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Épidémiologie

Publié le 20 déc 2019Lecture 6 min

Interactions entre le diabète et la maladie parodontale

Youssef HAÏKEL, Faculté de chirurgie dentaire, Unité Inserm 1121, CHRU de Strasbourg

Le diabète et la maladie parodontale sont deux pathologies inflammatoires chroniques affectant le système immunitaire et qui partagent plusieurs facteurs de risque tels que l’âge, le sexe masculin, le statut socio-économique, les prédispositions génétiques, le tabagisme ou l’obésité. Il est établi aujourd’hui qu’il existe une étroite interrelation entre ces deux maladies qui s’affectent et s’aggravent mutuellement (figure 1)(1).

Figure 1. Facteurs de risque et pathogènes impliqués dans la relation diabète-maladie parodontale(1). Les maladies parodontales Les maladies parodontales sont des pathologies multifactorielles infectieuses à composante inflammatoire qui affectent les tissus de soutien de la dent (le parodonte). Elles résultent de l’interrelation entre le biofilm bactérien, la réponse immunitaire de l’hôte et son environnement. Les gingivites et les parodontites sont les deux principales entités. Les gingivites sont des atteintes inflammatoires réversibles de la gencive marginale (autour de la dent). Les symptômes cliniques recherchés sont le saignement spontané ou provoqué par le bol alimentaire ou le brossage, une rougeur, un oedème et/ou une hyperplasie gingivale. Leur intensité est reliée à la quantité de plaque bactérienne et leur traitement est relié à l’élimination de ce biofilm. La parodontite est une pathologie inflammatoire chronique du parodonte induite par le biofilm bactérien. Elle est caractérisée cliniquement par des saignements spontanés ou provoqués, une destruction irréversible du collagène et de l’os alvéolaire conduisant à la formation de poches parodontales le long de la racine, dans lesquelles se développent des bactéries parodontopathogènes, principalement anaérobies et à Gram négatif. À ce stade, le brossage dentaire et les bains de bouche ne suffisent plus et l’intervention du chirurgiendentiste est nécessaire. La parodontite est un processus chronique, sournois et indolore qui conduit in fine à des mobilités dentaires, un inconfort, des difficultés de mastication, une halitose (mauvaise haleine) et la perte des tissus de soutien des dents. Impact du diabète sur la maladie parodontale La relation entre diabète et maladie parodontale a été largement rapportée dans la littérature scientifique. Plusieurs études montrent que le risque de développer une gingivite, une parodontite et une perte dentaire est plus grand chez le patient diabétique de type 2 (DT2). Récemment, dans une revue systématique avec métaanalyse portant sur des études longitudinales prospectives, Nascimento et coll.(2) affirment qu’un diabète non équilibré augmente de 86 % le risque de développer ou d’aggraver une parodontite. Les pathologies parodontales sont plus fréquentes et plus sévères chez les patients diabétiques que chez les non diabétiques. Les patients diabétiques présentent une prédisposition à des pathologies buccales comme les candidoses qui sont associées à un mauvais contrôle de la glycémie et au port de prothèses dentaires. Cette prédisposition favorise également la xérostomie, qui semble liée soit à des niveaux élevés de glucose dans les fluides de la cavité buccale, soit à un dérèglement immunitaire(3). Un diabète non contrôlé va entraîner (figure 2)(4) : – une augmentation du glucose dans les fluides de la cavité buccale ; – une modification de la flore buccale ; – une augmentation des cytokines, des adipokines et des médiateurs pro-inflammatoires. Figure 2. Impact du diabète sur l’inflammation parodontale(4). L’hyperglycémie est à l’origine d’une glycation des protéines qui prendront le nom de AGE (advanced glycation end products). Les conséquences seront(1,4) : – un dysfonctionnement immunitaire local ; – un stress cellulaire ; – une augmentation des cytokines et médiateurs pro-inflammatoires. Ces changements vont entraîner des modifications au niveau de la voie RANKL/OPG (voie de différenciation et activation des ostéoclastes) et une augmentation du stress oxydatif ayant pour conséquence une destruction accrue des tissus conjonctif et osseux du parodonte et une altération de leur réparation ; cliniquement, nous aurons une parodontite exacerbée(5). Le rapport de consensus de 2017(6) entre la Fédération internationale du diabète (IDF) et la Fédération européenne de parodontologie (EFP) conclut à : – une influence négative des parodontites sévères sur l’HbA1c ; – une relation directe entre sévérité des parodontites et complications du DT2 ; – une influence négative du diabète sur la santé parodontale. Maladie parodontale et prédiabète Plusieurs métaanalyses basées sur des études épidémiologiques ont conclu que la prévalence globale et les risques de développer un diabète sont plus élevés au sein des populations souffrant de parodontites. Dans une étude longitudinale, une augmentation du taux d’HbA1c a été constatée sur une période de 5 ans chez des patients non diabétiques présentant une parodontite. Une étude systématique avec métaanalyse récente confirme que les personnes non diabétiques atteintes de parodontite présentent un taux d’HbA1c plus élevé que celles ayant une meilleure santé parodontale(7). Plus récemment, dans une étude longitudinale finlandaise(8) avec un suivi sur 15 ans, une corrélation positive a été établie entre les patients atteints de parodontites et présentant un nombre important de poches moyennes ou profondes et le risque de développer un DT2 (figure 3). Figure 3. Impact des maladies parodontales sur l’équilibre du diabète(4). Effets systémiques du traitement parodontal sur le contrôle de la glycémie chez le patient DT2 Plusieurs études ont démontré que le traitement parodontal pouvait améliorer l’équilibre du diabète. Les dernières études de métaanalyse ont montré l’existence d’un effet significatif du traitement parodontal sur l’amélioration de l’HbA1c(9). Le traitement parodontal permettrait une diminution des taux sériques des bactéries et des médiateurs de l’inflammation et pourrait ainsi avoir un effet bénéfique sur le contrôle de la glycémie en agissant sur l’insulinorésistance (figure 4)(4). Récemment, un essai clinique randomisé en double aveugle publié dans le Lancet(10) a porté sur des patients DT2 avec des atteintes parodontales modérées ou sévères. Dans cette étude, après 12 mois de suivi, le simple traitement de routine de contrôle de l’hygiène buccodentaire des patients DT2 avec une atteinte parodontale modérée et le traitement parodontal approfondi des patients DT2 avec une atteinte parodontale sévère montrent un effet sur le contrôle du DT2 par une diminution significative de l’HbA1c. Ainsi, il apparaît que le chirurgien- dentiste en « soignant les dents », participe au traitement du diabétique. Enfin, suite à un avis favorable de la HAS, depuis le 1er avril 2019, la nouvelle convention (HBQD001) prévoit la prise en charge à 50 € opposable pour un bilan parodontal complet pour les patients en ALD diabète. L’IDF soutenue par l’OMS conseille aux pa tients DT1 et DT2 de consulter leur chirurgien-dentiste au moins une fois par an pour un contrôle et un détartrage, même en l’absence de symptômes et au moins deux fois par an, en présence de maladie parodontale. Diabète et santé bucco-dentaire : sensibilisation des patients et des professionnels de santé Les interrelations entre le diabète et la maladie parodontale ont été largement abordées dans la littérature scientifique et sont bien connues des endocrinologues. Cependant la complication parodontale du diabète est très méconnue par les patients diabétiques. Un patient sur deux, en France comme au niveau international, ignore cette complication et deux patients sur trois disent ne pas avoir reçu d’information sur le lien entre ces deux pathologies(11,12). Seulement 40 % des professionnels de santé connaissent les recommandations de la HAS concernant le suivi bucco-dentaire du patient diabétique(11,13). Par ailleurs, deux tiers des patients diabétiques ignorent leur taux d’HbA1c et un tiers n’informent pas leur dentiste de leur diabète(11,13). Conclusion Le diabète et la maladie parodontale sont deux pathologies inflammatoires chroniques affectant le système immunitaire et partageant plusieurs facteurs de risque. Il existe une étroite interrelation entre ces deux maladies qui s’affectent et s’aggravent mutuellement : – une influence négative des parodontites sévères sur l’HbA1c ; – une relation directe entre sévérité des parodontites et complications du DT2 ; – une influence négative du diabète sur la santé parodontale ; – plus de risque de développer un prédiabète ou un diabète en présence d’une parodontite ; – des effets systémiques du traitement parodontal sur le contrôle de la glycémie chez le patient DT2. Il existe un déficit d’information des patients diabétiques et des professionnels de santé sur le lien entre le diabète et les maladies parodontales.

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