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Enfant-Adolescent

Publié le 05 avr 2023Lecture 21 min

La transition pédiatre-adulte dans le diabète de type 1

Élisabeth BONNEMAISON(1), CHU de Tours et Bruno GUERCI(2), Hôpital de Brabois, Vandœuvre-lès-Nancy*

Comme dans toute maladie chronique, le passage du suivi de l’équipe pédiatrique à l’équipe adulte que l’on appelle la transition, pose bien souvent problème pour tous les intervenants : l’adolescent, sa famille, l’équipe pédiatrique et l’équipe adulte. Parler de transition, c’est parler avant tout d’un processus long qui comprend plusieurs étapes :
– la préparation à la transition ;
– le « passage » et ses changements ;
– et l’adoption de cette nouvelle équipe de diabétologie adulte par le jeune.

Au-delà de la satisfaction du patient sur le vécu de son « passage » et son suivi en diabétologie adulte, le critère le plus important retenu par un consensus d’experts internationaux est l’absence de perdus de vue de patients lors de la transition(1). En effet, dans le diabète de type 1, cette période est malheureusement bien souvent marquée par une dégradation de l’équilibre métabolique qui, associée à une rupture de soins, sera à haut risque d’accentuation d’accident métabolique aigu, d’augmentation des complications dégénératives, d’une moins bonne qualité de vie et intégration sociale. Tout cela à un âge charnière de la vie personnelle et professionnelle du patient où les enjeux sont majeurs. Sachant qu’on observe une rupture de soins dans 10 à 40 % des « passages » faits sans procédure particulière d’organisation(2), chaque étape de la transition devrait donc être préparée, organisée et accompagnée avec soin. Seul un travail en collaboration étroite, à chacune de ces étapes, entre les deux équipes de diabétologie pédiatrie et adulte garantira la réussite de ce processus.   Connaître et reconnaître les difficultés au bon déroulement de la transition   Les freins au bon déroulement de la transition sont reconnus comme étant principalement de deux ordres(3), liés au patient lui-même et liés à l’organisation des soins. Les difficultés liées au patient sont nombreuses. Elles sont liées au contexte psychologique de l’adolescent, à sa maturité, à son lien familial, son entourage, à son projet d’avenir ou pas… Autant d’éléments qui doivent être posés, analysés et travaillés bien en amont du moment du « grand passage ». Chaque enfant-adolescent-jeune adulte est unique avec ses besoins propres en fonction de son histoire, de sa situation actuelle et de l’avenir dans lequel il se projette. La transition proposée devra être personnalisée au patient. Les difficultés liées à l’organisation des soins et au passage lui-même sont bien souvent les plus importantes pour les services actuellement en manque de ressources humaines dédiées et de temps. En effet, le travail d’organisation de la transition est un travail de collaboration entre les équipes pédiatriques et les équipes adultes, ce qui demande beaucoup de disponibilité. L’organisation de la transition dépendra de nombreux facteurs (lieux géographiques communs des équipes ou pas, disponibilité des uns et des autres à l’organisation de consultations communes ou pas, compétences et utilisation des technologies des uns et des autres…). Il est illusoire de vouloir établir des règles standardisées de transition et de conseiller un parcours de soins qui serait valable pour toutes les équipes. De plus, une transition de qualité sera une transition flexible dont le parcours de soins pourra s’adapter aux besoins de nos patients et de leur famille. Cette flexibilité dans notre organisation des soins au sein des services hospitaliers est bien souvent un véritable challenge supplémentaire pour les équipes.   Les changements de traitement juste avant ou juste après la transition sont déconseillés   Cependant, un changement thérapeutique, s’il est travaillé conjointement avec les équipes pédiatriques et adultes au moment de la transition, peut valoriser cette transition. L’arrivée des nouvelles technologies comme les boucles fermées peut être un beau passage de flambeau. L’équipe pédiatrique prépare ainsi les prérequis au cours de la préparation à la transition, le système est ensuite activé après le passage chez les adultes. Le lien se fait naturellement. Comme le rappelle l’ISPAD (International Society for Pediatric and Adolescent Diabetes) dans ses recommandations dans le diabète de l’adolescent(4) : la nature profonde de l’adolescent et sa progression vers l’âge adulte ne changent pas. Les thèmes comme les changements physiologiques de la puberté, les comportements à risques, les problèmes d’observance restent constants. L’arrivée des nouvelles technologies dans la gestion du diabète, la manière dont les adolescents les utilisent, leur capacité plus importante de changer de région, voire de pays, sont des éléments qui doivent être pris en compte pour établir de nouveaux modèles de transition, plus efficaces et plus adaptés à ce qu’ils sont.   Des recommandations scientifiques sur la transition ?   Il n’y a malheureusement que peu de données probantes dans les études en lien avec la transition. Il s’agit avant tout de constats plus que de propositions concrètes ou de programmes dédiés à la transition ou validés par des études. De nombreux articles insistent sur l’importance d’une organisation conjointe des soins entre les deux équipes. L’équipe de J. Lyengar de l’université du Michigan en 2019, insiste sur l’importance d’établir une relation forte avec l’équipe adulte afin d’éviter les perdus de vue et rappelle que l’évolution de l’HbA1c n’est pas un critère de jugement d’une bonne transition(5). L’offre de soins doit être de qualité et donc pluridisciplinaire. Au-delà de la seule gestion du diabète, l’intervention d’un éducateur, d’une assistante sociale, d’un psychologue sera un élément fort qui permettra de prendre en charge le jeune adulte dans son ensemble et saura l’accompagner et l’épauler si besoin. L’accroche à cette nouvelle équipe sera ainsi renforcée et de bonne qualité. Beaucoup d’équipes promeuvent l’utilisation d’une base de données commune pour améliorer la qualité de la transition. Sachant que plus de 90 % de nos patients sont porteurs d’une mesure du glucose en continu et plus de 60 % des enfants sous pompe, il semble logique en 2022 que les équipes pédiatriques et adultes partagent leurs téléchargements voire leurs logiciels de suivi de patient au moment de la transition. Ces outils numériques facilitent le lien. Enfin, les recommandations de l’ISPAD de 2018, soulignent qu’aucun âge idéal n’est défini pour la transition, mais que le suivi, quel que soit cet âge doit être rapproché, idéalement tous les 3 mois(4). L’ISPAD recommande également l’élaboration de documents écrits de transition qui feront le lien entre les équipes et limiteront le risque de perdus de vue. Elle encourage également le déploiement d’un soignant pivot en charge de la coordination et de la surveillance du suivi à long terme chez les adultes. À ce titre, la création et le financement de l’UTEP Transition, unité dédiée à la transition au CHRI de Montpellier, sont un bel exemple de programme de transition. L’équipe pédagogique établit le lien entre les services de pédiatrie et ceux pour adultes, assure un accompagnement personnalisé de chaque adolescent et sa famille en prenant en compte leurs besoins durant toute la période de la transition. Cette unité propose un programme d’éducation thérapeutique (ETP) composé de différents ateliers qui ont pour but d’encourager et d’accompagner le processus d’autonomisation, d’aider et soutenir l’adolescent et ses parents dans leurs nouveaux rôles respectifs, et d’aborder le moment du transfert en toute sérénité (https://www.chu-montpellier.fr/fileadmin/medias/Publications/tripli-utep-transition-adoadulte.pdf).    Quand parler de la transition ? Quand faire la transition ?   La transition devrait être évoquée dès la découverte du diabète. Elle doit être expliquée dès la fin du collège et commencée dans le suivi du patient dès son entrée au lycée avec idéalement des consultations dédiées l’année précédant la transition. Cette anticipation permettra de garder une flexibilité naturelle de l’âge de transition. Actuellement, l’âge de transition se situe entre 19,5 et 20,1 ans, et 80 % des jeunes arrivent dans les services adultes avant 21 ans(6). Mais, plutôt que l’âge, il est plus pertinent de programmer une date de transition en lien avec un événement de vie qui valorisera ce passage(3). Attendre le « passage » du BAC et l’entrée dans les études supérieures est habituellement l’élément favorisant qui a aussi le mérite d’éviter un deuxième changement d’équipe s’il y a un déménagement pour les études supérieures. Dans tous les cas, il vaut mieux éviter un « passage » aux équipes adultes dans une période d’instabilité métabolique et/ou clinique importante, qui risque d’être vécu comme un abandon. Pour les adolescents déséquilibrés et en grande difficulté, il faudra d’autant plus travailler ce « passage » sur le plus long terme, afin de limiter la survenue d’accidents métaboliques aigus, et donc d’hospitalisation en urgence qui entérine ainsi la transition en structure adultes de manière brutale compte tenu de l’âge du patient.   Préparation : le socle d’une bonne transition   C’est essentiellement le rôle du pédiatre et le travail est énorme. La préparation doit être personnalisée et se faire au rythme du patient. Elle doit permettre de reprendre les connaissances et les « croyances » du jeune sur son diabète : la physiopathologie de la maladie, le risque des hypoglycémies, des hyperglycémies, les métiers et le diabète, la grossesse, les enfants, la consommation d’alcool et de drogues, etc. Les diagnostics de diabète s’observent chez des enfants de plus en plus jeunes, et il n’est pas rare que certains de ces éléments expliqués aux parents à la « découverte » du diabète ne soient plus repris par la suite avec l’enfant au cours de son évolution. Elle doit permettre de travailler de façon plus ciblée les compétences et l’autonomie dans la gestion du diabète : l’autogestion du diabète au quotidien, la connaissance et la gestion des médicaments et consommables nécessaires aux soins, la gestion des rendez-vous, savoir à qui et comment demander de l’aide si besoin, les démarches administratives en lien avec le diabète. Pour cela, la « bonne » place des parents est indispensable. La transition se travaille aussi avec eux. Ils doivent apprendre à lâcher prise, mais sans être démissionnaires pour autant. L’organisation de consultations supplémentaires de préparation à la transition sans la présence des parents peut être un bon moyen de redonner la parole au jeune, de le laisser exprimer ses interrogations et ses besoins dans des domaines intimes comme la sexualité, l’alcool, les drogues, de reprendre la base de la connaissance du diabète sans peur de montrer son ignorance ou manque de connaissance. Ce travail de préparation à la transition peut être repris sur un document de suivi spécifique : le passeport de transition utilisé par l’équipe de Lausanne semble un outil pertinent(7). Il permet de faire le lien avec l’équipe adulte tant sur le timing que sur les sujets repris avec l’adolescent. L’équipe adulte pourra ainsi s’appuyer sur des connaissances qu’elle sait solides chez ce patient et poursuivre le travail de renforcement nécessaire sur d’autres éléments. Il permet de garder un discours commun entre les équipes, gage d’adhésion du patient au changement d’équipe. Enfin, le travail de préparation à la transition doit permettre au jeune de se projeter positivement dans le suivi en diabétologie adulte. La proposition de l’équipe adulte et du diabétologue adulte doit être positive. Il faudra savoir présenter l’organisation de l’équipe, les intervenants et leurs compétences. L’élaboration d’outils aura une valeur forte : une plaquette sur la transition (le déroulé, les intervenants, les numéros de téléphone ou adresses mail des contacts des deux équipes) peut être un outil facilitant et rassurant pour le jeune adulte et sa famille. Des outils de présentation de l’équipe avec photos à l’appui sont faciles à élaborer et sont précieux pour ces jeunes adultes afin de se projeter vers une nouvelle équipe de suivi. Le choix de la date de transition doit se faire conjointement avec le patient, sa famille et les deux équipes dans une période de disponibilité intellectuelle pour tous. Enfin, afin de rassurer le patient, la première consultation dans le service adulte est mieux vécue si un soignant dédié à la transition ou un membre de l’équipe pédiatrique (médecin ou infirmier d’éducation) est accompagnant(8).   Transition : savoir créer son parcours de soins et imaginer des solutions pour l’avenir   La transition va dépendre de nombreux facteurs organisationnels comme la distance géographique des équipes (situation dans le même hôpital ou l’inverse sur des sites différents), la composition des équipes, leur disponibilité pour organiser des consultations communes ou pas. Le « passage » à des interlocuteurs adultes multiples (centre hospitalier, diabétologues adultes libéraux) complexifie les choses pour les équipes pédiatriques, mais ce sont des situations de plus en plus fréquentes. Il est par conséquent difficile de conseiller un parcours de soins « type/standard » ou une organisation spécifique pour la transition. Les recommandations principales que l’on peut donner sont les suivantes : – effectuer un travail en collaboration entre les équipes pédiatriques et d’adulte (organisation de la consultation de transition, réunions de présentation en amont des jeunes adultes à l’équipe adulte, élaborer des outils facilitants…) ; – écrire un courrier récapitulatif de l’histoire du patient ; – élaborer un passeport de transition précisant les connaissances du patient ; – échanger la base de données en lien avec le patient ; – surveiller le bon déroulé du suivi pendant au moins 2 ans après la transition. Le plus important est de construire le parcours sans jamais oublier que le risque majeur est représenté par les perdus de vue au cours de la transition et dans les années qui suivent. Il suffit pour cela d’un rendez-vous loupé, y compris à plus d’un an du début de la transition. Il est donc indispensable de pouvoir vérifier le suivi de ces jeunes adultes pendant plusieurs années après la transition avec si possible un dispositif d’alerte en cas de rendez-vous anormalement espacés, annulés ou décalés. Pour les patients bénéficiant d’un traitement par pompe à insuline, le prestataire de santé est un partenaire sentinelle essentiel qui pourra avertir les services de soins de la rupture de suivi. Grâce à l’élaboration de programmes très structurés de transition dans les maladies chroniques, certaines équipes comme celle du CHU de Montpellier ont pu bénéficier d’un personnel dédié par un financement ARS (Agence régionale de santé). Nous reconnaissons tous la spécificité de la prise en charge des adolescents-jeunes adultes et avons conscience que cette période de transition, qui se fait majoritairement avant 20 ans, est très souvent inadaptée. La solution serait, comme cela se fait parfois en psychiatrie et en cancérologie, une structure de soins spécifique aux 15-25 ans, ce que les Anglo-Saxons nomment les « Young Adult Diabetes (transition) Clinics ». Cette structure proposerait à ces jeunes patients atteints de diabète de type 1 un suivi et une offre de soins plus adaptés, plus performants, davantage axés sur l’ambulatoire, les téléconsultations et la technologie pour laquelle ils ont une appétence naturelle. Une équipe composée de multiples intervenants dédiés (médecin adulte, pédiatre, infirmières d’éducation, diététiciennes, assistante sociale, éducateur, psychologue, coach sportif…) répondrait à des problématiques spécifiques liées à leur entrée dans le monde adulte, et permettrait de décaler l’âge de la transition vers des services de médecine adulte à une période de plus grande maturité, de plus grande autonomie et sans doute de plus grande stabilité professionnelle et personnelle.   En pratique, l’accrochage ou l’adoption de l’équipe adulte   Un certain nombre de protocoles de transition ont été testés et évalués. Ils ont hélas le plus souvent un faible niveau de preuve, en partie du fait de critères variables d’évaluation et d’hétérogénéité des groupes étudiés. Il est à noter également que rares sont les études qui ont un recul supérieur à 2 ans, alors même que la période de transition s’étale sur des périodes parfois beaucoup plus longues. Ce qu’il faut avant tout retenir, et qui s’oppose aux habituelles évaluations faites au cours du diabète, est que l’évolution positive ou négative de l’HbA1c ne constitue pas nécessairement un critère de succès ou d’échec de la transition.   Résultats des études rétrospectives et observationnelles Ainsi, dans une étude conduite auprès de 185 adolescents atteints de diabète de type 1 et âgés de plus de 18 ans, seuls 57 % des participants avaient fait leur transition de manière spontanée vers des prestataires de santé engagés pour le suivi des patients diabétiques adultes. L’âge médian estimé de la transition des soins était alors de 20,1 ans dans cette étude. Un âge avancé, un taux d’HbA1c initial plus faible, ainsi qu’un niveau d’éducation parental moins élevé étaient indépendamment associés à une probabilité accrue de réaliser une transition vers le monde adulte. En revanche, cette transition était associée à une probabilité 2,5 fois plus élevée de mauvais contrôle glycémique. Ces données suggèrent donc que ces jeunes adultes auraient eu un réel besoin d’un soutien supplémentaire à l’occasion de cette période jugée difficile par les patients eux-mêmes(6). Une synthèse des études observationnelles de protocole de transition a été publiée en 2014(9). Elle confirme que, sur 8 études conduites chez des jeunes âgés de 17 à 21 ans (33 à 229 participants selon les études), la majorité des essais souffrent de graves défauts méthodologiques, mais aussi que 50 % d’entre eux sont négatifs, ce qui sous-entend que les programmes de transition mis en place à cette occasion se sont révélés inefficaces sur un certain nombre de critères de jugement tels que l’amélioration de l’équilibre glycémique. Cet article souligne bien les lacunes qui devraient être prises en compte dans les futures études et protocoles de transition dont l’objectif est de faciliter et d’améliorer les soins pour ces « nouveaux adultes » atteints du DT1. En bref, trop peu d’études méthodologiquement solides sont disponibles pour guider les cliniciens lors de la transition entre les soins pédiatriques et les soins aux adultes. Une approche complémentaire consiste à évaluer le suivi des complications après la transition ainsi que l’accès au plateau technique permettant de faire un bilan de dépistage et d’évaluer la stabilité ou au contraire l’aggravation de la situation clinique du patient. Ainsi, une étude canadienne n’a pas montré de différence dans le suivi ophtalmologique (même fréquence de réalisation des examens de dépistage)(10). Une seconde étude suédoise a, quant à elle, évalué la prévalence de la rétinopathie après transition entre le site pédiatrique et le site adulte, observant une augmentation de cette prévalence de 4,8 % à l’âge de 18 ans à 28,8 % à l’âge de 24 ans (mais sans ajustement sur d’autres paramètres cliniques et/ou biologiques tels que la durée du diabète, le taux d’HbA1c, etc.[11]). Dans cette étude rétrospective conduite auprès de 104 adultes âgés de 18 à 24 ans, moins de 10 % avaient une HbA1c dans les objectifs recommandés durant la période de transition réalisée à un âge moyen de 19,8 années. En revanche, et c’est un point important, le taux d’hospitalisation lié au diabète (hypoglycémie sévère et/ou acidocétose) est resté stable ente la période de suivi en hôpital pédiatrique et celle en structure adultes au cours de ces deux études. Une étude rétrospective menée sur 3 ans a eu pour objectif d’évaluer l’efficacité d’une clinique des jeunes adultes (YAC pour Young Adult Clinic) en période de transition(12). Ceci consistait en un accompagnement personnalisé, un médecin référent, 2 infirmières et 2 diététiciennes dédiées, la programmation de visites tous les 3 mois, ainsi que des contacts SMS et téléphoniques si besoin. Le critère d’évaluation principal était le taux d’HbA1c chez des patients DT1 (âgés de 15-25 ans) dans le groupe expérimental vs groupe contrôle en comparaison « indirecte » de suivi dans un centre médical conventionnel d’endocrinologie (CMC) ; 96 patients ont été vus dans le YAC, contre 153 patients dans le CMC. S’il n’existait pas de différence d’HbA1c au début du suivi (YAC : 9,0 ± 2,3 % contre 8,8 ± 2,3 %), le taux d’HbA1c n’a pas non plus changé au fil du temps dans les deux modes de suivi clinique (taux moyen d’HbA1c à 3 ans : 8,6 ± 2,1 % dans la YAC contre 8,4 ± 2,3 % dans le CMC). Seul le groupe de patients correspondant au tertile initial le plus élevé d’HbA1c a connu une baisse plus importante de l’HbA1c dans le YAC, par rapport au CMC. Est-ce à penser que ces structures spécifiques de prise en charge adaptées au plus près de la pathologie du jeune adulte, et de ses spécificités psycho-comportementales, ne sont efficaces que pour les cas les plus difficiles. Seule une étude spécifique, tenant compte de ces paramètres pourrait y répondre. De toutes ces données, en définitive assez limitées en nombre et critiquées sur le plan méthodologique, ont émergé de réels programmes de transition conduits et analysés de manière prospective.   Apport des programmes construits et évalués de transition : résultats des études prospectives, voire randomisées Un premier programme de coordination de transition et d’éducation a vu le jour dans les années 2000, avec pour objectifs principaux d’améliorer l’équilibre glycémique et aussi de réduire le risque d’acidocétose diabétique. Globalement, le programme reposait sur un système de rappel pour confirmer les rendez-vous et/ou replanifier des rendez-vous manqués, avec l’aide d’un service d’assistance téléphonique pour la gestion des jours de maladie des patients. L’objectif était de maintenir au minimum une fréquence de suivi de 2 visites/an en médecine adulte(13). Au total, 191 jeunes adultes diabétiques âgés de 15 à 25 ans (âge moyen : 18,9 ± 2,53 ans) étaient inscrits à ce programme et avaient assisté à au moins un rendez-vous dans le centre adulte spécialisé (Young Adult Center, YAC). Sur les 191 jeunes adultes qui ont fréquenté la clinique, 162 ont maintenu leur prise en charge, 19 ont été orientés vers d’autres services en raison d’un changement d’adresse ou d’un âge supérieur à 25 ans et 10 ont été perdus de vue (soit 5 % de la population initiale). Le taux moyen d’HbA1c lors de la première consultation était de 9,3 ± 2,17 %. Chez les 161 patients qui avaient assisté à au moins deux rendez-vous dans la YAC (avec une médiane de 5 visites de suivi), on notait une réduction significative de l’HbA1c à 8,8 ± 1,9 %. Les améliorations les plus importantes ont été observées chez les patients dont le taux d’HbA1c initial était supérieur à 11 % (-2,5 ± 2,3 %, p < 0,001). Sur une période de suivi de 3,5 ans, une réduction statistiquement significative d’un tiers des taux d’admission pour acidocétose a également été rapportée, ainsi qu’une réduction significative de la durée de séjour des réadmissions de 3,6 jours. Enfin, les auteurs concluent que les économies réalisées grâce à la réduction des admissions hospitalières ont couvert les coûts de développement du programme et des ressources humaines et techniques engagées. Un second programme original a été développé sous le nom de « The MAESTRO Project »(14). Le système Maestro avait comme objectif le maintien d’un suivi régulier en s’appuyant sur des contacts téléphoniques et informatiques auprès les jeunes adultes afin d’apporter un soutien et d’aider à identifier les obstacles à l’accès aux services de santé. Plusieurs prestations de services ont été développées, notamment un site Web (www.maestroproject.com), un bulletin d’information bimensuel, un groupe d’accueil mensuel se définissant comme « décontracté » pour des échanges soignants-soignés en soirée, ainsi que des événements éducatifs. Les objectifs étaient d’augmenter le taux de suivi médical et d’entretien éducatif de ces jeunes adultes atteints de diabète de type 1 et de réduire la morbimortalité par complications liées au diabète. Deux cohortes de participants ont été suivies : 1) groupe de sujets jeunes (de 18 ans, n = 82) qui a bénéficié de l’aide du système dès la prise ne charge en soins pédiatriques ; 2) groupe de sujets plus âgés (de 19 à 25 ans) qui a été transféré en structure de soins adultes sans ce soutien initial, mais qui s’est ensuite inscrit au programme. Pour le groupe plus âgé n’ayant pas eu accès au système initial d’accompagnement, on note 40 % d’abandons des soins médicaux en structure d’hôpital d’adultes, contre seulement 11 % pour le groupe le plus jeune. Le modèle global d’accompagnement a aidé le groupe le plus âgé à se reconnecter avec les services médicaux et a participé pour le groupe plus jeune à réduire son taux de décrochage la première année après le transfert des soins pédiatriques aux soins adultes. En revanche, si la surveillance médicale s’est améliorée, la preuve n’est pas apportée que les résultats médicaux à court terme se soient réellement améliorés. En effet, le groupe le plus jeune n’a signalé aucune complication à long terme, alors que pour le groupe plus âgé 38 % de cas de fausses couches/avortements spontanés ont été rapportés. Pour l’acidocétose, il y a eu 3,0 cas pour 100 patients-années (PA) dans le groupe plus âgé contre 7,9 cas/100 PA dans le groupe plus jeune (NS). En ce qui concerne l’hypoglycémie sévère, il y avait 2,4 cas/100 PA dans le groupe le plus âgé contre 4,7 cas/100 PA dans le groupe le plus jeune (NS). Finalement, il n’existe dans la littérature que 2 études réellement bien conduites sur des programmes de transition, avec une réelle randomisation et la notion de groupes équilibrés et comparables. La première est une étude randomisée en ouvert d’un programme de transition (TrACed)(15). Les objectifs du programme étaient les suivants : évaluer le nombre de visites de suivi en hôpital d’adultes (HA) après de 12 et 24 mois de transition. La méthodologie du programme de transition reposait sur un accompagnement particulièrement renforcé en termes de ressources humaines, de moyens informatiques, de temps de secrétariat, avec des rappels récurrents de confirmation des rendez-vous, des SMS, appels téléphoniques, clé USB de partage de données, « assistanat ». Deux groupes parallèles de patients DT1 âgés de 17-19 ans (âge moyen : 18,8 ± 0,6 an) ont été sélectionnés (H/F : 49/51 %), 60 patients dans chacun des groupes de l’étude. Alors qu’il n’est pas retrouvé d’effet d’une transition structurée sur les 12 premiers mois de suivi, des effets à plus long terme (entre 12 et 24 mois) sont observés en termes de moindre rupture de suivi en HA (6 % vs 49 %, p = 0,0001) et de nombre plus élevé de visites médicales annuelles (2,5 vs 1,4, p = 0,0089), sans effet en revanche sur le taux d’HbA1c. L’HbA1c pré-transition était indépendamment associée à une HbA1c plus élevée et à une diminution de la fréquentation clinique entre 0 à 12 mois, et 12 à 24 mois après la transition. De plus, l’HbA1c avant la transition était associée à un risque accru de désengagement 12 à 24 mois après le début de la transition, le niveau d’HbA1c en pré-transition pouvant ainsi apparaître comme un élément prédictif de risque de rupture lors de la transition. Enfin, une seconde étude randomisée a également évalué la fréquence des visites en hôpital adultes (HA) dans une population de jeunes patients de 17 à 20 ans. Les objectifs du programme étaient assez similaires, à savoir évaluer le nombre de visites de suivi en HA (avec comme objectif au moins 1 visite/12 mois). Le programme, initié auprès de patients suivis en hôpital d’enfants (HE) depuis au moins 12 mois a fait appel à un coordonnateur de transition pour effectuer le lien HE/HA/patient, afin de programmer les 3 visites en HE avant la transition puis les 3 visites en HA (rappel téléphonique, SMS et e-mails, aide à l’ajustement des doses d’insuline, aide à la gestion au cours de périodes de maladie, support psychologique, aide sociale)(16). Le soutien à la transition au cours de cette intervention de 18 mois a été associé à une plus grande augmentation de la fréquentation des structures cliniques, une amélioration de la satisfaction liées aux soins, une moindre détresse et une réduction du fardeau lié au diabète, mais ces avantages ne se sont pas traduits en amélioration du taux d’HbA1c (limite de la significativité) et ne se sont pas maintenus 12 mois après la fin de l’intervention. La concrétisation de programmes efficaces de transition semble donc se heurter à plusieurs obstacles, sans doute par manque de moyens développés spécifiquement pour accompagner ces jeunes populations vivant avec un diabète de type 1, et peut-être aussi par un manque de justesse des programmes en regard des demandes et des besoins qui pourraient être formulées par les patients eux-mêmes, voire leurs familles et proches. Trouver la juste mesure, la bonne adéquation entre un accompagnement nécessaire, tout en évitant les contraintes d’un suivi conventionnel est la clé de la réussite d’une transition réussie. Une équipe a alors réfléchi à la notion de « passeport transition »(17), dossier assez complet regroupant des données sociales, démographiques et médico-biologiques du patient qui vont le suivre lors de son transfert en structure de soins en hôpital adultes. Ce passeport a pour rôle de mieux identifier la situation du patient et de lui apporter des réponses adaptées à ses besoins. Une étude rétrospective portant sur 62 adolescents et jeunes adultes diabétiques de type 1 sortis de l’HE entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 2004 a été conduite. Se basant sur les informations transmises par le « passeport transition », 32 patients (groupe contrôle) ont été transférés en HA du même établissement avec une méthode non structurée de transfert de dossier, et 30 autres patients après un transfert structuré planifié avec des médecins adultes (groupe expérimental). La durée du transfert d’HE en HA a pris beaucoup plus de temps pour le groupe contrôle (4,6 ± 1,2 an vs 0,8 ± 0,6 an, p < 0,001), et globalement, l’HbA1c s’est améliorée dans le groupe expérimental (p < 0,01), avec une plus grande fréquence de consultations cliniques effectuées (p < 0,05). Tous les sujets du groupe expérimental « passeport transition » ont émis une opinion favorable à ce type de transition structurée (p < 0,0001).

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