’est le bon sens qui doit prévaloir. Le mieux est l’ennemi du bien car il accroît le risque d’hypoglycémie. Le laisser-faire est tout aussi délétère puisqu’il expose à une majoration du risque infectieux dans ce contexte de stress métabolique. L’insulinothérapie continue, d’une part, et la perfusion de glucose, d’autre part, moyennant des débits adaptés à la glycémie capillaire, permettent d’atteindre une fourchette glycémique raisonnable située entre 1,10 et 1,80 g/l. Les auteurs n’ont pas de conflit d’intérêts avec la teneur de ce texte.

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