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Physiologie-Physiopathologie

Publié le 30 sep 2015Lecture 17 min

Troubles du métabolisme liés aux dérèglements des rythmes circadiens

H. DUEZ, Institut Pasteur de Lille ; Inserm UMR 1011 “Nuclear Receptors, Cardiovascular Disease and Diabetes”, Université de Lille ; European Genomic Institute for Diabetes (EGID), FR 3508, Lille


L’horloge biologique permet d’adapter la physiologie des organismes vivants à l’alternance jour/nuit, engendrée par la rotation de la terre, et aux variations de température, d’activité locomotrice et de prise alimentaire qui s’ensuivent. Au cours des dernières décennies, cette rythmicité a été mise à mal par l’exposition à la lumière artificielle et la pollution sonore et lumineuse, la disponibilité constante de nourriture riche, le manque d’activité physique, et la capacité à moduler la température ambiante dans un intervalle « confortable », privant ainsi l’horloge de ces signaux synchronisateurs. Avec ces altérations des rythmes biologiques sont apparus des désordres métaboliques qui tirent, pour partie, leur origine de cette désynchronisation (figure 1)

Figure 1. L’horloge biologique. Les rythmes circadiens sont générés de manière autonome par une horloge moléculaire située dans chacune des cellules de l’organisme. Ces horloges sont synchronisées par des signaux environnementaux comme la lumière (pour l’horloge centrale) ou l’heure des repas et l’exercice (pour les horloges périphériques). Au-delà des cycles veille/sommeil, l’horloge imprime des rythmes dans de nombreux processus physiologiques tels que le métabolisme, la synthèse d’hormones, la fonction cardiaque et vasculaire, la thermogenèse, etc. Que sont les rythmes circadiens ? La rotation de la terre sur ellemême engendre une alternance jour/nuit à laquelle les organismes vivants se sont adaptés grâce à un mécanisme interne de mesure du temps : l’horloge biologique. Cette horloge permet d’anticiper les fluctuations environnementales liées à l’alternance jour/nuit en préparant l’organisme par exemple aux phases de sommeil/ veille ou à la disponibilité en nourriture. Longtemps décriée, l’existence de cette horloge est pourtant apparue évidente avec les premiers vols transatlantiques, en mettant en évidence que les voyageurs restaient pendant quelques jours à l’heure du pays de départ, occasionnant, entre autres, troubles du sommeil ou de l’appétit. C’est en 1971 que Seymour Benzer, travaillant chez la drosophile, isola pour la première fois plusieurs mutants arythmiques ou dont la période des rythmes était allongée ou raccourcie, et localisa le premier gène de l’horloge, nommé period (ou per i). L’horloge moléculaire orchestre des rythmes dits circadiens (c’est-à-dire des rythmes endogènes, persistant en dehors de tout signal extérieur, d’environ [circa] un jour [diem]) dans de nombreuses fonctions physiologiques : outre l’alternance veille/sommeil, on reconnaît l’existence de rythmes circadiens dans la pression artérielle et la fréquence cardiaque, les variations de la température corporelle, les sécrétions endocrines et la sensibilité des tissus cibles à ces signaux, les fonctions hépatiques, digestives, rénales, etc. Ici, l’horloge sert plusieurs objectifs : d’une part, faire en sorte de séparer dans le temps des réactions biochimiques incompatibles et, d’autre part, agir en anticipation des changements prédictibles de l’environnement pour optimiser ces réactions en les inscrivant au moment optimal de la journée. L’horloge intervient aussi dans une pléthore de fonctions aussi diverses que la cognition, la performance musculaire et jusqu’à la vision. Localisation et rouages moléculaires de l’horloge biologique • Outre Period, d’autres gènes codent pour des protéines essentielles au fonctionnement de l’horloge. Clocki et Bmal1i codent pour deux activateurs de la transcription qui forment un hétérodimère CLOCK/BMAL1 se fixant dans les régions régulatrices de leurs gènes cibles, y compris les gènes Per et Cry (figure 2). Per et Cry i codent pour des répresseurs transcriptionnels qui, lorsqu’ils sont en concentration suffisante dans le cytoplasme, s’hétérodimérisent et transloquent vers le noyau où ils répriment l’action de CLOCK/BMAL1, inhibant ainsi leur propre synthèse et permettant ainsi un nouveau cycle de régulation. • À côté de ces deux bras dits respectivement positif et négatif s’ajoutent les répresseurs Reverbs. En effet, alors qu’ils avaient été tout d’abord considérés comme une boucle auxiliaire accessoire, des travaux récents illustrant l’arythmie des doubles mutants ont démontré l’importance des récepteurs nucléaires Rev-erba et Rev-erbb dans les rouages de l’horloge en inhibant la transcription de Bmal1 et clock. Enfin, d’autres récepteurs nucléaires tels que PPARα, PPARγ, RORs et PGC1α contre-balancent l’action de Rev-erbα/β en activant la transcription de Bmal1. L’activité séquentielle de ces facteurs de transcription (figure 2) s’inscrit dans un cycle d’environ 24 heures, moyennant la modulation de la stabilité de ces protéines par des modifications posttraductionnelles, et en particulier des phosphorylations, O-GlcNAcylation, sumoylation et (des)- acétylation. Ce réseau (post)-transcriptionnel constitue le mécanisme moléculaire de l’horloge biologique. Figure 2. Le mécanisme moléculaire de l’horloge. Au niveau moléculaire, les activateurs CLOCK et Bmal1 augmentent l’expression des répresseurs PERs et CRYs qui, lorsqu’ils sont en quantité suffisante, entrent dans le noyau pour réprimer CLOCK/Bmal1. Une deuxième boucle transcriptionnelle se superpose à la première : CLOCK/Bmal1 active l’expression de Rev-erbα/β et ROR qui à leur tour régulent CLOCK et Bmal1 en réprimant ou activant, respectivement, l’expression de Bmal1. PPARα/γ régulent eux aussi l’expression de Bmal1. Les signaux métaboliques sont transmis à l’horloge au travers de nombreuses modifications post-traductionnelles modifiant la stabilité et l’action de ces protéines, et permettant ainsi d’ajuster la période du cycle. • L’horloge dite « centrale » est située dans l’hypothalamus au sein des noyaux suprachiasmatiques, un ensemble d’environ 20 000 neurones qui perçoivent la lumière au travers de l’axe hypothalamo-rétinien grâce à des cellules photoréceptrices à mélanopsine. La lumière est un signal d’entraînement, aussi appelé du terme allemand « Zeitgeber », pour l’horloge centrale qui lui permet de rester synchronisée avec l’environnement et l’alternance jour/nuit. • Le même réseau transcriptionnel existe aussi au sein de chaque cellule/organe, représentant autant d’oscillateurs dits « périphériques » dont les oscillations sont synchronisées par l’horloge centrale, agissant en chef d’orchestre grâce à des signaux hormonaux et neuronaux (figure 1). • Toutefois, au sein de ces organes périphériques, le statut métabolique a un rôle synchronisateur supérieur à, et indépendant de l’horloge centrale. Une illustration de cette action chez l’animal est l’inversion temporelle, au sein des organes périphériques, de l’expression, et donc de l’activité, des protéines de l’horloge (Clock, Bmal1, Per, Crys, Rev-erbs) lorsque des souris, animaux nocturnes se nourrissant principalement la nuit, sont nourries exclusivement pendant la période de jour. Cette inversion n’a pas lieu au niveau central, entraînant un découplage interne des horloges. Aussi, l’activité physique agit-elle comme un signal d’entraînement indépendant, possiblement en modifiant là aussi le statut énergétique (figure 1). Ce réseau transcriptionnel, soit directement, soit par l’action de protéines relais, va transmettre les oscillations de l’horloge à l’ensemble des gènes et il est aujourd’hui admis que 3 à 20 % des transcrits au sein d’un tissu cyclent de façon circadienne, y compris des gènes importants pour le métabolisme (par exemple des enzymes limitantes ou des transporteurs importants pour le métabolisme des lipides, du glucose) ou la fonction vasculaire et qui seront exprimés au moment le plus approprié de la journée, en phase avec l’alternance des phases cataboliques vs anaboliques notamment, permettant d’optimiser les fonctions locales. En conséquence, les métabolites produits le sont, pour environ 10-30 %, de manière circadienne (figure 3). Figure 3. Dialogue entre l’horloge et le métabolisme. Les horloges périphériques intègrent les signaux tel que l’état nutritionnel en retour et coordonnent les rythmes métaboliques. L’AMPK et les sirtuines intègrent le ratio AMP:ATP et le NAD+ et agissent sur l’état de phosphorylation et d’acétylation des différentes protéines de l’horloge pour modifier leur activité et leur stabilité. Ceci a pour conséquence de modifier à la fois l’amplitude et la phase des rythmes. Ces rythmes sont transmis au niveau transcriptionnel aux gènes codant des protéines, enzymes et transporteurs importants pour le métabolisme. L’abondance et l’activité des protéines sont aussi soumises à des oscillations circadiennes. Il est en de même pour de nombreux métabolites. Lien entre horloge et métabolisme : les acteurs du dialogue Plusieurs signaux sont impliqués dans le dialogue entre horloge et métabolisme tels le statut redox de la cellule ou encore des enzymes sensibles au statut métabolique et dont l’action affecte la stabilité ou l’action des protéines de l’horloge, et des acteurs de transcription de la famille des récepteurs nucléaires qui, en agissant comme des plateformes d’intégration de divers signaux nutritionnels et hormonaux, ajustent l’action de l’horloge. En effet, les horloges périphériques sont capables d’intégrer les signaux énergétiques tels que le NAD+i ou le ratio AMP:ATP via l’action de sirtuines (SIRT) et de l’AMP kinase pour modifier l’activité des rouages moléculaires de l’horloge. • Les ratios NAD(P)H/NAD(P)+ témoignent de l’état redox, et donc de l’état énergétique, de la cellule. Le premier travail mentionnant un lien entre ces rapports et l’horloge montrait que la forme réduite NADH (ou le NADPH produit par la voie des pentoses phosphate) augmente l’activité transcriptionnelle de l’hétérodimère CLOCK/Bmal1, alors que la forme réduite NAD(P)+ l’inhibe. De façon intéressante, l’enzyme de synthèse du NAD+, la NAMPTi, cycle de manière circadienne dans le foie, permettant ainsi de suggérer un lien direct, voire une résonance, entre oscillation de l’état énergétique et oscillation de l’horloge. De plus, le NAD+ sert de cofacteurs à plusieurs enzymes qui, de fait, vont voir leur activité osciller : la sirtuine SIRT1, une désacétylase cytoplasmique et nucléaire dont l’activité est stimulée par le jeûne, et l’enzyme de polyADPribosylation PARP1, une enzyme impliquée dans la resynchronisation des rythmes par la nourriture et dont l’activité, au travers des oscillations du NAD+, est cyclique (figure 3). SIRT1 est une désacétylase qui agit aussi bien sur les histones et les protéines de l’horloge, modifiant ainsi leur activité transcriptionnelle et leur stabilité. Par exemple, SIRT1 désacétyle BMAL1, diminuant son interaction avec l’ADN. SIRT1 désacétyle aussi Per2, diminuant ainsi sa stabilité. Par ailleurs, SIRT1 désacétyle et modifie l’activité de nombreux facteurs de transcription et l’expression de leurs gènes cibles. Par exemple, SIRT1, sous le contrôle de l’horloge, désacétyle PGC1α, induisant ainsi la biogenèse mitochondriale, alors que l’activité cyclique de la sirtuine mitochondriale SIRT3 agit sur le protéome mitochondrial. D’ailleurs, chez la souris Bmal1-/-, les concentrations en NAD+ sont diminuées, ainsi que l’activité de SIRT3, provoquant la transition d’un métabolisme hépatique oxydatif vers un métabolisme glycolytique. Il est intéressant de noter que bien que Rev-erbα réprime Bmal1, sa délétion conduit à un phénotype similaire au sein du muscle squelettique avec une diminution des concentrations en NAD+ et de l’activité SIRT1 et AMPK, avec pour conséquence une diminution du nombre et de l’activité des mitochondries. • L’AMP kinase (AMPK) est un autre capteur énergétique sensible au rapport AMP/ATP et qui, en phosphorylant Cry2, diminue sa demi-vie ; de plus, son activation par la metformine augmente la dégradation de Per2 à travers un mécanisme dépendant de la caséine kinase 1ε. Dans les deux cas, AMPK défavorise le bras dit négatif et avance la phase du rythme. • Enfin, certains facteurs de transcription de la famille des récepteurs nucléaires tels que Reverb α/β et RORα, mais aussi les PPAR et le récepteurs aux glucocorticoïdes (GR) intègrent divers signaux (acides gras, dérivés du cholestérol et d’autres dérivés du métabolisme intermédiaire, hormones, etc.) et en retour modulent l’expression et/ou l’activité des protéines de l’horloge (figure 3). Ce mécanisme permet d’informer l’horloge sur le statut métabolique local mais aussi, dans le cas des glucocorticoïdes, de synchroniser entre elles les différentes horloges centrale et périphériques. Perturbations de l’horloge biologique et altérations métaboliques : une incompréhension réciproque   Des altérations du statut métabolique entraînent un dysfonctionnement de l’horloge En conditions normales, l’expression cyclique d’un grand nombre de régulateurs métaboliques permet l’optimisation des grandes voies métaboliques. Pourtant, ces fluctuations circadiennes sont atténuées lorsque la souris est rendue obèse et résistante à l’insuline avec un régime riche en graisses. De manière intéressante, la restriction de l’accès à ce régime riche en graisses exclusivement à la période d’activité, c’est-à-dire la nuit, permet de restaurer les oscillations dans l’expression des gènes de l’horloge et de limiter, voire de prévenir dans certains cas, l’installation de l’obésité, de la résistance à l’insuline et de la stéatose hépatique. Au contraire, des souris nourries à quantités de calories égales avec ce régime riche en graisses exclusivement pendant leur phase de sommeil prennent significativement plus de poids que des souris nourries avec le même régime pendant la période d’activité, suggérant que, outre le nombre de calories, l’heure à laquelle elles sont ingérées a son importance. Ceci pourrait s’expliquer par la propriété d’anticipation de l’horloge qui permettrait la mise en place de systèmes enzymatiques adéquats en anticipation des phases à venir de repos ou de prise de nourriture qui, dans ces cas de perturbations des rythmes, ne seraient plus « en phase » avec l’environnement. Contribution d’une altération des rythmes biologiques aux maladies métaboliques : les évidences Chez l’animal Au niveau hépatique et musculaire, les voies de synthèse et d’utilisation des lipides et du glucose sont soumises à une forte rythmicité circadienne. Il en est de même au niveau pancréatique pour la sécrétion de l’insuline. L’absorption intestinale des lipides est, elle aussi, soumise à des variations circadiennes, étant maximale pendant la nuit chez la souris, c’est-à-dire pendant la période de prise alimentaire, et minimale pendant la journée. Enfin, le tissu adipeux participe aussi à la rythmicité métabolique. L’étude de modèles animaux a permis de mettre en évidence une relation de cause à effet entre perturbations de l’horloge et anomalies métaboliques. Une étude pionnière examinant le phénotype métabolique d’un mutant de l’horloge chez la souris a été publiée en 2005. Elle a montré que des souris mutantes pour le gène clock devenaient significativement plus obèses, dyslipémiques, hyperglycémiques et résistantes à l’insuline que des souris témoins lorsqu’elles sont nourries avec un régime riche en graisses. Clock est aussi nécessaire à la régulation circadienne de gènes impliqués dans le métabolisme hépatique et intestinal des lipides. Au contraire, des souris déficientes pour la nocturnine, une déadénylase dont l’activité cyclique affecte les taux protéiques, montrent une diminution du poids corporel et une protection vis-à-vis de la stéatose hépatique en partie dues à une absorption intestinale des lipides retardée. De plus, l’horloge est primordiale au maintien de la glycémie. En effet, des souris déficientes pour Bmal1 au niveau hépatique souffrent d’hypoglycémie sévère au cours d’un jeûne, alors que la déficience au niveau exclusivement du pancréas conduit à une hyperglycémie et une hypo-insulinémie profonde. De la même façon, une double délétion Cry1 et Cry2 induit une hyperglycémie et une résistance à l’insuline. Enfin, la souris déficiente pour Rev-erb a présente une hypertriglycéridémie, en partie due à l’absence de répression de la lipogenèse au cours de la période postprandiale. Ces souris montrent aussi une altération de la synthèse circadienne des acides biliaires ainsi qu’une diminution de la fonction mitochondriale musculaire. Par ailleurs, de récentes données ont identifié des oscillations circadiennes dans la composition et l’activité de la flore intestinale, liées à la rythmicité de la prise alimentaire. La rupture de ces oscillations par un décalage horaire ou une mutation de Per1/2 entraîne une augmentation de la prise de poids et l’installation d’une intolérance au glucose reproduite après transfert de cette flore « perturbée » chez des souris axéniques receveuses. Ces oscillations sont aussi atténuées chez des souris nourries avec un régime en graisses, et restaurées en partie par une restriction temporelle de l’accès à la nourriture à la période active. De plus, le transfert de la flore fécale humaine provenant de volontaires sains ayant subi un décalage horaire provoque, lui aussi, les anomalies métaboliques chez les souris receveuses. Ces données, obtenues avec uniquement deux volontaires, devront être étendues et bien contrôlées avant de pouvoir en tirer des conclusions. Elles suggèrent néanmoins une implication de l’horloge et de la rythmicité de la prise alimentaire, dans les oscillations circadiennes de la composition de la flore intestinale et démontre, pour la première fois, que ces oscillations sont nécessaires à l’équilibre métabolique. Chez l’homme Des polymorphismes présents dans les gènes de l’horloge tels que Clock, Bmal1, Cry1, Cry2 et Rev-erba, ainsi que dans MTNR1B, le gène codant pour le récepteur MT2 de la mélatonine, ont été associés à une susceptibilité accrue à développer une obésité, un diabète de type 2 et de l’hypertension. Outre des mutations génétiques ou des polymorphismes décrits dans les gènes de l’horloge, force est de constater que des changements intervenus dans notre mode de vie, sous la pression économique et sociétale, altèrent le fonctionnement de l’horloge, engendrant un risque majoré de développer des anomalies métaboliques. Les dernières décennies ont en effet été le témoin d’évolutions technologiques qui ont modifié les rythmes, telles que la lumière artificielle et l’apparition des écrans de télévision, ordinateurs et tablettes projetant une lumière bleue, dont l’exposition prolongée, en particulier le soir, perturbe le sommeil. Or, plusieurs études ont mis en évidence une relation entre la réduction du temps de sommeil et le développement de l’obésité et du diabète de type 2, même après ajustement sur l’âge. Il existe par exemple une relation inverse entre temps de sommeil et indice de masse corporelle, diminution des taux de leptine, l’hormone de satiété, et intolérance au glucose. Cette association est aussi observée expérimentalement lorsque des sujets sains sont volontairement soumis à une restriction temporaire du temps de sommeil. Une réduction contrôlée du temps de sommeil à 4 heures par nuit pendant 6 nuits conduit à une diminution significative de la tolérance au glucose, alors que le même protocole pour seulement 2 jours entraîne une diminution de la leptine circulante alors que les concentrations de ghréline sont augmentées, tout comme la sensation de faim et de la prise alimentaire. La même association entre diminution du temps de sommeil et altérations métaboliques a été retrouvée chez les enfants et adolescents. Les conséquences métaboliques d’une désynchronisation temporaire des rythmes biologiques mimant un décalage horaire ou le travail posté, ont aussi été évaluées chez des sujets sains placés en isolement dans une lumière faible et soumis à des journées d’une durée artificielle différente de 24 heures. Des sujets dont le cycle a été fixé à une durée artificielle de 24,6 heures ont été étudiés après 25 jours correspondant à un décalage d’environ 4 heures. Ces sujets présentaient une diminution significative des taux de leptine. La même observation a été faite chez des sujets dont la journée a été étendue à 28 heures (14 heures de « jour » et 14 heures de « nuit »), produisant un décalage de 4 heures par jour, soit une inversion complète de leur cycle au 3e jour. Cette modification des rythmes provoque une diminution des taux de leptine, mais aussi, et de façon remarquable, une hyperglycémie postprandiale plus prononcée et une hyperinsulinémie dont le maximum est atteint au 3e jour de l’intervention. De tels changements obtenus après seulement quelques jours laissaient présager des conséquences plus graves lorsque ces changements de rythmes se répètent de façon chronique. C’est le cas du travail posté, dont la fréquence a augmenté sous la pression économique, et qui induit à la fois une dette de sommeil importante et une perturbation des rythmes. Au-delà des troubles du sommeil et de l’altération des fonctions cognitives, voire un état dépressif, plusieurs études épidémiologiques ont mis en évidence un risque accru de prise de poids, une augmentation de l’incidence du diabète de type 2, des dyslipidémies, d’hypertension artérielle et l’athérosclérose chez les travailleurs postés. En « laboratoire », des sujets sains ont été placés en restriction du temps de sommeil à 5 heures pendant 8 jours avec ou sans un décalage de 8 heures trente pendant 4 des 8 jours pour mimer le travail posté. Comme attendu, la restriction du temps de sommeil diminue la sensibilité à l’insuline. De façon intéressante, la restriction du temps de sommeil couplée à une perturbation des rythmes conduit à une diminution de moitié de la sensibilité et de la sécrétion d’insuline et à une augmentation significative de l’inflammation par rapport au groupe dont le sommeil a été restreint, mais dont les rythmes n’ont pas été perturbés. Cette étude montrait donc qu’une modification des rythmes a des conséquences néfastes sur le métabolisme, indépendamment de la dette de sommeil. Conclusion  Les données expérimentales obtenues chez l’homme et chez l’animal montrent les interactions directes entre capteurs métaboliques et protéines de l’horloge. Elles mettent aussi en exergue la réciprocité des anomalies, des troubles du rythme biologique favorisant le développement d’anomalies métaboliques et, vice versa, un déséquilibre énergétique pouvant agir de façon négative sur le fonctionnement de l’horloge. Des troubles de l’horloge, provoqués par le travail posté, le manque de sommeil et une exposition accrue à la lumière artificielle, provoquent, sur le long terme, l’installation de pathologies métaboliques. Bien que majoritairement obtenues chez l’animal, ces données indiquent clairement le besoin de prendre en compte les changements de nos modes de vie pour restaurer l’équilibre énergétique. L’effet de l’action resynchronisatrice de la luminothérapie ou de la mélatonine reste mal connu et ces pistes sont peu exploitées. De même, il est nécessaire de tenir compte des variations dans l’expression des cibles thérapeutiques pour adapter au mieux les traitements et l’heure de médication. D’un point de vue expérimental, des progrès restent à faire dans la compréhension des actions de l’horloge ; l’ablation d’un rouage provoque des effets parfois opposés selon l’organe considéré, illustrant la complexité de ce mécanisme. Plus encore, les relations entre horloges périphériques hépatiques, pancréatiques, du tissu adipeux, etc., et les signaux permettant leur synchronisation, restent énigmatiques. Figure 4. Conséquences d’une altération des rythmes biologiques. Les progrès technologiques et la pression sociétale et économique génèrent un ensemble d’éléments perturbateurs de l’horloge biologique au nombre desquels la disponibilité quasi constante de nourriture, la pollution lumineuse, le travail posté et les décalages horaires. Ces perturbations, ou des mutations modifiant l’expression de gènes codant le système moléculaire de l’horloge, perturbent le fonctionnement de l’horloge. Peuvent s’ensuivre diverses pathologies, allant des troubles du sommeil à la dépression, mais aussi certains cancers, ainsi que des désordres métaboliques et hormonaux pouvant aller jusqu’au développement de l’obésité, du diabète et de complications cardiovasculaires. Abréviations AMPK : adenosine monopho sphate-activated protein kinase BMAL1 : brain and muscle ARNT like protein 1 CLOCK : circadian l ocomotoroutput cycles kaput CRY : cryptochrome NAD : nicoti namide adeninedinucleotide NAMPT : nicotinamide phosphoribosyltransférase PER : period ROR : retinoic  acid-relatedorphan receptor SIRT : sirtuine L’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêts en rapport avec cet article. Remerciements Plusieurs sources ont financé le travail relatif à ce manuscrit : l’Inserm, le Contrat Plan État Région (CPER), la Région Nord-Pasde- Calais/FEDER, le Consortium européen Eurhythdia (FP7), l’ANRLabex- EGID (EGID, ANR-10-LABX- 46) et la Commission européenne, un financement ITMO/Astra Zeneca, l’EFSD (European Foundation for the Study of Diabetes) conjointement avec Eli Lilly, la Fondation Francophone pour la Recherche sur le Diabète (FFRD).

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