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Cardio-diabétologie

Publié le 25 oct 2020Lecture 9 min

Évaluation du LDL-cholestérol : la classique formule de Friedewald est-elle obsolète ?

Louis MONNIER*, Jean-Louis SCHLIENGER**, Claude COLETTE*, *Institut de recherche clinique, université de Montpellier, **Professeur émérite, faculté de médecine de Strasbourg

Le cholestérol plasmatique, par le biais de ses vecteurs lipoprotéiques (LDL, VLDL et HDL), est connu comme étant l’un des facteurs principaux des maladies cardiovasculaires(1).

Introduction et bases de l’équation de Friedewald Le cholestérol plasmatique, par le biais de ses vecteurs lipoprotéiques (LDL, VLDL et HDL), est connu comme étant l’un des facteurs principaux des maladies cardiovasculaires(1). Le LDL-Cholestérol (LDL-C) est la fraction la plus athérogène. Les VLDL sont le transporteur principal des triglycérides (TG), mais elles contiennent également du cholestérol (VLDL-Cholestérol, VLDLC) et on admet empiriquement que la quantité de cholestérol véhiculée par les VLDL est égale au 1/5e des TG contenus dans ces particules. Étant donné que chez un sujet à jeun les TG sont transportés de manière quasi exclusive par les VLDL, on peut calculer le VLDL-C en divisant le taux total des TG plasmatiques par 5. En ce qui concerne le HDLCholestérol (HDL-C) il est considéré comme non athérogène. En résumé, il apparaît que le cholestérol total est égal à la somme LDL-C + VLDL-C + HDLC. En tenant compte de toutes ces données, le LDL-C (fraction la plus athérogène) peut être calculé par l’équation suivante bien connue depuis 1972 sous le nom de formule de Friedewald(2) : LDLC = cholestérol total − HDL-C − TG/5. Le dosage des 3 composantes situées dans la partie droite de l’équation faisant partie des analyses biologiques de routine pratiquées par tous les laboratoires, c’est grâce à cette formule de Friedewald que depuis plusieurs décennies on estime le niveau du LDL-C plasmatique. Ce dernier est ensuite utilisé par les professionnels de santé pour déterminer le risque de complications vasculaires et pour évaluer l’efficacité des traitements hypocholestérolémiants(1). En général, on considère que le taux « idéal » de LDL-C devrait se situer aux alentours de 1 g/l (100 mg/dl), ce qui correspond à un niveau de cholestérol total égal à 1,5 g/l (150 mg/dl). L’équation de Friedewald(2) permet de contourner les difficultés liées à la mesure du LDL-C par la méthode de référence, l’ultracentrifugation préparative, dont la mise en oeuvre requiert beaucoup de temps et un matériel spécifique coûteux. Ainsi, durée et coût sont les 2 facteurs limitants pour que cette technique puisse servir en médecine quotidienne. Pourquoi l’équation de Friedewald est-elle contestée ? Bien que les utilisateurs de cette équation aient été dans l’ensemble satisfaits des données fournies par l’équation de Friedewald, on sait depuis le départ que les résultats restent approximatifs. Tout d’abord, cette équation n’est plus applicable quand les TG plasmatiques dépassent une limite supérieure fixée à 3 g/l (300 mg/dl), voire à 2 g/l (200 mg/dl). Au-delà de ces 2 limites, le taux réel des VLDLC (partie critique de la formule) ne peut être déterminé de manière fiable en utilisant la formule de Friedewald, c’est-à-dire par l’estimation : VLDL-C = TG plasmatiques/5. La figure 1 démontre clairement cette imprécision. En effet, en établissant la relation entre VLDL-C mesuré par ultracentrifugation (axe des abscisses) et VLDL-C calculé par la formule de Friedewald (axe des ordonnées), Sampson et coll.(3) observent que les points expérimentaux sont très dispersés autour de la droite de corrélation. Par ailleurs, cette dispersion ne cesse de s’accroître quand le taux du VLDL-C, c’est-à-dire des TG, augmente. Ainsi, pour un taux calculé de VLDL-C à 2 g/l (soit 200 mg/dl sur l’axe vertical) par la formule de Friedewald le taux réel du VLDL-C mesuré par ultracentrifugation (axe horizontal) peut aller de 0,5 à 3 g/l (50 à 300 mg/dl) (figure 1). Si on se situe à un taux calculé de VLDLC à 4 g/l (400 mg/dl sur l’axe vertical), l’incertitude sur le taux réel (axe horizontal) est comprise entre 1 et 6 g/l (100 à 600 mg/dl). Il est à noter que 2 et 4 g/l de VLDL-C correspondent respectivement à 10 et 20 g/l de TG) puisque le VLDL-C est égal à TG/5. Figure 1. Relation entre le VLDL-C mesuré par ultracentrifugation (x) et le VLDL-C calculé par la formule de Friedewald (y, TG/5). Les limites de l’imprécision sur les valeurs mesurées du VLDL-C qui correspondent aux valeurs calculées par la formule de Friedewald (200 et 400 mg/dl) sont indiquées par les verticales en traits pointillés rouges. La droite oblique en trait pointillé noir est la bissectrice des axes. La droite en trait plein noir est la droite de corrélation entre x et y. Peut-on corriger les imprécisions de l’équation de Friedewald ? Pour tenter de remédier aux inconvénients que nous venons de décrire, Sampson et coll.(3) proposent une nouvelle formule pour calculer le taux de LDL-C. Au premier coup d’oeil et quand elle est analysée de manière rapide, cette équation semble totalement ésotérique : LDL-C = TG/0,943 − HDLC/ 0,971 − (TG/8,56 + TG × non HDL-C/2 140 − TG2/16 100) − 9,44. La partie entre parenthèses est censée représenter le VLDL-C. Le numérateur de la 2e fraction (TG × non-HDL-C) située dans la parenthèse est, aux dires des auteurs, un terme qui tiendrait compte de l’interaction entre TG et HDL-C, car on sait que le HDL-C diminue mécaniquement et presque obligatoirement quand les TG augmentent. En ce qui concerne le numérateur (TG2) de la 3e fraction de la parenthèse, il devrait être considéré, d’après les auteurs, comme un « facteur de correction », de quoi ? Nul ne le sait ! En appliquant leur nouvelle équation, Sampson et coll.(3) trouvent une corrélation entre VLDL-C calculé et mesuré nettement meilleure qu’avec la formule de Friedewald (figure 2). Les points expérimentaux sont beaucoup moins dispersés autour de la droite de corrélation qui est légèrement plus proche de la bissectrice (pente = 0,941) qu’avec l’équation de Friedewald (pente = 1,101). L’une des différences supplémentaires se situe dans les coefficients de détermination : r2 = 0,9385 avec la nouvelle équation vs 0,8341 avec l’ancienne. Il convient de rappeler que r2 exprime le pourcentage de variabilité de la variable Y qui est attribuable à la variable X. Dans le cas présent, et pour la nouvelle équation, ceci signifie que 94 % du taux du VLDL-C calculé par l’équation est expliqué par le VLDL-C réel, les 6 % restants étant sous la dépendance d’autres facteurs. Parmi eux, on pourrait retenir les fractions du cholestérol portées par les chylomicrons ou par les IDL (lipoprotéines de densité intermédiaire). Les premières transportent le cholestérol alimentaire qui a traversé la barrière intestinale, les secondes proviennent de la métabolisation des VLDL. En principe, le taux de ces 2 fractions de lipoprotéines et, par voie de conséquence, leur impact sur le taux du cholestérol ne devient significatif que dans certaines formes relativement rares d’hyperlipidémies : les hypertriglycéridémies exogènes (hyperlipoprotéinémies de type I) ou les hyperlipoprotéinémies de type III avec augmentation des IDL. Dans ces conditions, les interférences liées à ces fractions lipoprotéiques ne sont que des causes d’erreur exceptionnelles dans le calcul du LDL-C grâce à l’équation de Friedewald. Ces erreurs sont, semble-t-il, corrigées au moins partiellement par la nouvelle formule. Il n’en reste pas moins qu’un examen attentif de la figure 2 montre que, à l’instar de ce qui est observé pour la formule de Friedewald, un taux réel de VLDL-C = 0 peut correspondre de manière surprenante à une valeur calculée comprise entre 0 et 1 g/l (100 mg/dl). De toute manière, il est permis de se poser la question de savoir pourquoi et comment le VLDLC serait absent chez certaines personnes. Ceci soulève le problème de la validité de la méthode dite de référence, l’ultracentrifugation, chez certains sujets. Dans certaines situations les résultats donnés par l’équation de Friedewald peuvent même devenir absurdes, car le calcul conduit à des taux de LDL-C qui sont négatifs. Figure 2. Relation entre le VLDL-C mesuré par ultracentrifugation (x) et le VLDL-C calculé par la formule de Sampson et coll. (y). La droite oblique en trait pointillé noir est la bissectrice des axes. La droite en trait plein noir est la droite de corrélation entre x et y. L’exemple suivant permet de le démontrer. Prenons le cas d’un sujet pour lequel le profil lipidique serait le suivant ; TG à 2,5 g/l, HDL-C à 0,50 g/l et cholestérol total à 0,80 g/l. L’application de la formule de Friedewald conduirait à un taux de LDL-C de –0,20 g/l. En d’autres termes, la plupart des sujets ayant un taux de cholestérol total faible avec un HDL-C normal ou élevé et des TG > 2,50 g/l ont de fortes chances d’avoir un LDL-C calculé négatif. Ce cas n’est pas très fréquent, car un sujet qui a des TG augmentés a en général un HDLC diminué et un taux de cholestérol total > 1,5 g/l. Toutefois, cette situation est loin d’être rare comme cela a été démontré par Sampson et coll.(3). Un nombre non négligeable de sujets ont un taux de LDL-C calculé négatif avec la formule de Friedewald quand le taux du LDL-C mesuré par ultacentrifugation est < 1 g/l (100 mg/dl) (figure 3). Figure 3. Relation entre le LDL-C mesuré par ultracentrifugation (x) et le LDL-C calculé par la formule de Friedewald (y, cholestérol total-[TG/5] - HDL-C). La droite oblique en trait pointillé noir est la bissectrice des axes. La droite en trait plein noir est la droite de corrélation entre x et y. La verticale en trait pointillé rouge correspond à un taux de LDLC < 1 g/l, soit 100 mg/dl. En dessous de ce taux, il est possible de trouver un LDL-C négatif avec la formule de Friedewald surtout lorsque les TG sont augmentés. Autres questions soulevées par l’évaluation du LDL-C quelle que soit l’équation utilisée Elles sont évoquées dans l’éditorial rédigé par William Virgil Brown(4) en accompagnement de l’article de Sampson et coll.(3). En particulier, plutôt que de calculer le taux de LDL-C pour évaluer le risque cardiovasculaire, et par-delà pour initier un traitement hypocholestérolémiant, ne serait-il pas préférable d’utiliser d’autres marqueurs tels que le non-HDL-C ou le dosage des apoprotéines B (apo B). Le non- HDL-C peut être facilement calculé en soustrayant le HDL-C du cholestérol total, deux paramètres biologiques qui sont aisément dosés dans tous les laboratoires. Le dosage de l’apo B a, lui, l’avantage de fournir une estimation des lipoprotéines athérogènes puisque cette apoprotéine est celle qui entre dans la constitution des particules de LDL et de VLDL connues pour leur rôle athérogène. Par ailleurs, même si la formule de Friedewald n’est pas applicable lorsque les TG plasmatiques sont > 3 g/l (300 mg/dl), faut-il réellement se préoccuper en priorité du LDL-C tant que les TG plasmatiques sont ou restent élevés ? En présence d’une hypertriglycéridémie ou d’une dyslipidémie de type mixte avec augmentation parallèle des TG et du cholestérol, la première mesure n’est-elle pas de traiter l’hypertriglycéridémie pour ramener les taux des TG plasmatiques en dessous de 1,5 g/l ? Étant donné que ces deux variétés de dyslipidémie font le plus souvent partie d’un syndrome plurimétabolique ou d’un état diabétique et sont fréquemment associées à une consommation abusive de boissons alcoolisées ou sucrées et de sucres raffinés, les premières mesures ne sont-elles pas diététiques pour combattre la surcharge pondérale et/ou médicamenteuse avec des médications antidiabétiques pour réduire les désordres glycémiques ? Les nutritionnistes et les diabétologues savent depuis longtemps par expérience que ces mesures sont plus efficaces que les traitements pharmacologiques hypolipémiants (fibrates et dérivés de l’acide nicotinique) pour réduire ou faire disparaître une hypertriglycéridémie qui est en général diéto- et/ou diabéto-dépendante et sensible. Ainsi, c’est lorsque l’hypertriglycéridémie a été traitée et réduite que les équations, quelle que soit leur nature, permettent d’évaluer le LDL-C et deviennent utiles pour savoir s’il persiste une hypercholestérolémie résiduelle et pour initier éventuellement un traitement pharmacologique spécifique complémentaire avec un hypocholestérolémiant, en général une statine. Conclusion Dans ces conditions, notre conclusion sera que l’évaluation du LDL-C n’a pas besoin d’une formule complexe. Celle de Friedewald, qui a été largement utilisée pendant plus de 40 ans, reste largement suffisante en routine clinique. Les équations plus ou moins ésotériques ne présentent aucun intérêt particulier si ce n’est de rendre compliqué ce qui, normalement, devrait rester relativement simple. Comme l’évoque Brown dans son éditorial, les laboratoires biologiques adopteront-ils ou non cette nouvelle formule pour la routine clinique ? Personnellement, non seulement nous en doutons, mais de surcroît nous conclurons notre commentaire sur la formule de Sampson(3) par une autre formule : « absurditas ad infinitum ».

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