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Insuline

Publié le 30 nov 2014Lecture 9 min

Diabète de type 2 et pompe à insuline - Comment procéder sur un plan pratique ?

A. FURMANIUK, B. GUERCI, Service de diabétologie, maladies métaboliques et nutrition, CHU Brabois Adultes, Nancy

Le traitement par pompe à insuline était jusqu’alors surtout réservé aux patients diabétiques de type 1, pour une utilisation en ambulatoire en continu. Cette thérapie n’était en principe utilisée chez le diabétique de type 2 qu’à l’occasion de graves déséquilibres glycémiques, et instaurée alors en hospitalisation. Les données récentes démontrent que cette thérapeutique insulinique intensive peut aussi apporter des bénéfices considérables chez des patients diabétiques de type 2 en échec de schémas en multi-injections. La sélection attentive de ces patients associée à une éducation parfois spécifique sur le plan pratique reste cependant l’élément clé de la réussite du traitement.  

Le traitement du diabète de type 2 (DT2) a considérablement évolué durant ces dernières décennies grâce à l’arrivée des nouvelles classes thérapeutiques, notamment celles des incrétines. L’arrivée prochaine des inhibiteurs des SGLT2 devrait enrichir la panoplie des antidiabétiques oraux, mais rendre plus complexe la personnalisation de la stratégie thérapeutique. Malgré ces avancées thérapeutiques, le nombre des patients diabétiques de type 2 justifiant d’une insulinothérapie augmente, tant en valeur relative (plus de 20 % des patients) qu’en valeur absolue en raison de l’accroissement et du vieillissement de la population. L’épuisement progressif des cellules bêta de pancréas participe aussi à la nécessité d’une insulinothérapie chez le DT2. Les patients DT2 présentent fréquemment une insulinorésistance, qui se traduit par l’échec du traitement insulinique intensifié malgré des doses importantes d’insuline. Malgré cela, l’utilisation de fortes doses d’insuline est mal connue en termes de pharmacocinétique. L’adjonction d’inhibiteurs de la DPP4 ou d’agonistes du récepteur du GLP1, ainsi que l’association des inhibiteurs de SGLT2 à une insulinothérapie exclusive, permet dans certaines situations cliniques de corriger du moins en partie un déséquilibre glycémique majeur. Néanmoins, sans préjuger de la qualité d’intensification de l’insulinothérapie, l’équilibre glycémique moyen des patients DT2 reste précaire avec une HbA1c > 8-8,5 % et une glycémie à jeun largement supérieure à 1,40 g/l. C’est dans ce contexte d’impasse thérapeutique que l’usage de la pompe à insuline externe a été jugé comme une alternative thérapeutique possible chez le DT2, selon des recommandations d’experts publiées par la SFD en 2009(1). Actuellement on estime qu’environ 350 000 patients diabétiques aux États-Unis bénéficient d’une pompe à insuline externe dont 30 000 sont des DT2(2,3). En France, la CNAMTS a estimé en 2010 qu’environ 35 000 des patients diabétiques étaient traités par pompe à insuline, dont environ 5 000 à 6 000 seraient des patients DT2(4). Pompe externe chez le DT2 : pour tout le monde ? Le choix des candidats potentiels à un traitement par pompe externe est primordial. En effet, contrairement aux patients DT1 chez qui la mise sous pompe est considérée comme le « gold standard » de l’insulinothérapie intensive, pour le patient DT2 le traitement par pompe s’intègre plutôt dans le cadre d’une escalade thérapeutique au cours de laquelle il est rarement proposé d’emblée. Quels sont les bons candidats ? Un profil « idéal » associe obésité avec insulinorésistance majeure et déséquilibre glycémique malgré une intensification du traitement insulinique par multi-injections (MDI)(5,6). Les études conduites chez le patient DT2 montrent que le traitement par perfusion continue d’insuline (CSII) présente un bénéfice supplémentaire d’HbA1c, surtout chez les sujets DT2 déséquilibrés (HbA1c > 8,5 %), malgré une insulinothérapie optimisée de titration renforcée par MDI pendant plusieurs semaines (étude OPT2MISE), et en cas de prise pondérale importante sous le traitement insulinique actuel. En pratique, il s’agit donc des patients DT2 en échec thérapeutique sous MDI avec au moins 3 injections par jour et au moins un des critères du tableau 1. (D’après Medtronic’s Getting2Goal, Reznik Y et al.) Prérequis avant la mise sous pompe Avant la mise sous pompe, il est nécessaire d’éliminer les contre-indications évidentes (troubles psychiatriques graves pouvant rendre le maniement de la pompe ou le suivi médical difficile, une rétinopathie évolutive qui constitue une contre-indication temporaire jusqu’à la stabilisation de l’état ophtalmologique). Il est souhaitable d’évaluer les capacités techniques et cognitives de la personne : capacité d’utilisation d’un appareil électronique simple, absence d’atteinte sensorielle majeure (visuelle ou auditive). L’évaluation cognitive se fait grâce aux tests Mini Mental Scale (MMS) et Montreal Cognitive Assessment test (MOCA). Le test MOCA a été conçu pour évaluer des dysfonctions cognitives légères (valeur normale > 26/30), en sachant qu’un déficit modéré n’influe pas sur les résultats glycémiques obtenus par les patients. Il peut en revanche conduire à proposer une prise en charge complémentaire en ambulatoire par une infirmière à domicile, notamment au travers de la prestation de service(7). Le dernier critère est l’adhésion à l’autosurveillance glycémique renforcée (ASG ≥ 2 x/j) qui est indispensable pour un ajustement correct du traitement insulinique, mais ce point de la surveillance n’est pas spécifique du patient diabétique de type 2 sous insuline ou sous pompe. Le patient doit comprendre que le traitement par pompe nécessite une observance rigoureuse. Étape clé - Évaluation de la balance bénéfice-risque L’évaluation de la balance bénéfice-risque, en prenant en compte des facteurs médicaux, psychologiques, sociologiques et économiques, est réalisée par le centre initiateur en accord avec le patient après une explication des modalités de traitement et en insistant sur les avantages et inconvénients de ce traitement(8). En pratique   Choix de la pompe Différents modèles de pompe sont disponibles sur le marché. Les principaux fabricants sont Medtronic (Paradigm Veo®), Animas (Animas Vibe®) et Roche (Accu-Check Spirit Combo®). Toutes les pompes sont accessibles aux patients DT2(9). En cas de besoins insuliniques importants, il est préférable de privilégier les pompes avec un réservoir important (3 ml) afin d’éviter la nécessité de changement trop fréquent et des manipulations inutiles de la pompe. Le patient est libre de choisir le modèle de pompe selon la facilité d’utilisation qu’il rencontre avec tel ou tel modèle, mais parfois le choix de la pompe est orienté par l’équipe médicale (visibilité des écrans de pompe, taille du réservoir, tolérance locale aux cathéters dont certains sont « captifs » du modèle de pompe choisi). Détermination et ajustement des doses d’insuline La première étape permet d’évaluer la dose totale d’insuline (DTI) prise par le patient (somme des doses du basal et des bolus). En parallèle on estime de façon théorique la dose totale calculée (DTC), entre 0,5 et 1,0 UI/kg adaptée en fonction de la corpulence du patient (si le risque d’hypoglycémie est jugé important, la dose d’insuline initialement prescrite est de l’ordre de à 0,5 à 0,7 UI/kg ; en cas d’insulinorésistance majeure, la dose est de l’ordre de 1 UI/kg, voire plus). La deuxième étape consiste à la détermination du débit de base insulinique horaire (DB), unique dans le premier temps, qui est établi en se basant sur la moyenne entre la valeur calculée (50 % de la DTC) et la valeur théorique (50 % de la DTI) divisées par 24 h (exemple tableau 2). Chez la majorité des DT2, un seul débit de base d’insuline est suffisant(10), mais en cas d’hyperglycémie majeure la nuit, résultant d’une gluconéogenèse nocturne plus intense, on peut être amené à introduire un DB nocturne spécifique (segment de 0 h-6 h) adapté en fonction de la glycémie au coucher, à minuit et au réveil. Le DB diurne (6 h-0 h) est fonction des glycémies préprandiales. Dans tous les cas, il est préférable de débuter simplement la thérapie : débit de base unique et bolus conventionnel immédiat(10,11) ; puis introduire progressivement les débits de base temporaires en cas d’activité physique notamment. Les bolus sont réévalués dans un premier temps selon les glycémies postprandiales réalisées 1 h 30 à 2 h après le début du repas. On se base sur 15-20 % par repas de la dose quotidienne d’insuline (tableau 3). CSII : continuous subcutaneous insulin infusion ; MDI : multiple daily injections. Ajustement de la posologie des antidiabétiques oraux Il convient d’arrêter les sulfamidés et les glinides dès la mise en place de la pompe. Le traitement par la metformine doit être continué dans la mesure du possible selon la tolérance et l’existence ou non de contre-indications. La poursuite du traitement par incrétines (GLP1 à visée pondérale) reste très discutable compte tenu du coût élevé et en absence d’études randomisées sur l’intérêt d’une telle association. Éducation thérapeutique L’initiation de la thérapie par pompe se fait au cours d’une hospitalisation de 4-5 jours (permettant une surveillance glycémique, notamment nocturne, et une éducation thérapeutique intensive) dans un centre initiateur défini par le texte du Journal Officiel avec une expertise reconnue dans la prise en charge de ce type de patients susceptibles de bénéficier d’une traitement par pompe(1). L’initiation peut se faire en groupe ou lors de séances individuelles tout en sachant que l’initiation en groupe permet l’optimisation des ressources humaines et un meilleur partage du vécu entre les patients diabétiques. Cela permet aux patients de mieux comprendre les différences entre les pompes disponibles et les consommables disponibles. L’éducation thérapeutique est donc indispensable et regroupe des enjeux médicaux, comportementaux et techniques. Concernant plus spécifiquement le DT2 sous pompe à insuline, il convient d’accompagner, de rassurer, et de convaincre de l’efficacité du traitement. Les enjeux médicaux : l’indication de la pompe à insuline fait appel à un consensus d’experts qui prend en compte des facteurs médicaux, psychologiques, sociologiques, et économiques. Le patient présente souvent plusieurs comorbidités et traitements associés. L’évaluation du rapport bénéfice-risque prend donc toute son importance dans cette population à risque. Les enjeux comportementaux et environnementaux du patient sont également à prendre en compte. Il n’est pas rare de rencontrer chez le patient DT2 un sentiment de ne pas avoir les compétences nécessaires à la gestion de ce type de traitement et celui d’un échec par rapport à la stratégie thérapeutique précédente. Fréquemment, un déni et une prise de conscience difficile bloquent l’apprentissage à la pompe à insuline. Afin de préparer au mieux le patient à cette transition thérapeutique, dès que l’indication de la pompe est validée, il est nécessaire que le patient entre dans un parcours d’éducation thérapeutique « pré-pose » de pompe. Le patient doit comprendre « pourquoi » (le diabète évolue et la sécrétion insulinique pancréatique s’épuise) et « comment » (utilisation de la pompe). La psychologie du patient explique qu’il faille avancer pas à pas, au rythme du patient et inclure les personnes ressources adéquates, tels le conjoint, les enfants et/ou l’entourage en fonction de la situation. En bref, il faut donner confiance au patient à chaque étape de l’apprentissage. Enfin, il existe aussi des enjeux techniques, à savoir s’assurer de la maîtrise des fonctionnalités avancées nécessaires à la stratégie thérapeutique. Une vigilance particulière doit porter sur la tolérance des cathéters aux points d’injection. Changer plus souvent le point d’injection (tous les 2 jours) est parfois nécessaire ainsi qu’évaluer la bonne longueur de canule en l’absence de consensus sur ce point précis. Si la quantité de tissu adipeux est trop importante au niveau abdominal, il faut proposer l’insertion au niveau des bras ou des cuisses. En cas de déficit visuel, il faut s’assurer que le patient est efficacement corrigé et adapter le type de pompe à utiliser (taille de l’écran). Enfin, il est recommandé de proposer des accessoires de pompe (cathéters en particulier) que le patient aura lui-même choisis. Durant les séances d’éducation thérapeutique, le patient va acquérir les bases d’utilisation de la pompe : - apprentissage de la manipulation de pompe-remplissage du réservoir (avec flacons, stylos ou cartouches), changement du cathéter, changement de la pile, réalisation de bolus ; - il est essentiel que le patient comprenne la nécessité du changement du cathéter au maximum toutes les 72 h (diminution d’efficacité du traitement au-delà de 72 h et risque d’infection au site d’insertion) ou lors d’une hyperglycémie inexpliquée (> 2,5 g/l) ; - explication des règles d’asepsie et de la conduite à tenir en cas de lésions cutanées ; - conduite à tenir en fonction des alarmes (réservoir vide, occlusion, changement de pile, etc.) ; - conduite à tenir en cas de cétose (bolus correctif avec un stylo, changement du cathéter, surveillance de la glycémie et de la cétonémie capillaires) ; - modalités du remplacement par un schéma en multi-injections en cas de panne du matériel ; - prescription du matériel d’urgence (glucagon, stylos jetables, bandelettes de cétonémie) et remise des numéros d’urgence à la sortie d’hospitalisation. Suivi Dans un premier temps, le suivi doit être rapproché afin de dépister des problèmes éventuels et connaître le vécu du patient sous pompe. En général le patient est revu dans le premier mois suivant l’initiation du traitement par pompe. C’est à cette occasion que le débit et les bolus sont réévalués, et que les connaissances sont approfondies, avec notamment l’explication des fonctions avancées (principe de débit temporaire, utilisation d’assistant bolus, bolus carré lors d’un repas prolongé au restaurant, etc.). Pendant la première année, le patient est revu en consultation médicale de façon trimestrielle (≥ 4 x/an) puis au moins 2-3 x/an. Chaque patient est vu en consultation au centre initiateur au moins une fois par an afin de réévaluer l’efficacité et la sécurité du traitement, et par conséquent de renouveler la prescription. Le suivi technique est assuré par le prestataire.    

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