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Physiologie-Physiopathologie

Publié le 03 avr 2016Lecture 16 min

Épigénétique et diabète de type 2

G. LAMBERT, Paris


Depuis le début des années 2000, des données convergentes sont venues contredire le déterminisme génétique strict. Des facteurs environnementaux peuvent modifier l’expression des gènes et, dans certains cas, cette modification est transmise sur plusieurs générations. Les processus épigénétiques sont aujourd’hui mis en cause dans la pathogenèse de diverses maladies chroniques. Le point sur les connaissances dans le diabète de type 2.

Toutes nos cellules possèdent le même génome. Bien que cette affirmation mérite d’être nuancée, de nombreuses mutations survenant au cours des divisions cellulaires successives(1), elle reste globalement vraie. Pourtant, un hépatocyte n’a ni la structure, ni la fonction d’un neurone ou d’un fibroblaste. Ces différences s’expliquent par l’état d’activation du génome. Environ 3 800 des 25 000 gènes humains sont actifs dans tous les tissus, on les appelle des gènes de ménage (housekeeping genes)(2), ils sont impliqués dans la structure et les fonctions essentielles de la cellule. D’autres gènes, moins nombreux, concourent à la spécialisation et la différenciation cellulaire. Ce sont les processus épigénétiques qui modulent l’activation des séquences codantes avec la possibilité, par divers mécanismes, de réduire des gènes au silence ou, au contraire, de faciliter leur transcription en ARNm, puis leur traduction en protéines. Un trait d’union entre gènes et environnement Le concept d’épigénétique est ancien, mais il a pris différentes significations au cours de l’histoire. Aristote (384 av. J.-C.-322 av. J.-C.) déjà parlait d’« épigenèse » (épi signifiant « au-dessus ») après avoir observé dans un embryon de poulet que la forme ne préexiste pas dans le germe. Le néologisme « épigénétique » a été créé en 1942 par le biologiste et embryologiste britannique Conrad Waddington (1905-1975), qui parlait plus précisément de « paysage épigénétique » pour expliquer qu’un même génotype puisse donner différents phénotypes (figure 1). Dans un effort de conciliation entre un déterminisme génétique strict et des mécanismes développementaux complexes, Waddington propose un modèle dans lequel le paysage est déterminé par le génome, mais le destin de la cellule dépend des conditions environnementales et des contraintes locales qui conditionnent les chemins empruntés. Aujourd’hui, on définit les mécanismes épigénétiques comme l’ensemble des processus moléculaires qui modifient l’expression des gènes sans altérer leur séquence, c’est-à-dire sans mutation. Ces processus peuvent survenir en réponse aux conditions environnementales, que cellesci soient nutritionnelles, chimiques, physiques et même sociales(3). Ils peuvent être transitoires, mais la division d’un fibroblaste donnant naissance à deux fibroblastes (comme cela est le cas de toutes les cellules spécialisées), non seulement le génome, mais également son marquage épigénétique sont héritables d’une génération cellulaire à l’autre. Et ce qui est vrai pour la cellule, peut également l’être pour un organisme pluricellulaire, le marquage épigénétique d’un gène pouvant être transmis sur plusieurs générations. Figure 1. Le paysage épigénétique selon Conrad Waddington. La cellule est symbolisée par une bille qui, en descendant le paysage vallonné est orientée en fonction des contraintes locales vers des chemins menant à sa forme différenciée définitive. Ce concept a été élaboré dans le cadre de l’embryologie. Il suppose que le destin de la cellule indifférenciée n’est pas prédéterminé. D’après C.H. Waddington, The strategy of genes ; a discussion on some aspects of theorical biology. 1957, Londres, Allen & Unwin. Les mécanismes épigénétiques On peut distinguer deux types principaux de mécanismes épigénétiques : la méthylation de l’ADN et les modifications des histones par différents processus chimiques. Par l’action d’une méthyltransférase, le groupe méthyle (CH3) se fixe sur la cytosine lorsque celle-ci est associée à une guanine, raison pour laquelle on parle d’îlots CpG (Cytosine-phosphate-Guanine). Les histones sont des protéines qui organisent la molécule d’ADN en chromatine, configuration sous laquelle se présente l’ADN dans le noyau, en dehors des mitoses (figure 2). La structure de base de la chromatine est le nucléosome formé d’un octamère d’histones autour duquel s’enroule la molécule d’ADN comme sur une bobine. La chromatine est constituée par un deuxième enroulement de ces nucléosomes sur eux-mêmes, souvent sous forme de solénoïde avec 6 nucléosomes par tour. L’action des histones peut être perturbée par différentes modifications chimiques : acétylation, phosphorylation, méthylation, etc. (figure 3). Pour que les gènes s’expriment et qu’il y ait production de la ou des protéines pour lesquelles ils codent, il faut que la séquence d’ADN s’ouvre et que les facteurs de transcription y accèdent. Tous les états de la chromatine, dont il existe schématiquement deux formes, ne permettent pas cette opération. L’euchromatine correspond à une structure peu condensée, qui laisse passer les complexes protéiques et autorise l’expression génique. L’hétérochromatine, au contraire, se caractérise par une organisation très compacte, qui ne permet pas l’accès aux gènes et interdit donc leur expression. Les modifications chimiques décrites plus haut agissent sur le degré de compactage de l’ADN. De façon schématique on peut retenir que l’euchromatine est associée à une acétylation abondante des histones et une absence de méthylation. À l’inverse, l’hétérochromatine est caractérisée par une signature comportant une abondance de méthylation des séquences régulatrices de l’expression des gènes et des histones. Figure 2. Organisation de la chromatine.   Figure 3. Méthylation de l’ADN et modification des histones. Enfin, puisqu’il est question de la régulation de l’expression des gènes, des auteurs de plus en nombreux ajoutent les micro-ARN (miARN) à la liste des mécanismes épigénétiques. Ce sont de petits ARN, d’une vingtaine de nucléotides en moyenne, qui peuvent empêcher la traduction en protéine et « éteignent » ainsi le gène concerné, notamment en se fixant sur un ARN messager (ARNm) à la séquence complémentaire. Plus ils sont étudiés et plus les mécanismes épigénomiques s’avèrent complexes et globaux, ce qui nécessite de dépasser la vision traditionnelle d’un seul gène et de considérer soit des réseaux de gènes, soit le génome entier(3), une façon de revenir au paysage épigénétique de Waddington. Alimentation maternelle et santé de la descendance Au début des années 1990, l’épidémiologiste D.J. Barker propose le concept d’origine développementale de la santé et des maladies (DOHaD), qui suppose que l’environnement maternel au moment des phases de développement précoce (formation des gamètes, développement in utero et période postnatale) peut avoir un impact sur la santé de l’enfant parvenu à l’âge adulte(4). En travaillant sur des cohortes britanniques, Barker et coll. ont montré qu’un retard de croissance intrautérin (RCIU) est un facteur de risque d’HTA et de décès d’origine cardiovasculaire à l’âge adulte(5). Par la suite, de nombreuses études épidémiologiques, ainsi que des travaux expérimentaux sur des modèles animaux, se sont penchés sur les conséquences d’un stress au cours du développement embryonnaire, voire lors de la formation des gamètes, sur les prédispositions de l’individu en devenir à développer des maladies chroniques. Des facteurs nutritionnels, mais également toxiques (prises de médicament, pesticides), de pollution (bisphénol A) ou même sociaux ont ainsi été étudiés. Pour de nombreux auteurs, ces prédispositions reposent à l’échelle moléculaire sur des processus épigénétiques. Nous nous intéresserons principalement dans cet article aux conséquences métaboliques de ces perturbations développementales. Diabète et obésité maternelle Caractérisé par une hyperglycémie au cours de la grossesse, le diabète gestationnel augmente le risque d’obésité précoce, de diabète de type 2 et de syndrome métabolique dans la descendance, à la fois à l’adolescence et à l’âge adulte(6). Les études prospectives menées depuis plus d’une quarantaine d’années par D.J. Pettitt et P.H. Bennett sur les indiens Pima, chez lesquels la prévalence du diabète est la plus élevée au monde, avec une composante génétique sans doute importante, confirment notamment la relation étroite entre l’intolérance au glucose dans la descendance et le degré d’hyperglycémie pendant la grossesse. Dans une étude menée sur des familles nucléaires d’indiens Pima, les enfants nés après l’apparition d’un DT2 chez la mère avaient 3,7 fois plus de risque de développer un DT2 et un IMC significativement plus élevé que la fratrie née avant l’apparition du diabète maternel(7). Dans toutes les populations, obésité et diabète de la mère s’accompagnent le plus souvent d’une macrosomie, mais certains cas d’obésité morbide peuvent se traduire par un retard de croissance intra-utérin (RCIU). Des études ont établi un lien direct entre l’IMC de la mère durant la grossesse et la croissance foetale, l’IMC de la descendance et l’obésité à l’âge adulte(8). Ces enfants ont également un risque accru de DT2. Dans la cohorte danoise de mères atteintes d’un diabète gestationnel (DG), les enfants avaient un risque jusqu’à 8 fois plus élevé de DT2 à l’âge adulte, un risque doublé d’obésité et multiplié par 4 de syndrome métabolique(9). Chez l’animal, différentes méthodes existent pour reproduire une hyperglycémie gestationnelle. À l’âge adulte, les rats issus de mères hyperglycémiques ont une intolérance au glucose et un effondrement de la sécrétion d’insuline qui évolue ultérieurement vers un diabète. Très tôt il a été montré que la descendance des rates rendues diabétiques par une alimentation hyperlipidique-hypercalorique, est plus à risque de développer un diabète et, de surcroît, de la transmettre à sa descendance sur plusieurs générations(10). Sous-nutrition maternelle Après les travaux de D.J. Barker, plusieurs modèles de famines ont été étudiés pour préciser les conséquences de la sous-nutrition au cours de la grossesse. Le blocus appliqué par le troisième Reich à la Hollande en 1944-45 provoqua une terrible disette restée dans les mémoires comme « l’hiver de la faim ». En analysant les données sanitaires des enfants dont les mères étaient enceintes au cours de cette période de grande pénurie, A.C. Ravelli et son équipe ont montré que ces derniers présentaient plus souvent une résistance à l’insuline comparativement à une population contrôle. Le risque de diabète de type 2 (DT2) était maximal lorsque les mères avaient souffert de la faim pendant la phase intermédiaire ou tardive du développement(11). Les études épidémiologiques réalisées sur les descendants des femmes touchées par la famine d’Amsterdam, ont notamment démontré qu’il y avait des répercussions à long terme, non seulement sur la santé de leurs enfants, mais également sur celle de leurs petits-enfants. D’autres travaux, notamment sur la famine chinoise de 1959-62 ainsi que sur trois épisodes connus en Australie au XXe siècle, ont montré une relation inverse entre la nutrition pendant la grossesse et le risque de DT2 à l’âge adulte. Un travail ayant porté sur la famine ukrainienne de 1932-33 volontairement déclenchée par Staline, confirme cette relation, avec un effet doseréponse, plus la privation alimentaire étant marquée, plus le risque de DT2 étant augmenté. La phase la plus sensible du développement pour le risque ultérieur était, dans cette étude, la phase précoce(12). L’idée sous-jacente à ces observations est que le fœtus a la capacité de s’adapter à des conditions défavorables pour assurer sa survie, notamment en préservant les organes vitaux les plus sensibles, comme le cerveau, aux dépens de tissus plus secondaires, comme le pancréas, mais aussi en adaptant son métabolisme afin de stocker les ressources lorsque celle-ci sont disponibles. Les complications surviennent à l’âge adulte lorsque l’individu est exposé à une offre nutritionnelle pléthorique. Il s’agit donc d’un processus à deux événements : un événement prédisposant, puis un événement déclenchant. Au total, le stress alimentaire et métabolique au cours de la grossesse, qu’il soit restrictif ou pléthorique, augmente le risque de survenue d’un DT2 à l’âge adulte et ce risque peut persister sur plusieurs générations. Étude des marqueurs épigénétiques dans le DT2 Comment obtenir la preuve que la « programmation » in utero des maladies à l’âge adulte est en rapport avec des marquages épigénétiques ? Plusieurs éléments, et notamment la persistance du risque sur plusieurs générations, plaident en faveur de tels mécanismes sous-jacents à la DoHAD. On sait par ailleurs qu’au cours du développement, les marques épigénétiques subissent un remodelage important ; la méthylation de l’ADN et les modifications des histones sont alors hautement dynamiques, ce qui fait de cette période une fenêtre critique pour l’exposition à l’environnement. Aujourd’hui, des résultats d’études expérimentales de plus en plus nombreuses semblent confirmer cette hypothèse, tant au niveau du pancréas que des autres organes. Pancréas PDX-1 est un facteur de transcription crucial pour le développement des îlots bêta et leur fonctionnement. Les études animales ont mis en évidence des événements épigénétiques à l’origine d’un niveau d’expression diminué du gène de PDX-1 en cas de RCIU obtenu par ligature d’artère utérine chez la rate(13). Le processus moléculaire qui favorise la méthylation est encore réversible à la naissance mais, sans intervention, il se propage et s’accentue au cours de la vie de l’animal. L’équipe suédoise de Charlotte Ling a publié plusieurs travaux comparant l’épigénome de pancréas de patients décédés atteints de DT2 à celui de sujets contrôles. Dans un premier temps l’approche par gène candidat a mis en évidence une méthylation augmentée et une diminution de l’expression des gènes INS (insuline), PDX-1 et de PPARGCIA, un gène maître impliqué dans la régulation du métabolisme énergétique mitochondrial et la sécrétion d’insuline. Dans une approche plus globale, 479 927 îlots CpG ont été étudiés et des différences de méthylation ont été observées pour 953 gènes dans les îlots pancréatiques de donneurs DT2 comparés aux sujets contrôles(14). Parmi ceux-ci, et outre ceux déjà cités, on remarque d’autres gènes impliqués dans la pathogénie du DT2 (TCF7L2, FTO, KCNQ1). La plupart de ces différences correspondaient à une augmentation de la méthylation avec une expression diminuée. Sur le plan fonctionnel, les auteurs ont montré que les gènes candidats affectent directement la sécrétion d’insuline dans les cellules bêta et celle de glucagon dans les cellules alpha. On notera toutefois que ces études longues et minutieuses ont été menées sur un nombre limité de sujets, ne dépassant pas une quinzaine de donneurs DT2. Muscle et tissu adipeux Cette fois l’objectif est de mettre en évidence des modifications épigénétiques qui rendent compte de la résistance à l’insuline. Chez l’animal, des modifications des histones entraînant une diminution de l’expression du gène GLUT4 (transporteur du glucose) dans le muscle ont été rapportées chez les animaux soumis à une restriction calorique au cours du développement ou dans la période postnatale(15). Chez l’homme, une étude a mis en évidence une diminution globale de la méthylation de plusieurs gènes candidats dans le muscle après un exercice intense(16). Là encore, l’équipe de Charlotte Ling a fourni quelques données intéressantes, notamment dans une étude d’intervention visant à analyser les modifications de l’épigénome musculaire après un programme d’exercice physique(17). À l’inclusion, des différences de méthylation ont été constatées entre les patients ayant une histoire familiale de diabète et ceux issus de familles indemnes. Puis, après 6 mois d’un programme d’exercice physique, la méthylation de 134 gènes était modifiée par rapport à l’inclusion, notamment des gènes impliqués dans le métabolisme de l’acide rétinoïque, dans les voies de signalisation du calcium et dans la fonction musculaire. Après analyse de 17 975 îlots CpG, la même équipe a également mis en évidence des modifications de l’épigénome du tissu adipeux intervenant notamment dans la régulation de 39 gènes impliqués dans la pathogenèse du DT2(18). Sang périphérique L’identification dans le sang périphérique de marqueurs de risque épigénétiques du diabète de type 2 ou de son évolution pourrait aider à la prévention, au dépistage et à la surveillance de patients DT2. L’étude de 15 loci candidats dans le sang de sujets exposés in utero à la famine hollandaise a montré des variations fréquentes des niveaux de méthylation, différentes suivant la durée et l’intensité de l’exposition, mais aussi selon le sexe(19). La même équipe a mis en évidence chez ces sujets une hypométhylation du gène de l’IGF-2 (Insuline-like Growth Factor-2), en particulier lorsque l’exposition avait eu lieu pendant la période périconceptionnelle. Au-delà de cette stratégie gène candidat, le taux global de méthylation de l’ensemble du génome a été évalué, ce dernier étant plus élevé dans les cellules NK (Natural Killer) et les lymphocytes B des patients diabétiques et positivement corrélé à la résistance à l’insuline(20). D’autres travaux ont mis en évidence des différences dans la méthylation du gène IGFP-1 (Insuline-like Growth Factor binding protein-1) ainsi que sur le gène TFAM qui code pour le promoteur d’un facteur de transcription mitochondrial. Dimorphisme sexuel et effet générationnel Le phénomène « d’empreinte parentale » dans lequel un gène n’a pas la même expression phénotypique chez l’enfant selon qu’il est transmis par le père ou par la mère a été découvert au début des années 1980. De plus, le dimorphisme sexuel du fonctionnement placentaire est connu autant chez l’animal que chez l’homme. Quarante et un gènes sont exprimés de façon différentielle dans le placenta humain selon le sexe de l’enfant(22). Il n’est donc pas étonnant, comme cela a été montré par plusieurs études, que le placenta maternel réagisse différemment selon qu’il s’agit d’une fille ou d’un garçon. Dans la majorité des cas, la réponse placentaire est plus marquée lorsqu’il s’agit d’une femelle plutôt que d’un mâle(23), ce qui laisserait supposer que la stratégie d’adaptation à l’environnement est différente selon le sexe de l’enfant. Plusieurs études sur des modèles animaux ont montré des conséquences plus nettes chez le mâle que chez la femelle de l’exposition in utero à l’obésité maternelle. Chez l’homme, peu d’observations sont disponibles sur les conséquences à l’âge adulte de cette différence d’adaptation in utero. Chez les Indiens Pima, le risque d’obésité apparaît toutefois plus élevé chez les enfants nés de mères diabétiques, comparativement à ceux nés de pères diabétiques(24). Notons également que dans la cohorte des mères qui ont subi l’hiver de la faim, la dyslipidémie était plus marquée chez les filles que chez les garçons(25). Transmissibilité des marquages épigénétiques Dans les modèles animaux, la transmissibilité du risque à la génération suivante, F2, a été montrée autant pour les lignées maternelles que paternelles, les études étant plus fréquentes dans le premier cas(26). En revanche, le mécanisme de la transmission et l’intensité des troubles observés peuvent varier selon le sexe(27). Chez l’homme, le village isolé de Överkalix au nord de la Suède possède des registres détaillés dans lesquels ont été notifiés les saisons de bonnes ou mauvaises récoltes. L’étude de plusieurs centaines d’hommes sur quelques générations a montré que l’alimentation des grands-pères avait un retentissement sur la santé des petits-enfants, de même que celle des grands-mères avait des conséquences sur la santé de leurs petites-filles, cette transmission se faisant donc selon le sexe(28). La sous-nutrition de la mère au cours de la grossesse augmente le risque de DT2 sur plusieurs générations chez des Indiens d’Amérique du Nord(29) et sur deux générations (F1, F2) chez les enfants de mères ayant souffert de la famine de 1944-45 en Hollande. La transmission par la lignée paternelle est supposée se faire par une modification épigénétique de la lignée germinale. Dans une étude publiée très récemment, une équipe a comparé l’épigénome des spermatozoïdes de 10 hommes obèses et 13 autres de poids normal. Une différence de méthylation a été observée sur 9 000 gènes, pouvant expliquer ainsi une transmission du risque. Mais les chercheurs ont également mis en évidence, chez 6 des obèses qui ont subi une chirurgie bariatrique, une diminution de ces différences, seulement 3 900 gènes présentant alors des taux de méthylation discordants par rapport aux sujets contrôles un an après l’intervention(30). Ce travail fournit donc une base moléculaire au risque accru de surpoids chez les enfants issus de pères obèses, mais il montre également la réversibilité, au moins partielle, du marquage épigénétique d’une cellule de la lignée germinale. Les résultats divergent pour déterminer la ou les périodes sensibles pour l’exposition au stress méta bolique in utero. Toutefois, les moments où il existe une déméthylation globale du génome semblent plus à risque, notamment au cours de la gamétogenèse et de la phase précoce du développement (zygote), mais d’autres études rapportent un effet plus marqué lorsque l’exposition a lieu en fin de gestation. Conclusion  L’année 2015 a fêté le jubilé du prix Nobel de médecine décerné à François Jacob, Jacques Monod et André Lwoff pour la découverte de l’opéron lactose, premier système de régulation d’un gène découvert chez la bactérie E. coli. Cinquante ans plus tard, l’épigénétique, qui constitue également un trait d’union entre les gènes et l’environnement, prend une importance croissante et semble intervenir dans la pathogenèse de plusieurs maladies, notamment métaboliques et cardiovasculaires. S’ils réagissent continuellement aux stimuli environnementaux de diverses natures, un solide faisceau d’arguments semble impliquer les processus épigénétiques dans la prédisposition à l’obésité, la résistance à l’insuline et le DT2 consécutif à l’exposition d’un stress métabolique au cours du développement. Les processus épigénétiques peuvent être réversibles, comme cela a par exemple été montré avec l’exercice physique, mais ils peuvent aussi être durables et transmis au moins à la 2e génération, autant par la lignée maternelle que paternelle. L’origine développementale de la santé et des maladies impose une surveillance stricte de la grossesse. Sur un plan thérapeutique, des essais sont en cours dans le but d’agir sur l’épigénome. Enfin, il reste que le diabète de type 2 est une maladie complexe, soumise à des facteurs génétiques, épigénétiques, environnementaux, sans oublier le microbiote dont le rôle ne peut désormais plus être ignoré. Le défi des années à venir sera de préciser la place respective de ces différents facteurs, en sachant que celle-ci varie sans doute d’un patient à l’autre.  

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