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Publié le 15 déc 2017Lecture 12 min

HAS 2013, SFD 2017 : convergences, divergences

Patrice DARMON, Service d’endocrinologie, maladies métaboliques et nutrition, CHU Conception, Marseille

Il n’est évidemment pas possible de reprendre ici la totalité des 30 avis de la prise de position de la SFD, en particulier ceux concernant les différentes options proposées après échec de bi- ou trithérapie. Pour plus de détails, le lecteur pourra se référer aux versions courte et longue du texte (à télécharger sur www.sfdiabete.org). Seuls les principaux points de convergence et de divergence existant entre les deux textes seront développés. Plusieurs avis figurant dans la prise de position de la SFD sont directement repris des recommandations de la HAS. C’est le cas par exemple des avis relatifs aux modalités d’initiation d’une insulinothérapie basale, à la place de l’autosurveillance glycémique ou à la prise en charge de la patiente DT2 enceinte ou envisageant de l’être. À l’inverse, des différences — certaines subtiles, d’autres plus radicales — existent entre les deux textes. Tour d’horizon.

Grader ou ne pas grader ? À l’inverse de la HAS pour ses recommandations, la SFD a fait le choix de ne pas attribuer de grade à ses préconisations. Les experts de la SFD justifient ce choix en expliquant que s’il existe aujourd’hui des études démontrant avec un haut niveau de preuve les bénéfices d’un contrôle glycémique optimal et d’une prise en charge multifactorielle sur le risque de complications vasculaires chez les patients diabétiques, ainsi qu’un nombre croissant d’essais randomisés de qualité portant sur la sécurité cardiovasculaire de tel ou tel antihyperglycémiant, il demeure difficile, au vu de la littérature, d’établir des préconisations de grade A (basées sur une preuve scientifique établie) dans le domaine des stratégies thérapeutiques dans le DT2. On ne trouve d’ailleurs aucune recommandation de grade A et seulement 4 recommandations de grade B (basées sur une présomption scientifique) dans l’ensemble des recommandations de la HAS de 2013, contre 54 basées sur un accord d’experts. Individualisation des objectifs glycémiques Après avoir rappelé avec force aux sceptiques l’importance d’un contrôle glycémique optimal pour prévenir les complications micro- et (à plus long terme) macrovasculaires chez les sujets DT2, le groupe de travail de la SFD a repris à son compte la quasi-totalité de la position de la HAS concernant l’individualisation des objectifs glycémiques. La valeur-cible d’HbA1c doit être fixée en concertation avec le patient, et individualisée en fonction de l’âge, de l’espérance de vie et des comorbidités, notamment cardiovasculaires et rénales (7 % pour la majorité des patients ; 8 % en présence d’une maladie cardiovasculaire considérée comme évoluée et/ou d’une insuffisance rénale chronique sévère ou terminale, et chez les sujets âgés fragiles ; 9 % chez les sujets âgés à la santé très altérée ; 6,5 % chez la femme enceinte ou envisageant de l’être). La valeur cible d’HbA1c peut donc évoluer au fil du temps. Seule différence notable avec les recommandations de la HAS, une cible d’HbA1c à 6,5 % est également recommandée pour les patients présentant un DT2 nouvellement diagnostiqué, dont l’espérance de vie est supérieure à 15 ans et sans antécédents cardiovasculaires, sous réserve d’être atteinte par la mise en œuvre ou le renforcement de modifications thérapeutiques du mode de vie puis, si cela est insuffisant, par un ou plusieurs traitements ne provoquant pas d’hypoglycémie. De manière générale, les valeurs cibles d’HbA1c proposées sont des bornes hautes, et il est licite de viser un objectif glycémique plus ambitieux si on peut l’obtenir sans effets secondaires liés aux traitements, et notamment sans hypoglycémies. Approche centrée sur le patient, décision médicale partagée, adhésion thérapeutique Plus encore que les recommandations HAS, la prise de position de la SFD souligne l’importance de l’approche centrée sur le patient dans la prise en charge d’une maladie chronique comme le DT2. Le patient doit devenir un acteur-partenaire autonome, impliqué dans une décision médicale partagée avec le soignant. Celle-ci est fondée sur l’échange d’informations détaillées autour de toutes les options possibles et doit se conclure par une prise de décision éclairée, acceptée mutuellement par le patient et le soignant. Les cliniciens peuvent s’appuyer, pour ce faire, sur des outils d’aide à la décision tel que celui présenté dans le tableau. La notion de codécision est essentielle à l’adhésion du patient à son traitement. L’adhésion thérapeutique doit être soigneusement évaluée, en particulier avant tout changement de traitement, que ce soit pour les modifications du mode de vie (équilibre alimentaire, lutte contre la sédentarité, activité physique adaptée — pierre angulaire de la prise en charge) que pour la prise effective des traitements prescrits. De façon plus générale, toute modification de traitement doit être couplée à une éducation thérapeutique et à un accompagnement du patient. Réévaluation thérapeutique et règles d’arrêt Cet aspect essentiel de la prise en charge figurait déjà dans les recommandations de la HAS. Il est repris et détaillé dans un avis dédié dans la prise de position de la SFD. Il est rappelé que la réponse à un agent antihyperglycémiant peut s’avérer très variable d’un sujet à l’autre et qu’il est, à ce jour, impossible d’identifier avec certitude les sujets répondeurs et les sujets non répondeurs avant la prescription. Ce caractère difficilement prédictible impose donc de réévaluer de façon systématique la réponse individuelle au traitement en tenant compte de son efficacité sur l’équilibre glycémique et de ses éventuels effets indésirables. Cette approche peut conduire à maintenir ou à interrompre le traitement prescrit et à le remplacer par une molécule d’une autre classe thérapeutique. Toute prescription d’antihyperglycémiant devra donc être réévaluée 3 à 6 mois après sa mise en route, ou avant en cas de signes cliniques liés à l’hyperglycémie, de la survenue d’hypoglycémies ou d’une intolérance au traitement. Un traitement sera ainsi arrêté si la baisse d’HbA1c est de moins de 0,5 % et que l’HbA1c reste supérieure à l’objectif 3 à 6 mois après son initiation, à condition que la titration (lorsqu’elle est nécessaire) ait été adéquate, que l’adhésion au traitement soit jugée satisfaisante, et en l’absence d’autre facteur de déséquilibre glycémique. Sulfamides et glinides seront arrêtés en cas d’hypoglycémies répétées ou sévères. La réévaluation thérapeutique et les règles d’arrêt permettent d’éviter un empilement systématique des traitements au fil des ans. Prise en charge au moment du diagnostic de diabète Comme le préconisait déjà la HAS en 2013, la prise en charge initiale du DT2 s’appuie d’abord sur les modifications thérapeutiques du mode de vie associées, d’emblée ou secondairement, à la metformine en monothérapie, sauf intolérance avérée ou contre-indication. Fait nouveau, les experts de la SFD émettent la possibilité de proposer une bithérapie d’emblée en cas de déséquilibre glycémique initial important (HbA1c > 9 %). Par ailleurs, une insulinothérapie (le plus souvent temporaire) peut être indiquée d’emblée en cas de déséquilibre majeur (HbA1c > 10 %) et devient indispensable en cas d’hyperosmolarité ou de cétonurie (ou cétonémie) positive. Choix de la bithérapie après échec de la metformine (figure 1) Figure 1. Stratégie thérapeutique si HbA1c > objectif personnalisé malgré modifications thérapeutiques du mode de vie et monothérapie par metformine à dose maximale tolérée bien observée. Les recommandations de la HAS 2013 étaient marquées par un choix fort, celui de privilégier un sulfamide hypoglycémiant après échec de metformine, pour des raisons tenant moins aux incertitudes existant à l’époque sur la sécurité d’emploi à long terme des inhibiteurs de la DPP-4 (iDPP4) et des agonistes des récepteurs du GLP-1 (GLP-1 RA) qu’à la volonté de préférer l’utilisation de molécules éprouvées et peu coûteuses. La prise de position de la SFD de 2017 se démarque clairement sur ce point, en indiquant qu’une bithérapie metformine + iDPP-4 doit être préférée à une bithérapie metformine + sulfamide lorsque l’objectif d’HbA1c n’est pas atteint sous metformine seule, en raison d’un haut niveau de preuve en faveur des iDPP-4 sur l’absence de risque hypoglycémique et de prise de poids, et de leur sécurité cardiovasculaire désormais démontrée, en particulier pour la sitagliptine parmi les molécules commercialisées en France. Les sulfamides exposent à un risque accru d’hypoglycémie et de prise de poids, et il n’existe pas à ce jour d’étude dédiée démontrant leur sécurité cardiovasculaire. Il n’en reste pas moins que l’option metformine + sulfamide peut être proposée à des patients à faible risque hypoglycémique (par exemple : sujets jeunes, avec une fonction rénale normale et une alimentation régulière) ; pour autant, si elle est moins onéreuse que l’option metformine + iDPP4, elle peut générer au final plus de coûts indirects (hospitalisations pour hypoglycémie, renforcement de l’autosurveillance glycémique). Enfin, l’association metformine + GLP-1 RA peut être envisagée lorsque l’objectif d’HbA1c n’est pas atteint sous metformine seule chez le sujet obèse (IMC ≥ 30 kg/m2), et chez le patient en prévention cardiovasculaire secondaire, en choisissant alors le liraglutide, compte tenu des bénéfices démontrés dans l’étude LEADER. Choix de l’insuline basale Au moment de l’instauration d’une insulinothérapie basale, la HAS préconise de débuter par une injection au coucher d’insuline NPH, et de ne préférer un analogue d’action prolongée que si le risque d’hypoglycémie nocturne est préoccupant. Aujourd’hui, cette recommandation, qui repose avant tout sur des critères économiques, n’est que rarement suivie en pratique car les cliniciens préfèrent utiliser les analogues d’action prolongée en raison de leurs avantages démontrés sur la NPH dans le DT2, en particulier un moindre taux d’hypoglycémies nocturnes et une moindre variabilité glycémique. Pour ces raisons, la SFD conseille désormais de préférer un analogue lent de l’insuline à la NPH, et ajoute que l’insuline glargine U100 est l’analogue lent de l’insuline dont la pharmacocinétique est la mieux adaptée à une majorité des patients, en rappelant en outre sa sécurité cardiovasculaire démontrée dans l’étude ORIGIN. Dans une logique médico-économique, la SFD préconise de privilégier le biosimilaire de la glargine lors de l’instauration d’une insuline basale. La SFD définit également la place des autres analogues lents, intéressants dans certaines situations : la glargine U300 chez les patients présentant un risque hypoglycémique nocturne préoccupant ; la détémir, compte tenu de sa durée d’action plus courte, chez les sujets présentant une hyperglycémie diurne marquée mais pas ou peu d’hyperglycémie nocturne, profil rencontré chez certains sujets âgés ou sous corticoïdes. Gestion des antihyperglycémiants après insuline basale Tout comme la HAS, la SFD a choisi de faire figurer dans son texte un avis dédié à la gestion des antihyperglycémiants lors de l’instauration d’une insuline basale. Le postulat de départ est qu’il n’est sans doute pas souhaitable, ni du point de vue économique, ni du point de vue médical, de maintenir tous les autres traitements antihyperglycémiants au moment de la mise en route d’une insulinothérapie basale. Les préconisations visant à guider le clinicien au moment de cette étape importante diffèrent cependant sensiblement entre les deux textes. La HAS recommande de poursuivre la metformine, d’adapter la posologie des sulfamides ou des glinides, d’arrêter les iDPP4 et de prendre un avis auprès du spécialiste pour les GLP-1 RA. Les préconisations de la SFD sont les suivantes : – maintenir la metformine ; – arrêter le sulfamide ou le glinide d’emblée, ou réduire sa posologie (en renforçant l’autosurveillance glycémique) pour minimiser le risque d’hypoglycémie et l’arrêter après titration efficace de la basale, quitte à le réintroduire ensuite si nécessaire ; – arrêter l’iDPP4 d’emblée ou après titration efficace de la basale, quitte à le réintroduire ensuite si nécessaire ; – arrêter le GLP-1 RA sauf si celui-ci a permis une perte de poids significative (≥ 5 % du poids initial) ou s’il s’agit du liraglutide chez un patient en prévention cardiovasculaire secondaire. En cas de difficultés, l’avis d’un endocrino-diabétologue est souhaitable. Intensification d’une insulinothérapie basale (figure 2) Figure 2. Stratégie thérapeutique si HbA1c > objectif personnalisé malgré les modifications thérapeutiques du mode de vie + insuline basale bien titrée bien observée. En cas de résultats insuffisants sous insuline basale et metformine (HbA1c > objectif malgré des glycémies à jeun dans la cible), la HAS ne prévoit qu’une seule option, l’intensification par multi-injections d’insuline. À l’inverse, la SFD distingue trois alternatives : – l’introduction ou la réintroduction d’un autre traitement oral (iDPP4 plutôt que sulfamide pour limiter le risque hypoglycémique), solution plus simple mais généralement moins efficace que l’ajout d’un injectable ; – l’ajout d’un GLP-1 RA ; – l’intensification par multi-injections d’insuline (1 à 3 injections d’un analogue rapide de l’insuline avant le repas associées à l’insuline basale, plutôt que 2 à 3 injections d’insuline « premix », schéma moins flexible et généralement pourvoyeur de plus d’hypoglycémies et de prise de poids). Dans la majorité des cas, l’ajout d’un GLP-1 RA peut être proposé de préférence à une insulinothérapie intensifiée, en raison d’une efficacité sur l’HbA1c au moins comparable, mais avec une plus grande simplicité et une meilleure tolérance (moins d’hypoglycémies et de prise de poids) ; de plus, une situation de prévention cardiovasculaire secondaire constitue un argument pour le liraglutide. Une insulinothérapie intensifiée est parfois nécessaire d’emblée, en cas de déséquilibre glycémique majeur avec signes d’hypercatabolisme ou de contre-indication ou d’intolérance aux GLP-1 RA. Elle sera aussi proposée secondairement, en cas d’échec d’une association insuline basale + GLP-1 RA. Dans ces situations complexes, l’avis d’un endocrino-diabétologue est souhaitable. Populations particulières À l’instar de la HAS, la SFD a souhaité définir le parcours thérapeutique optimal dans un certain nombre de populations particulières, en tenant compte de leurs spécificités (sujet âgé de plus de 75 ans, patient en prévention cardiovasculaire secondaire, patient en insuffisance rénale chronique, patiente enceinte ou envisageant de l’être). Au regard des dernières avancées scientifiques, la SFD a retenu deux nouvelles populations, celle des patients obèses avec IMC > 35 kg/m2 et celle des patients présentant une insuffisance cardiaque. Nous n’aborderons ici que les grandes lignes de la prise de position de la SFD concernant le patient en prévention cardiovasculaire secondaire et le patient insuffisance cardiaque. Patient en prévention cardiovasculaire secondaire Une attention particulière doit être portée au risque d’hypoglycémie. La metformine doit être maintenue ou introduite sous réserve du respect des contre-indications. Chez les sujets dont le phénotype clinique et biologique justifie la prescription d’un GLP-1 RA, le liraglutide doit être privilégié, en raison de son bénéfice cardiovasculaire démontré dans l’étude LEADER dans cette situation. Par contre, si le choix en deuxième ligne s’oriente vers un traitement oral ou s’il apparaît que le liraglutide n’est pas souhaitable (sujet âgé, IMC bas, mauvaise tolérance aux GLP-1 RA, etc.), l’utilisation de la sitagliptine doit être privilégiée compte tenu de sa sécurité d’emploi démontrée chez ces patients dans l’étude TECOS, sans sur-risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Patient présentant une insuffisance cardiaque La metformine doit être le traitement de première ligne en cas d’insuffisance cardiaque stable sans insuffisance rénale chronique sévère associée, mais doit être évitée en cas d’insuffisance cardiaque instable et/ou nécessitant une hospitalisation. Les sulfamides et le répaglinide ne seront pas privilégiés, en raison du risque d’hypoglycémie. La sitagliptine a démontré sa sécurité vis-à-vis du risque de mortalité et d’hospitalisation liés à l’insuffisance cardiaque dans TECOS, alors que la saxagliptine s’accompagne d’une majoration du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque dans l’étude SAVOR-TIMI 53 et doit donc être évitée. Dans l’attente de nouvelles données, les GLP-1 RA doivent être évités en cas d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection diminuée, compte tenu de l’accélération du rythme cardiaque qu’ils induisent et du signal défavorable observé avec le liraglutide dans les études LIVE et FIGHT chez de tels patients. Une coordination entre médecin généraliste, cardiologue et endocrino-diabétologue est recommandée. Dimension médico-économique Le 30e avis de la prise de position de la SFD est consacré à la dimension médico-économique du traitement du DT2. Dans un contexte de maîtrise des dépenses de santé, les experts de la SFD soulignent la nécessité d’évaluer systématiquement l’impact médico-économique des stratégies thérapeutiques dans la prise en charge du DT2. L’objectif est de proposer le meilleur soin au moindre coût. Les génériques et les biosimilaires devront être privilégiés lorsque cela est possible. Pour deux médicaments ayant un rapport bénéfices-risques équivalent, il est souhaitable de préférer le moins coûteux, en considérant tout à la fois le prix journalier de traitement et les éventuels coûts indirects. La réponse aux traitements les plus onéreux devra être régulièrement et soigneusement réévaluée.

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