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Publié le 28 fév 2020Lecture 8 min

Focus sur les patients diabétiques âgés

Bernard BAUDUCEAU*, Lise BORDIER*, Jean DOUCET**, *Service d’endocrinologie de l’Hôpital Bégin, Saint-Mandé **Service de médecine interne polyvalente, Hôpital Saint-Julien, CHU de Rouen

L’actualisation de la prise de position de la Société francophone du diabète (SFD) sur la prise en charge médicamenteuse de l’hyperglycémie du patient diabétique de type 2 publiée en 2019 a consacré un long paragraphe aux personnes âgées. Ce texte reprend, en les précisant, les termes du précédent document qui date de 2017.

Ce chapitre consacré aux personnes de plus de 75 ans est particulièrement important puisqu’en France, le quart des patients diabétiques de type 2 entre dans cette tranche d’âge. Pour cette population particulière, les complications du diabète s’intriquent avec des manifestations plus spécifiquement gériatriques comme les déficits cognitifs et la dénutrition qui participent à la fragilité. La prise en charge du diabète nécessite donc d’être bien adaptée à la personne afin d’améliorer les soins, d’éviter les complications, notamment hypoglycémiques, et de ne pas induire des coûts de santé injustifiés. Évaluation gérontologique L’utilisation de grilles validées permet d’intégrer de nombreux facteurs comme l’autonomie, les fonctions cognitives, l’état nutritionnel et les conditions de vie. L’évaluation gérontologique standardisée est plus fiable qu’une appréciation approximative et aboutit à la classification des patients diabétiques âgés en trois catégories, qui va orienter les objectifs glycémiques et le traitement de ces patients. • Les sujets âgés « en bonne santé » sont assimilables aux adultes plus jeunes. Ils sont autonomes mais peuvent présenter une pathologie associée si elle est bien traitée et contrôlée. • Les sujets âgés « fragiles » présentent plusieurs autres affections, des troubles nutritionnels ou un déficit cognitif. Ces personnes sont susceptibles de basculer dans la dernière catégorie à l’occasion d’une affection intercurrente. • Les sujets âgés « dépendants et/ou à la santé très altérée » sont souvent institutionnalisés et parfois en fin de vie. Complications spécifiques des personnes âgées Certaines manifestations plus spécifiques aux personnes âgées compliquent la prise en charge des patients diabétiques et altèrent leur qualité de vie. • Le déclin cognitif est souvent sous-estimé chez ces patients alors qu’il est plus fréquent en cas de diabète. Un dépistage systématique par la réalisation d’un test simple comme le Mini-Mental State Examination (MMSE) permettrait d’anticiper les difficultés en termes d’observance et le risque hypoglycémique. • Les syndromes dépressifs sont fréquents chez les personnes âgées diabétiques et la distinction avec une démence débutante peut être difficile. • Les épisodes de déshydratation ne sont pas rares et peuvent entraîner une insuffisance rénale aiguë fonctionnelle, notamment en cas de déséquilibre du diabète. • La dénutrition est particulièrement fréquente et nécessite d’être dépistée grâce à des critères simples recommandés par la HAS. • Les complications podologiques sont particulièrement redoutables chez les personnes âgées diabétiques avec une majoration du risque d’infection et d’amputation. • Les chutes, dont les causes sont multiples, peuvent avoir de graves conséquences. • Les hypoglycémies sont fréquentes et redoutables chez les patients diabétiques âgés. Elles résultent notamment de l’irrégularité de l’alimentation et de la prévalence élevée de l’insuffisance rénale qui majore la durée d’action de l’insuline et des sulfamides hypoglycémiants. Ces derniers peuvent être responsables d’accidents hypoglycémiques prolongés. Ce fait invite, lorsque cela est possible, à privilégier les médicaments antidiabétiques qui n’entraînent pas d’hypoglycémie. Objectifs glycémiques La définition des objectifs glycémiques chez les personnes âgées diabétiques doit éviter deux écueils. • Traiter excessivement un patient dont le pronostic ne dépend plus de l’évolution du diabète avec le risque hypoglycémique de certains médicaments : sulfamides, glinides et insuline. • Traiter insuffisamment les malades dont l’espérance de vie est importante et qui risquent de développer des complications, notamment microangiopathiques. L’étude observationnelle multicentrique française GERODIAB, menée chez des patients diabétiques de type 2 âgés en moyenne de 77 ans lors de l’inclusion, a montré que l’HbA1c est un marqueur prédictif indépendant du risque de mortalité à 5 ans chez ces patients. En conséquence, les objectifs glycémiques doivent être adaptés à la situation clinique de la personne : • Chez les sujets âgés « en bonne santé », les objectifs glycémiques sont identiques à ceux de l’ensemble de la population : HbA1c ≤ 7 %. • Chez les sujets âgés « fragiles », la valeur cible de l’HbA1c sera ≤ 8,5 % selon le degré de fragilité avec une borne inférieure de 7 % à ne pas dépasser si les patients sont traités par sulfamides, glinides ou insuline. • Chez les sujets âgés « dépendants et/ou à la santé très altérée », la valeur cible de l’HbA1c est fixée < 9 % et/ou avec des glycémies capillaires préprandiales comprises entre 1 et 2 g/l. Une borne inférieure doit également être respectée avec une d’HbA1c > 8 % et des glycémies capillaires préprandiales > 1,40 g/l chez les patients traités par sulfamides, glinides ou insuline. Cette notion nouvelle de limite inférieure se justifie dans la prévention du risque hypoglycémique d’autant qu’un grand nombre de patients âgés et fragiles sont traités de façon trop intensive. Mesures sociales et familiales La mise en place de mesures sociales et familiales adaptées est un objectif majeur de la prise en charge des patients âgés diabétiques. L’évaluation du degré d’autonomie, de la dénutrition et de l’état cognitif doit permettre d’adapter l’éducation thérapeutique aux possibilités du malade. L’implication des aidants et l’intervention d’une infirmière, lorsque cela est nécessaire, conditionne la qualité des soins. Les services d’aide au maintien à domicile (SSIAD), la livraison de repas, la télé-assistance et, dans les situations les plus sévères, l’hospitalisation à domicile (HAD), sont des outils disponibles pour améliorer la qualité de la prise en charge de ces patients fragiles. Particularités du traitement Les objectifs du traitement visent à parvenir aux objectifs glycémiques, à prendre en charge les complications et les pathologies associées en adaptant le traitement aux possibilités sociales et familiales. Moyens non médicamenteux Chez les sujets âgés, la question n’est plus de recommander un régime restrictif, mais de lutter contre la dénutrition et la sarcopénie. L’apport énergétique ne doit pas être < 1 500 kcal par jour avec un apport protéique d’au moins 1 g/kg/jour. L’activité physique nécessite d’être adaptée aux possibilités des patients. La marche régulière en constitue l’élément pivot, associée, quand cela est possible, à un entraînement en résistance. Stratégie thérapeutique avant l’insuline La stratégie thérapeutique doit être individualisée et adaptée aux patients. La metformine reste le médicament de première intention. En cas d’insuffisance rénale, la prescription de la metformine ne diffère pas en fonction de l’âge et la posologie nécessite d’être adaptée comme chez les sujets encore jeunes. En cas d’échec ou de contre-indication de la metformine, le choix se portera en priorité vers un iDPP4, en particulier chez un sujet fragile, à fort risque hypoglycémique ou aux antécedents cardiovasculaires. La prescription d’un sulfamide ou d’un glinide peut s’envisager chez des patients « en bonne santé » dont le risque hypoglycémique est modéré. Ce traitement nécessite la mise en place d’une autosurveillance glycémique. L’expérience des GLP-1 RA est limitée après 75 ans. Outre son efficacité sur l’équilibre glycémique, cette classe médicamenteuse a pour intérêt son action positive sur les complications cardiovasculaires et de ne pas entraîner d’hypoglycémie en l’absence d’association avec un sulfamide, un glinide ou de l’insuline. La perte de poids que les GLP-1 RA permettent d’obtenir n’est habituellement pas un objectif après 75 ans en raison du risque de dénutrition. Ces médicaments doivent être de préférence réservés aux patients âgés en « bonne santé » chez lesquels on recherche une protection cardio-rénale. Les résultats des études portant sur les iSGLT2 après 75 ans sont également limités et ces médicaments ne sont pas encore disponibles en France. En raison des effets secondaires possibles liés à la majoration de la diurèse et à l’hypovolémie, leur prescription doit être réservée aux patients âgés « en bonne santé􀀀» en vue d’une protection cardiorénale. Insulinothérapie Le traitement par insuline s’avère très souvent nécessaire chez les sujets âgés diabétiques, soit de façon temporaire à l’occasion d’un épisode aigu intercurrent, soit de manière définitive devant un déséquilibre chronique, en présence de signes d’insulinopénie ou en raison d’une insuffisance rénale sévère qui contre-indique la plupart des médicaments. Si cela est possible, la poursuite de la metformine est préférable lors du passage à l’insuline. Le choix initial du type d’insuline se porte, comme chez les plus jeunes, vers un analogue de l’insuline d’action prolongée, de préférence le matin. Cependant, l’insuline NPH est une alternative possible, notamment en cas de risque d’hypoglycémie nocturne chez des patients s’alimentant peu au dîner. Lorsque les patients sont autonomes, l’injection peut se faire le soir, ce qui permet de cibler l’hyperglycémie du matin et de minimiser le risque d’hypoglycémie de fin de journée. Une initiation et une titration prudente de l’insulinothérapie sont indispensables et doivent être associées à une automesure glycémique ainsi qu’à une éducation thérapeutique adaptée afin de limiter le risque d’hypoglycémie. L’idéal est que le sujet lui-même ou à défaut un membre de son entourage assure les injections d’insuline mais le recours temporaire ou définitif à une infirmière à domicile peut être envisagé, en gardant toutefois à l’esprit le surcoût que cela induit. Lorsque les objectifs ne sont pas atteints avec une injection d’insuline basale associée à la metformine, diverses stratégies d’intensification peuvent être utilisées. La plus simple consiste à introduire ou réintroduire un iDPP4 mais en cas d’échec, une intensification du schéma d’insulinothérapie doit être envisagée soit par l’ajout de 1 à 3 injections d’un analogue de l’insuline d’action rapide ou chez certains patients en optant pour 2 ou 3 injections d’insuline « premix ». Conclusion Cette actualisation de la prise de position de la SFD apporte des précisions utiles pour la prise en charge des patients diabétiques. Le nombre très important de ces personnes âgées ou très âgées ne peut qu’inciter les médecins concernés à prendre connaissance de ce texte, notamment en ce qui concerne la question des altérations cognitives, des objectifs glycémiques et de leurs bornes inférieures afin de limiter les risques d’hypoglycémie. Les auteurs déclarent avoir reçu des honoraires pour des interventions ponctuelles (essais cliniques, travaux scientifiques, activité de conseil, conférence ou colloque) de la part des entreprises AstraZeneca, Merck Sharp & Dohme, Novartis, Novo Nordisk, Pfizer, Sanofi, Eli Lilly, Vitalaire.

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