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Endocrinologie

Publié le 30 juin 2023Lecture 6 min

Diabète fulminant : une entité rare à ne pas méconnaître !

Gaëtan PRÉVOST, service endocrinologie, diabète et maladies métaboliques, CHU de Rouen

Décrit initialement en 2000 par une équipe japonaise d’Osaka(1), le diabète fulminant demeure une entité rare, mais qu’il faut bien connaître compte tenu, d’une part, de la sévérité potentielle du tableau clinique initial et, d’autre part, d’une forte augmentation de la prévalence en lien avec la prescription des inhibiteurs du contrôle immunitaire. Après la description des éléments cliniques et des critères diagnostiques, nous aborderons les spécificités physiopathologiques et pronostiques.

  Le diabète fulminant : premières descriptions   Le diabète de type 1 fulminant (FT1) correspond à un sous-groupe de patients diabétiques de type 1 (DT1) décrit initialement au Japon en 2000(1). Dans la publication princeps, les auteurs ont colligé 56 découvertes consécutives de DT1 réparties en 3 groupes selon la positivité des anticorps anti- GAD et le niveau d’HbA1c à la découverte (supérieure ou inférieure à 8,5 %). Le groupe 3, c’est-à-dire les patients avec GADA négatifs et HbA1c < 8,5 % à l’admission comportait 11 patients (19 % de la cohorte). En comparaison aux patients avec GAD+, les patients du groupe 3 se distinguaient par une durée des symptômes d’hyperglycémie avant l’admission beaucoup plus courte (en moyenne 4 jours versus 52 jours), une glycémie à l’admission plus élevée (en moyenne 7,73 g/L versus 4,2 g/L), un peptide C urinaire effondré (3,2 versus 21 μg/j), une acidose métabolique inaugurale plus sévère avec un pH mesuré en moyenne à 7,09 versus 7,36 et une élévation significative de l’amylase sérique (4,24 versus 0,39, la valeur normale). Des biopsies pancréatiques réalisées chez 3 de ces patients ont objectivé un infiltrat lymphocytaire et macrophagique localisé surtout dans le pancréas exocrine de sorte que les auteurs ont proposé initialement de classer le FT1 dans les DT1 non autoimmuns (classification des DT1 idiopathiques [Ib] de l’ADA).   FDT1 : données épidémiologiques   Comme nous l’avons vu, les premiers cas décrits de FT1 se situaient au Japon. Les études de registres nationaux japonais ont permis d’évaluer par la suite une prévalence du FT1 tout à fait impressionnante, puisque chiffrée à 19,4 % de tous les DT1. Cette incidence pourrait s’élever à 30 % dans les découvertes de DT1 adultes en Corée. Même si l’Asie rassemble une majeure partie des cas décrits de FT1 hors contexte immunothérapie, des cas de FT1 ont aussi été décrits chez les Caucasiens, dont 4 cas décrits en France ([2,3] et cas clinique n°1). Principaux critères diagnostiques du FT1 En 2012, la Société japonaise de diabétologie a proposé les critères diagnostiques suivants pour porter le diagnostic de FT1, soit 3 critères majeurs représentés par : 1. acidocétose sévère très précoce (< 7 jours par rapport au début des symptômes d’hyperglycémie) ; 2. glycémie > 16 mmol/L (2,88 g/L) et HbA1c < 8,5 % ; 3. peptide C < 0,3 ng/mL (< 0,10 nmol/L) basal et < 0,5 ng/mL après glucagon. D’autres critères sont possibles, mais non systématiquement retrouvés tels qu’une auto-immunité pancréatique (anticorps anti-GAD, anticorps anti-IA2) le plus souvent négative ; une élévation des enzymes pancréatiques, un syndrome grippal ou gastro-intestinal, une association avec une combinaison HLA à risque (HLA DRB1*04:05-DQB1*04:01), une possible survenue au cours de la grossesse ou de la délivrance(4).   Données physiopathologiques du FT1 • Composante génétique Considérant la description initiale des cas de FT1 restreinte à l’Asie du Sud-Est, l’hypothèse d’une composante génétique dans la physiopathologie de ce diabète était naturellement soulevée. Dans ce contexte, les gènes HLA et en particulier l’allèle HLA DRB1*04:05-DQB1*04:01 a été fortement associée au FT1 dans la population asiatique, mais non retrouvée dans les rares cas caucasiens. Plus récemment, à partir de cellules souches issues de patients ayant présenté un FT1, d’autres gènes impliqués dans l’apoptose cellulaire ou dans les mécanismes de défense virale pourraient participer à la vulnérabilité des cellules bpancréatiques observés dans le FT1(5). • Auto-immunité induite par des facteurs environnementaux   FT1 induit par les virus Le rôle potentiel des virus dans la physiopathologie du FT1 repose sur plusieurs constatations. Premièrement, comparativement aux DT1 classiques, l’existence d’un syndrome grippal ou gastro-intestinal précédant l’acidocétose diabétique inaugurale est très fréquente. En outre, les sérologies virales (coxsackies, rotavirus, CMV, EBV, HHV6 et 7) sont fréquemment positives. Enfin, l’ARN d’entérovirus a été identifié dans les cellules β et α sur des prélèvements biopsiques pancréatiques issus de patients avec FT1. Le rôle du virus dans l’émergence du FT1 n’est cependant pas complètement élucidé et ne semble pas univoque. En effet, trois scénarios sont proposés. Premièrement, le virus serait directement responsable de la destruction des cellules β. Deuxième possibilité, le virus induirait une auto-immunité dirigée vers la cellule β. Enfin, le virus n’aurait qu’un rôle de simple spectateur d’une autoimmunité lymphocytaire non spécifique. La surexpression des récepteurs de reconnaissance moléculaire par la cellule β, consécutive à l’exposition virale et responsable d’une production de cytokines (interféron, chémokine ligand 10) capables d’activer et d’attirer macrophages et lymphocytes T qui détruisent les cellules β. La production d’interféron γ par les cellules immunes alors activées induit une boucle d’amplification en stimulant la production de CXL10 jusqu’à destruction totale des cellules β et α (figure)(6). Figure. Mécanismes d’auto-immunité induite par les virus (d’après référence 6).   FT1 induit par les médicaments FT1 dans le contexte de Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms (DRESS) : dix-huit cas de FT1 ont été décrits au cours de toxidermies dans le cadre de DRESS. Le délai d’apparition du diabète par rapport au début du DRESS est variable. Le diabète se caractérise par un effondrement de la sécrétion insulinique et le plus souvent l’absence d’anticorps anti-GAD. Les molécules les plus fréquemment incriminées sont la dapsone, l’acide clavulanique-amoxicilline, la carbamazépine. FT1 induit par les inhibiteurs du contrôle immunitaire La prescription des inhibiteurs des checkpoints immunitaires constitue aujourd’hui la cause la plus fréquente de FT1 chez les sujets d’origine caucasienne (cas clinique n°2).   Il existe de 2 systèmes de checkpoints immunitaires : 1. Cytotoxic T Lymphocytes Antigen-4 (CTLA-4), non présent sur les cellules β ; 2. Programmed cell death protein-1 (PD-1). Au niveau de la cellule β, la liaison PD-1-ligand PD-1L permet une protection vis-à-vis des cellules immunes. L’utilisation des anticorps anti-PD-1 (nivolumab et pembroizumab) et/ou anticorps anti- PD-1L (atézolizumab, avélumab, duravalumab) rompt cette protection et expose ainsi la cellule β. Une récente méta-analyse a rapporté 72 cas de diabètes induits par les inhibiteurs de checkpoint immunitaire, dont 43 % réunissaient les critères du FT1. Parmi ces FT1, 80 % étaient révélés par une acidocétose. Les patients avec FT1 d’origine caucasienne développent plus précocement leur diabète (40 jours versus 110 jours après le début de l’immunothérapie) que leurs homologues d’origine asiatique avec une plus forte prévalence des anticorps anti-GAD (45 % versus 9 %). Les diabètes immuno-induits sont définitifs et ne relèvent pas de traitement par corticothérapie. Même si la prévalence de ces diabètes reste faible, la gravité potentielle du tableau initial justifie un dépistage, une éducation et une surveillance glycémique spécifique chez tous les patients placés sous traitements par anti-PD-1(7).   Traitement et pronostic des patients avec FT1 L’insulinothérapie demeure naturellement le traitement de choix chez ces patients avec insulinopénie sévère. Il n’existe pas de données publiées sur le pronostic des patients FT1 post-immunothérapie. En revanche, quelques travaux rendent compte d’une plus grande prévalence des complications microangiopathiques. Murase et coll.(8) rapportent une prévalence de 10 % de rétinopathie, 12 % de neuropathie et 12 % de néphropathie sur une cohorte de 45 patients FT1 suivis pendant 5 ans. Le M value, témoin de la variabilité glycémique, ainsi que le nombre d’hypoglycémies sévères sont plus élevés en cas de FT1, probablement en lien avec les concentrations plasmatiques de peptide C nettement plus basses. Liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêts en rapport avec cet article.

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