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Publié le 15 juin 2018Lecture 8 min

La prise de position de la SFD… en pratique quotidienne - Une observation d’un patient insuffisamment contrôlé sous insuline basale

Bernard CHARBONNEL (Nantes) et Patrice DARMON (Marseille)

Monsieur M. 70 ans, dont le recul connu de maladie diabétique est de 11 ans, a été mis à l’insuline il y a un peu plus d’un an en raison d’une HbA1c qui était à 8,3 % sous metformine 2 g/j (dose maximale tolérée) et gliclazide 120 mg/j.

Au moment de l’instauration d’une injection quotidienne d’insuline basale, comme recommandé par la prise de position de la SFD, la posologie du gliclazide a dans un premier temps été diminuée (60 mg/j) puis ce traitement a été suspendu en raison de la survenue itérative d’hypoglycémies modérées en fin d’après-midi. Le patient présente à ce jour les principales caractéristiques cliniques et biologiques suivantes : – HbA1c 7,9 %, sous insuline glargine U100 (Abasaglar®) 60 unités le soir avant le dîner + metformine 2 g/j ; – la glycémie capillaire le matin au réveil tourne autour de 1,50 g/l ; – il n’y a que de rares incidents hypoglycémiques, généralement à l’occasion d’une activité physique inhabituelle, par exemple le jardinage. D’éventuelles hypoglycémies nocturnes ne sont pas documentées ; – le patient a compris comment adapter ses doses d’insuline basale, mais il a maintenant peur de continuer de les augmenter au-dessus de 60 unités par jour ; – IMC 33 kg/m2 : le patient a pris 3 kg dans l’année qui a suivila mise à l’insuline, malgré quelques efforts de régime alimentaire, pour lesquels il sera difficile de faire mieux ; – le patient est en bon état général ; – la pression artérielle et les lipides sont bien contrôlés, respectivement sous bithérapie antihypertensive (ARAII + inhibiteur calcique) et statine, prescrites au moment du passage à l’insuline en raison de valeurs de pression artérielle et de LDL-cholestérol supérieures aux objectifs ; – il n’y a pas d’atteinte cardiovasculaire connue : le patient se plaint de vagues douleurs thoraciques à l’effort, mais un bilan cardiovasculaire considéré comme complet par le cardiologue a été pratiqué récemment et n’a pas montré d’anomalie ; – il existe une microangiopathie débutante avec des micro-anévrismes au fond d’œil ; il n’y a pas de microalbuminurie, mais le débit de filtration glomérulaire est estimé à 55 ml/min/1,73 m2 (MDRD). D’après la prise de position de la SFD, que proposer à ce patient ? En accord avec le patient, il convient d’intensifier le traitement du diabète, d’autant qu’il n’est pas cohérent de ne pas atteindre une valeur cible acceptable d’HbA1c alors qu’on a choisi l’insuline, avec ses contraintes. D’après la prise de position de la SFD, la valeur-cible d’HbA1c est de 7 % chez ce patient. Certes, il s’agit d’un patient relativement âgé. Cependant, la définition moderne du sujet âgé est plutôt de 75 ans (définition EMEA) s’il n’y a pas de marqueur de fragilité. Tel est le cas de ce patient qui ne présente pas de comorbidités majeures, notamment cardiovasculaires, sauf une insuffisance rénale chronique modérée et une rétinopathie diabétique débutante. Dans le cas particulier, un objectif glycémique strict va permettre de prévenir l’aggravation potentielle des complications microvasculaires (Avis n°1). L’existence d’une insuffisance rénale modérée chez ce patient par ailleurs en bon état général est un argument pour une valeur cible d’HbA1c à 7 % (tableau). Ceci étant dit, le fait que ce patient soit sous insuline, avec son risque hypoglycémique, peut être un argument pour fixer la valeur cible HbA1c un peu au-dessus de 7 %, mais en tout cas < 7,5 %. Le patient est dans l’une des situations décrites dans l’Avis n°18 de la prise de position de la SFD pour décrire l’échec d’une insulinothérapie basale : « HbA1c > objectif et glycémie à jeun au-dessus de la cible malgré de fortes doses d’insuline basale ». 1. Sous réserve d’être atteint par la mise en oeuvre ou le renforcement des modifications thérapeutiques du mode de vie puis, encas d’échec, par un ou plusieurs traitements ne provoquant pas d’hypoglycémie. 2. De manière générale, chez les sujets âgés, il est essentiel de minimiser le risque d’hypoglycémie, notamment d’hypoglycémie sévère. Ce risque existe sous sulfamides, répaglinide et insuline, et il est plus important lorsque l’HbA1c est inférieure à 7 %. 3. IDM avec insuffisance cardiaque, atteinte coronarienne sévère (atteinte du tronc commun ou atteinte tritronculaire ou atteinte de l’artère interventriculaire antérieure proximale), atteinte polyartérielle (au moins deux territoires artériels symptomatiques), artériopathie oblitérante des membres inférieurs symptomatique, accident vasculaire cérébral récent (< 6 mois). 4. Stades 3A : débit de filtration glomérulaire (DFG) entre 45 et 59 ml/min/1,73 m2 ; 3B : DFG entre 30 et 44 ml/min/1,73 m2 ; 4 : DFG entre 15 et 29 ml/min/1,73 m2 ; 5 : DFG < 15 ml/min/1,73 m2. L’option préférentielle : l’ajout d’un agoniste des récepteurs du GLP-1 (GLP-1 RA) Patrice DARMON Comme le précise la prise de position de la SFD dans son Avis n°18, les deux options les plus efficaces en cas d’échec d’une insulinothérapie basale en association à la metformine sont l’ajout d’un GLP-1 RA ou le passage à une insulinothérapie intensifiée par multi-injections, en conservant dans les deux cas la metformine. Il est précisé que « dans la majorité des cas, l’ajout d’un GLP-1 RA peut être proposé de préférence à une insulinothérapie intensifiée, en raison d’une efficacité au moins comparable, mais avec une plus grande simplicité et une meilleure tolérance (moins d’hypoglycémies, moins de prise de poids). De plus, une situation de prévention cardiovasculaire secondaire constitue un argument en faveur du liraglutide ». Monsieur M. est un patient obèse, en bon état général, insuffisamment contrôlé sous de fortes doses d’insuline basale et metformine : il s’agit d’un excellent candidat pour un GLP-1 RA. Ce patient est en prévention cardiovasculaire primaire, donc le liraglutide 1,8 mg ne doit pas forcément être privilégié : le choix de la molécule devra faire l’objet d’une décision médicale partagée entre le médecin et le patient, tenant compte des avantages et inconvénients des produits disponibles dans la classe. Le rationnel de l’association insulinothérapie basale + GLP-1 RA repose sur leur complémentarité d’action : l’insuline basale a vocation à contrôler la glycémie à jeun, tandis que le GLP-1 RA va cibler la glycémie à jeun et les glycémies postprandiales. L’ajout d’un GLP-1 RA contrebalance les effets contraires sur le poids et le risque d’hypoglycémies de l’intensification de l’insulinothérapie. En outre, les GLP-1 RA ne nécessitent pas de titration complexe de la dose. Les études cliniques comparant GLP-1 RA et un à trois bolus d’analogues rapides de l’insuline après échec de basale vont toutes dans le même sens et montrent un équilibre glycémique au moins équivalent sous GLP-1 RA, avec une perte de poids et un moindre risque hypoglycémique. Cependant, le coût élevé de cette association thérapeutique doit amener à une réévaluation régulière de son efficacité et de sa tolérance. En France, seuls l’exénatide (dans sa forme standard), le liraglutide et le dulaglutide ont une AMM en association avec l’insuline. Il existe sur le marché une forme combinée associant dans le même stylo insuline basale et GLP-1 RA : il s’agit de l’IdegLira (Xultophy®) qui associe l’insuline dégludec et le liraglutide. Cette solution permet de limiter le nombre d’injections. L’inconvénient est que l’adaptation de la dose d’insuline va entraîner une variation de la dose de liraglutide, et que le ratio fixe du Xultophy® ne convient pas à tous les patients. Une option alternative : l’ajout d’un DPP4 inhibiteur (i-DPP4) Bernard CHARBONNEL La SFD propose deux options alternatives à l’ajout à l’insuline basale d’un GLP-1 RA : – soit ajouter un traitement oral, en privilégiant alors un iDPP4 plutôt qu’un sulfamide hypoglycémiant ou le répaglinide ; – soit s’orienter vers une insulinothérapie intensifiée, en ajoutant, éventuellement par étapes, une composante d’insuline rapide à l’insuline basale. La mise en œuvre d’une insulinothérapie intensifiée par multi-injections (une ou plusieurs injections préprandiales d’un analogue rapide de l’insuline associées à une injection d’insuline basale, plutôt que 2 ou 3 injections quotidiennes d’insuline « premix », schéma moins flexible pour le patient et généralement pourvoyeur de plus d’hypoglycémies et de prise de poids) est le choix traditionnel en cas de résultat insuffisant de l’insuline basale seule et sera en tout cas proposée secondairement, en cas d’échec d’une association insuline basale + GLP-1 RA (Avis n°18). Cette option sera prioritaire en cas de déséquilibre glycémique majeur (Avis n°18), mais tel n’est pas le cas de ce patient. Pour légitime qu’il soit, ce choix d’une insulinothérapie intensifiée se heurte chez ce patient à différents arguments : la réticence habituelle des patients vis-à-vis des multi-injections d’insuline, la relative complexité de l’adaptation des doses d’insuline dans les schémas à multi-injections, le sur-risque hypoglycémique de ces schémas, la prise de poids chez un patient qui a déjà pris du poids sous insuline basale seule et qui présente une obésité. C’est la raison pour laquelle le choix de l’ajout d’un traitement oral, en plus de la metformine, est une bonne option alternative, surtout chez un patient dont l’HbA1c n’est pas très élevée (les deux options injectables sont en moyenne plus puissantes). Le libellé de la recommandation SFD (Avis n°18) est le suivant : « À ce stade, l’ajout d’un autre traitement oral à l’insuline basale est une possibilité, mais elle est moins efficace que l’ajout d’un traitement injectable en termes de baisse d’HbA1c. Si cette option est choisie, il convient de privilégier l’ajout d’un i-DPP4 plutôt que l’ajout d’un sulfamide ou du répaglinide pour limiter le risque hypoglycémique ». Avec un i-DPP4, les études ont montré que, pour une HbA1c de départ à 7,9 %, on atteint la valeur cible de 7 % dans à peu près la moitié des cas et une HbA1c < 7,5 % dans une majorité des cas, pour une option très simple puisqu’il s’agit simplement d’ajouter un comprimé par jour, sans prise de poids supplémentaire et sans majoration du risque hypoglycémique de l’insuline. Trois ou six mois après l’instauration d’un i-DPP4, si la valeur cible d’HbA1c n’est pas atteinte, il faudra arrêter l’iDPP4 et passer à l’une des deux options injectables. Au final On peut donc présenter au patient les trois possibilités : l’ajout à l’insuline basale d’un i-DPP4, avec sa simplicité mais avec une moindre efficacité hypoglycémiante que les deux autres options, ou l’intensification du traitement injectable, plutôt l’ajout d’un agoniste des récepteurs du GLP-1 que celui d’une ou plusieurs injections d’insuline. En laissant finalement au patient la décision dans le cadre d’une décision médicale partagée (Avis n°2).

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