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Insuline

Publié le 14 oct 2016Lecture 10 min

Quand et comment combiner une insuline basale et un agoniste du récepteur GLP-1 ?

B. CHARBONNEL, Université de Nantes

Cette combinaison est devenue très populaire. Il convient néanmoins de souligner que sa vraie place est sans doute dans un deuxième temps, lorsque l’insuline basale seule ne suffit pas, plutôt qu’au départ, au moment de la mise sous insuline. Il s’agit donc pour l’essentiel d’une option d’intensification du schéma d’insulinothérapie.
L’intensification de l’insuline dans le diabète de type 2 reste une question difficile, pour laquelle nous avons besoin de nouvelles options solidement validées. L’ajout à l’insuline basale d’un agoniste du récepteur du GLP-1 est l’une de ces options, qui est sans doute à privilégier, plutôt que de passer à une insulinothérapie par multi-injections.
 

La question de savoir quels autres traitements doivent être maintenus en plus de l’insuline basale lorsqu’on initie l’insulinothérapie demeure ouverte. Il convient de maintenir la metformine car les études ont montré un bénéfice en termes de poids et d’HbA1c. Il convient d’arrêter progressivement les sulfamides si ceux-ci gênent la titration de l’insuline en raison du risque hypoglycémique. Je suis de ceux qui pensent qu’il convient d’arrêter les agonistes du récepteur du GLP-1 (généralement des agonistes longs basaux), car pourquoi continuer un médicament injectable qui, par définition puisqu’on passe à l’insuline, donne des résultats insuffisants. Il est logique néanmoins, depuis les résultats de l’étude LEADER avec le liraglutide, de continuer ce dernier lorsqu’il s’agit de patients avec une maladie cardiovasculaire avérée puisque, dans cette population, y compris en association à l’insuline, le liraglutide a montré un bénéfice cardiovasculaire indépendant de son effet de réduction glycémique. On se débarrasse ainsi dans la mesure du possible des empilements successifs qui ont souvent caractérisé la thérapeutique avant l’insuline et on se trouve devant un schéma thérapeutique simplifié, une injection le soir d’une insuline plate et longue associée à la metformine. Ce schéma simple d’insulinothérapie basale est efficace dans plus de la moitié des cas comme l’ont bien montré les études cliniques. On pourra complexifier le schéma de traitement dans une seconde étape pour les seuls patients qui en ont besoin ; c’est précisément la problématique de l’intensification.   En théorie, il convient d’intensifier l’insuline chez les patients qui gardent une HbA1c supérieure à l’objectif malgré une bonne titration de l’insuline, autrement dit chez les patients qui gardent une HbA1c supérieure à l’objectif malgré une glycémie à jeun normalisée < 1,30 g/l. Je suis de ceux qui pensent qu’il convient aussi d’intensifier l’insuline chez les patients insulinorésistants, ceux chez qui on n’arrive pas à normaliser la glycémie à jeun malgré de fortes doses d’insuline basale (qu’on peut définir arbitrairement, par exemple plus de 60-80 unités par jour).   Que proposer chez ces nombreux patients (au moins un tiers des cas) ?    Ajouter des comprimés est souvent l’option préférée des patients (mais ce n’est pas le sujet de cet article)   En bref : • Ajouter la pioglitazone est l’option la plus efficace chez les patients insulinorésistants mais elle doit être maniée avec précaution du fait des effets secondaires, en particulier le risque d’œdème et de décompensation d’une insuffisance cardiaque. Et puis nous n’en disposons pas en France. • Ajouter un DPP4-inhibiteur diminue l’excursion glycémique postprandiale et représente une option intéressante avec une baisse moyenne d’HbA1c de 0,7 %, sans sur-risque hypoglycémique et une sécurité cardiovasculaire démontrée, du moins pour la sitagliptine (étude TECOS). • Ajouter un inhibiteur de SGLT2 est évidemment une option d’avenir, avec une baisse moyenne d’HbA1c de 0,7 %, sans sur-risque hypoglycémique et avec une perte de poids, mais avec surtout le bénéfice cardiovasculaire majeur démontré dans l’étude EMPA-REG. Il s’agissait de patients en situation de prévention cardiovasculaire secondaire ; la moitié d’entre eux étaient traités par insuline et, sous empagliflozine, la mortalité a été réduite de manière précoce de près de 40 % !   Les options injectables Elles sont l’objet de cet article, options a priori assez faciles à mettre en œuvre étant donné que les patients sont déjà sous insuline et donc sous injections. Le « basal-bolus » est l’option classiquement recommandée et représente actuellement le gold standard du traitement : on considère que l’échec de l’insuline basale seule est lié au fait qu’elle ne contrôle pas l’excursion glycémique postprandiale et il est dès lors logique d’ajouter un bolus d’insuline rapide avant les repas. En pratique, cette option classique du basal-bolus est loin de donner toujours satisfaction car elle est associée à un risque élevé d’hypoglycémies. Par ailleurs, il s’agit d’un schéma thérapeutique difficile, avec la nécessité d’ajuster les doses des nombreuses injections d’insuline, raison pour laquelle, faute d’une adaptation correcte des doses, l’équilibre reste fréquemment médiocre. Le « basal plus », ajouter une seule injection d’insuline rapide au moment du repas principal, est une variante simplifiée du schéma basal-bolus, qui donne de bons résultats dans un certain nombre de cas et peut être considérée comme une étape intermédiaire entre l’insuline basale et l’insulinothérapie multi-injections classique. Reste enfin, et c’est l’objet de cet article, l’option d’ajouter à l’insuline basale un agoniste du récepteur du GLP-1. On voit bien le rationnel de cette combinaison : les agonistes du récepteur du GLP-1 sont des hypoglycémiants puissants ; ils ne présentent pas (utilisés seuls) de risque hypoglycémique et ils ont l’intérêt de la perte de poids, valeur ajoutée importante sous insuline. D’ailleurs, dans le récent ADA/EASD Position Statement actualisé en 2015 qui fait office de référence en termes de recommandations internationales, cette option d’ajouter un agoniste du récepteur du GLP-1 à l’insuline basale est privilégiée par rapport aux autres options et vient représenter, pour une majorité des patients, une étape intermédiaire entre l’insuline basale et le basalbolus.   Quel agoniste du récepteur du GLP-1 choisir ?   Lorsqu’on décide d’ajouter à l’insuline basale un agoniste du récepteur du GLP-1, faut-il choisir une médication basale, qui viendra surajouter son action à celle de l’insuline basale, ce qui est le cas des agonistes du récepteur du GLP-1 de longue durée d’action, liraglutide ou agonistes du récepteur du GLP-1 administrés une fois par semaine (exénatide long-acting et dulaglutide) ? Faut-il choisir à l’inverse une médication prandiale qui aura un effet complémentaire de celui de l’insuline basale, à savoir faire spécifiquement diminuer l’excursion glycémique postprandiale ?   Ajouter à l’insuline basale un agoniste du récepteur du GLP-1 « court » à action prandiale prédominante Le lixisénatide et l’exénatide sont les deux agonistes du récepteur du GLP-1 à action prandiale prédominante, tous deux d’origine reptilienne, l’exénatide est administré deux fois par jour et le lixisénatide une seule fois par jour. Il s’agit de médications de relativement courte durée d’action et donc surtout efficaces dans les heures qui suivent leur administration, ils inhibent de façon puissante la vidange gastrique (à la différence des agonistes du récepteur du GLP-1 de longue durée d’action), d’où leur effet postprandial prédominant. On voit le rationnel d’utiliser le lixisénatide ou l’exénatide en add-on de l’insuline basale chez les patients dont la glycémie à jeun est normalisée par l’insuline mais dont l’HbA1c reste supérieure à l’objectif du fait de glycémies postprandiales trop élevées. Le rationnel est exactement le même que celui du basal-bolus, mais avec de nombreux avantages en pratique clinique : pas besoin de titration des doses, pas de sur-risque hypoglycémique, avantage pondéral, etc. Lorsqu’on ajoute l’exénatide 2 fois par jour à l’insuline basale, dans l’étude 4B qui a comparé insuline basale + exénatide x 2/j à un basal-bolus à 3 injections d’insuline rapide (en plus de l’insuline basale), on fait aussi bien — en termes de contrôle glycémique — que le basal-bolus à 3 injections par jour d’insuline rapide, avec l’avantage de la perte de poids, du moindre risque hypoglycémique et de la simplicité d’utilisation. Clairement, il s’agit d’une meilleure option que le basal-bolus classique. Il s’agit du « basal-bolus moderne ». Ajouter le lixisénatide une fois par jour à l’insuline basale a été évalué dans l’étude GetGoal Duo 2 où l’on a comparé, après titration de la glargine et en continuant la titration tout au long de l’étude, soit le basal plus, soit le basal-bolus, soit l’ajout de lixisénatide une fois par jour. On fait aussi bien avec le lixisénatide en termes de contrôle glycémique que le basal plus à une injection par jour d’insuline rapide, avec l’avantage de la perte de poids et du moindre risque hypoglycémique. Le basal bolus fait un peu mieux. Ajouter à la glargine le lixisénatide apparaît donc comme le « basal plus moderne », mais nous ne ne disposons pas du lixisénatide en France.   Ajouter à l’insuline basale un agoniste du récepteur du GLP-1 « long » à action basale prédominante (liraglutide, exénatide long-acting, dulaglutide) D’un point de vue mécanistique, cette option semble moins logique que la précédente puisque le profil glycémique obtenu sous ces agonistes ressemble beaucoup à celui obtenu sous glargine : baisse prédominante de la glycémie à jeun, baisse des glycémies postprandiales en valeur absolue, mais sans impact ou avec un impact mineur sur l’excursion glycémique postprandiale. On surimpose finalement une médication injectable basale à une autre médication injectable basale, ce qui paraît moins logique du point de vue mécanistique que d’ajouter une médication prandiale sur l’insuline basale. Certes, moins logique du point de vue mécanistique mais avec une bonne efficacité démontrée dans les études cliniques, ce qui n’est pas complètement inattendu car on sait que les agonistes longs sont plus efficaces pour réduire l’HbA1c que les agonistes courts, comme d’habitude lorsqu’on adresse d’abord la glycémie à jeun et comme attendu de médications qui couvrent l’ensemble des 24 heures et non pas simplement une partie du nycthémère. Les études cliniques qui ont ajouté le liraglutide, l’exénatide long-acting ou le dulaglutide à une insuline basale ont montré une réduction d’HbA1c de l’ordre de 1 % avec l’avantage attendu sur le poids et le risque hypoglycémique. À cela s’ajoutent les résultats de l’étude LEADER où près de la moitié des patients étaient sous insuline : le liraglutide a démontré un bénéfice cardiovasculaire alors que, dans une étude au dessin similaire, l’étude ELIXA, le lixisénatide n’avait démontré qu’une neutralité, autrement dit une bonne sécurité cardiovasculaire, mais sans bénéfice supplémentaire. C’est un argument de plus en faveur de l’association à l’insuline basale d’un agoniste « long » du récepteur du GLP-1, du moins chez les patients en prévention cardiovasculaire secondaire.   Le développement des formules combinées : insuline basale + agoniste du récepteur du GLP-1 dans la même cartouche   Le principal est l’IdegLira, qui combine l’insuline basale dégludec et le liraglutide. Il est clair, chez un patient sous insuline, que l’adaptation des doses est celle de l’insuline, ce qui va entraîner, suivant la dose d’insuline nécessaire, une variation dans la dose de liraglutide administrée, illustrée sur la figure 1. Aux doses habituelles d’insuline basale, entre 25 et 50 unités/jour, la dose de liraglutide se rapproche de ce qui se fait en routine, entre 1,2 et 1,8 mg/jour mais, et c’est un inconvénient de ces formes combinées, il y aura d’assez nombreuses exceptions individuelles concernant la dose, appropriée ou non, de liraglutide. En pratique, le dégludec n’est pour l’instant pas disponible en France mais cette forme combinée a reçu une approbation pour être remboursée à la condition qu’elles viennent substituer, à doses équivalentes, une association libre… Dans les études de développement, cette association fixe a démontré, comme prévu, une supériorité sur chacune des deux composantes individuelles de la combinaison, une réduction supplémentaire d’HbA1c de 0,5 % comparée à la dégludec seule et de 0,6 % comparée au liraglutide seul. La question clinique, qui reste ouverte à ce stade précoce du développement, est de savoir pour quels patients utiliser cette combinaison : Chez les patients déjà sous insuline basale, mais avec un résultat insuffisant de l’insuline basale seule, ajouter un agoniste du récepteur du GLP-1 est, comme souligné ci-dessus, une très bonne option mais on ne voit pas très bien l’intérêt de la forme combinée, où la dose de liraglutide n’est pas optimale pour de nombreux patients et je suis de ceux qui pensent que la combinaison libre, dégludec (ou glargine), d’une part, et liraglutide, d’autre part, est la bonne option. À vrai dire, le développement de ces formes combinées a pour objectif de pousser à leur utilisation au moment de la mise sous insuline avec l’argument, qui est exact pour un certain nombre de patients, qu’on propose ainsi « une super insuline basale » plus efficace et faisant prendre moins de poids. Pourquoi pas chez un certain nombre de patients, notamment avec une obésité abdominale laissant supposer une insulinorésistance mais la généralisation de cette façon de faire me semble à tout le moins prématurée.   Figure 1. Les doses d’insuline et de liraglutide dans la formulation combinée IdegLira. Conclusion   En résumé (figure 2), et comme recommandé dans le dernier Position Statement ADA-EASD, chez les seuls patients qui en ont besoin, autrement dit ceux dont l’HbA1c reste supérieure à la valeur cible sous insuline basale bien titrée, ajouter un autre injectable, à savoir un analogue du récepteur du GLP-1 est une option préférentielle, en tout cas une étape intermédiaire, avant de s’orienter vers une insulinothérapie multi-injections. Dans l’état actuel des études cliniques, le choix entre ajouter un agoniste à action prandiale prédominante ou un agoniste à action basale prédominante est un choix ouvert en fonction de la préférence des cliniciens et des patients. Le développement des formes combinées, avec l’insuline basale et l’agoniste du récepteur du GLP-1 dans la même cartouche, peut représenter un progrès pour un certain nombre de patients obèses insulinorésistants.   Figure 2. Place des GLP1r-agonistes associés à l’insuline.   Conflits d’intérêts Bernard Charbonnel a reçu des honoraires de consultant, conférencier, ou des défraiements de : AstraZeneca, Bristol-Myers-Squibb, Boehringer-Ingelheim, Janssen, Lilly, Merck-Sharpe & Dohme, Novartis, Novo-Nordisk, Sanofi, Takeda.

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