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Physiologie-Physiopathologie

Publié le 29 fév 2008Lecture 9 min

Diabète de type MODY 2

J. TIMSIT, Unité de diabétologie, Hôpital Cochin, Paris

Les MODY (Maturity Onset Diabetes of the Young) sont des diabètes monogéniques, liés à la transmission selon un mode autosomique dominant d’une mutation d’un gène impliqué dans la sécrétion d’insuline. Tous les gènes de MODY ne sont pas encore identifiés, mais au moins huit gènes différents répondent à ces critères. Le MODY 2, dû à des mutations à l’état hétérozygote du gène de la glucokinase, apparaît comme le plus fréquent des MODY.

Observation   Une femme de 32 ans est adressée à 25 semaines d’aménorrhée (SA) d’une première grossesse pour prise en charge d’un « diabète gestationnel ». Le poids préconceptionnel (IMC : 21,3 kg/m2) et la prise de poids sont normaux. Le dépistage systématique a montré des glycémies à jeun et post-prandiale respectivement à 1,11 et 1,62 g/l. Bien que cette technique de dépistage ne soit pas la méthode de référence, les glycémies sont manifestement anormales. L’échographie montre un fœtus dont les mensurations sont normales pour le terme : diamètre bi-pariétal, périmètre abdominal et longueur fémorale sont tous proches du 50e percentile. Les mesures classiques de prise en charge du diabète gestationnel sont mises en place : alimentation apportant 2 000 kCal, fractionnée en trois repas et trois collations et privilégiant les glucides de faible index glycémique, autosurveillance glycémique capillaire à jeun et post-prandiale. Après 10 jours de traitement les glycémies restent du même ordre. On instaure donc une insulinothérapie par quatre injections quotidiennes d’insuline : analogue rapide avant chacun des trois repas et NPH au coucher. Avec des doses d’insuline atteignant 1,13 UI/kg.j en fin de grossesse les glycémies post-prandiales sont dans les objectifs (< 1,20 g/l) mais la glycémie à jeun reste de l’ordre de 1,15 g/l. L’échographie de croissance ne montre pas d’anomalie. L’accouchement est déclenché à 38 SA et la patiente met au monde un garçon pesant 3 130 g pour 50 cm. L’enfant ne fait pas d’hypoglycémie néonatale et les suites sont simples. L’insulinothérapie a été interrompue au moment du déclenchement. La patiente est revue 6 mois plus tard avec une glycémie à jeun à 1,15 g/l et post-prandiale à 1,46 g/l, et une hémoglobine glyquée à 6,5 % (normale : 5 ± 0,7 %). Il persiste donc une hyperglycémie modérée. À l’interrogatoire, on note de nombreux antécédents familiaux de diabète chez ses deux parents et trois de ses cinq frères et sœurs : chez ces derniers, le diabète a été découvert vers l’âge de 40 ans, en l’absence de surpoids et est traité par régime seul (figure 1). La patiente est revue 2 ans plus tard, à 5 SA de sa seconde grossesse : les glycémies à jeun et post-prandiale sont respectivement à 1,25 et 1,70 g/l. Une insulinothérapie est instaurée d’emblée et permet d’obtenir des glycémies pratiquement normales au prix de doses élevées (1,87 UI/kg.j). La patiente accouche à 38 SA d’une fille pesant 2 695 g pour 46 cm (20e percentile). Les suites sont simples. À distance, la patiente est revue plusieurs fois : l’IMC est à 22,7 kg/m2, les glycémies à jeun sont à 1,30 g/l et l’HbA1c à 6,5 %. L’histoire clinique évoque un diabète de type MODY 2 et l’analyse moléculaire du gène de la glucokinase met en évidence une mutation conduisant à une protéine tronquée, ce qui confirme le diagnostic. Le bilan du retentissement du diabète ne montre aucune complication de microangiopathie. Les deux enfants, testés à l’âge de 4 et 2 ans, sont tous deux porteurs de la même mutation et sont modérément hyperglycémiques (HbA1c à 6,4 et 6,5 %). Figure 1.  Arbre généalogique d’une famille de MODY 2. Le cas index est indiqué par la flèche. Les symboles des sujets hyperglycémiques sont jaunes, ceux des sujets porteurs de la mutation sont rouges. Les nombres indiquent l’âge à la découverte de l’hyperglycémie. Dans l’observation présentée, les deux parents du cas index sont diabétiques mais n’ont pas eu de test génétique ; l’un est logiquement porteur de la mutation, l’autre, du fait de la fréquence du diabète de type 2 dans la population générale, constitue une « phénocopie ». Commentaires   Cette observation illustre plusieurs traits caractéristiques du MODY 2.   Mécanismes des anomalies métaboliques De très nombreuses mutations de la glucokinase ont été décrites et schématiquement les mutations associées au MODY 2 sont « privées », c’est-à-dire qu’une mutation différente est identifiée dans chaque famille de MODY 2. Elles sont localisées dans des exons communs aux isoformes pancréatique et hépatique de l’enzyme. Les anomalies métaboliques observées au cours du MODY 2 sont donc les conséquences du défaut d’activité de la glucokinase dans la cellule β et dans l’hépatocyte. La glucokinase catalyse la phosphorylation en 6 du glucose. Dans la cellule β, la glucokinase se comporte comme un « sensor » qui règle l’insulinosécrétion en réponse aux variations de la glycémie. L’anomalie enzymatique se traduit par une élévation du seuil de glycémie à partir duquel l’insulinosécrétion est déclenchée, de 5 mmol/l nor-malement à environ 7 mmol/l. De même, la courbe dose-réponse entre la glycémie et le niveau d’insulinosécrétion est décalée vers la droite et, dans un intervalle de glycémies physiologiques, l’insulinosécrétion est réduite par rapport à celle de sujets témoins. Dans l’hépatocyte, la glucokinase est impliquée dans les étapes précoces du stockage du glucose sous forme de glycogène. Chez les patients qui ont un MODY 2, la synthèse hépatique de glycogène est réduite, la néoglucogenèse est augmentée et la production hépatique de glucose est insuffisamment freinée par l’hyperglycémie.   Circonstances du diagnostic Dans la majorité des cas, l’hyperglycémie du MODY 2 est modérée : la glycémie à jeun est de l’ordre de 7 mmol/l en moyenne, la glycémie post-prandiale ou après charge en glucose s’élève peu et la moitié des sujets porteurs d’une mutation de la glucokinase ne répondent pas aux critères diagnostiques du diabète. L’HbA1c en l’absence de traitement est peu élevée, de l’ordre de 6,5 à 7 %. Du fait de la modicité de l’hyperglycémie, le diagnostic de MODY 2 est le plus souvent fait à l’occasion d’une mesure systématique de la glycémie. Des circonstances particulières comme un traitement hyperglycémiant (corticothérapie) ou la grossesse peuvent cependant majorer l’hyperglycémie. Le diagnostic peut être porté chez un enfant ou un sujet jeune, de poids normal, à l’occasion de la découverte d’une hyperglycémie modérée, sans symptôme clinique et, bien sûr, sans cétose. Il reste cependant utile de vérifier la négativité de marqueurs d’auto-immunité (autoanticorps anti-GAD et anti-IA-2) pour écarter un diabète de type 1 vu à un stade très précoce. La pénétrance du MODY 2 est pratiquement complète : au sein d’une famille, tous les sujets portant la mutation sont hyperglycémiques et ont un niveau d’hyperglycémie similaire. L’histoire familiale peut donc être très évocatrice et il est simple de dépister les apparentés porteurs de la mutation. Cependant, l’absence d’antécédent familial de diabète connu ne doit pas faire réfuter le diagnostic puisque l’hyperglycémie est modeste et a pu passer inaperçue. Le diagnostic différentiel avec le diabète de type 2 n’est pas toujours simple du fait de la fréquence de la maladie, y compris chez des sujets jeunes ; cependant, les patients ayant un MODY 2 sont habituellement de poids normal. La persistance d’une hyperglycémie modérée à jeun après un diabète gestationnel est également une circonstance fréquente de découverte du MODY 2, comme dans l’observation présentée ici.   Rareté des complications L’hyperglycémie du MODY 2 est très stable dans le temps car il n’y a pas d’aggravation du défaut d’insulinosécrétion, contrairement à ce qui est observé dans d’autres formes de MODY (MODY 3 en particulier). Cette stabilité dans le temps et le degré modéré de l’hyperglycémie expliquent que les complications sévères de microangiopathie soient peu fréquentes dans cette forme de diabète, moins que dans le diabète de type 2 classique ou dans d’autres formes de MODY. Moins de 5 % des patients développent une rétinopathie proliférative, une néphropathie clinique ou une neuropathie périphérique. De même, ces patients n’ont habituellement pas les facteurs de risque vasculaire habituellement associés au diabète de type 2 et les complications de macroangiopathie sont rares. On peut souligner le fait que le MODY 2 constitue un modèle privilégié pour analyser les effets d’une hyperglycémie modérée dans le très long terme.   MODY2 et grossesse Les anomalies métaboliques du MODY 2 sont présentes dès la naissance et même probablement in utero. Dans des familles MODY 2, le poids de naissance des enfants porteurs d’une mutation est réduit par rapport à celui des nouveau-nés non porteurs de la mutation, ce qui suggère une réduction de l’insulinosécrétion et donc de la croissance in utero (figure 2). Dans l’observation présentée plus haut, le traitement relativement tardif et incomplètement efficace au cours de la première grossesse explique le poids de naissance normal du premier enfant, porteur de la mutation maternelle. En revanche, au cours de la seconde grossesse un traitement précoce de l’hyperglycémie maternelle a probablement conduit à une sécrétion d’insuline réduite chez le fœtus porteur de la mutation et donc à une réduction modérée de la croissance. Le bénéfice d’un traitement « agressif » du diabète pendant la grossesse chez une femme porteuse d’un MODY 2 n’est donc pas facile à apprécier. Une possibilité serait d’évaluer la croissance fœtale et de ne traiter qu’en cas de macrosomie débutante, comme cela a été proposé dans le diabète gestationnel, mais il n’y a pas à ce jour de données validant cette attitude. Figure 2. Influence des mutations de la glucokinase sur le poids de naissance. Le poids de naissance de 143 enfants appartenant à des familles MODY 2 a été analysé en fonction de la présence de la mutation de la glucokinase chez la mère et/ou chez l’enfant. Dans la situation où la mère n’est pas porteuse de la mutation et l’enfant n’a pas hérité de la mutation paternelle (M- E-), le poids de naissance se situe dans la moyenne de la population générale. Dans la combinaison M+ E-, la mutation présente chez la mère est responsable d’une hyperglycémie à laquelle l’enfant, non porteur de la mutation, répond par une augmentation de la sécrétion d’insuline et du poids de naissance. Lorsque l’enfant hérite de la mutation maternelle (M+ E+), son insulinosécrétion n’est pas augmentée par l’hyperglycémie maternelle et le poids de naissance est dans la moyenne. En revanche, dans la combinaison M- E+, la réduction de l’insulinosécrétion fœtale en regard de glycémies maternelles normales conduit à une diminution de la croissance fœtale. Ces données soulignent le rôle de la génétique dans la croissance fœtale. (adapté de G. Velho et al. Diabetologia 2000 ; 43 : 1060-3). Traitement du MODY 2 : un problème non résolu La question du traitement du MODY 2 n’est pas résolue. D’une part, son bénéfice n’est pas établi, d’autre part, les patients MODY 2 ont une élévation du seuil glycémique de contre-régulation de l’hypoglycémie qui rend très difficile la normalisation chronique de la glycémie. Dans la plupart des cas, le traitement repose sur les seules mesures diététiques. Un traitement pharmacologique de l’hyperglycémie est rarement nécessaire, en dehors de la grossesse, car ces patients ne sont pas symptomatiques, leur hémoglobine glyquée est proche de la limite supérieure de la normale et le risque de complications du diabète est très faible. Dans certaines séries, 2 à 30 % des patients sont traités par hypoglycémiants oraux voire par l’insuline. Le traitement par sulfamides hypoglycémiants peut sembler logique puisque ces médicaments stimulent l’insulinosécrétion en court-circuitant le métabolisme du glucose dans la cellule β, mais il est souvent source d’hypoglycémies. Chez les patients dont l’hyperglycémie à jeun est marquée, la metformine pourrait être utile, même chez ces sujets de poids normal, puisqu’elle diminue la production hépatique de glucose. Dans de rares cas (moins de 5 %) une insulinothérapie est nécessaire pour normaliser les glycémies. Les activateurs de la glucokinase, qui sont en cours d’étude, pourraient constituer un traitement logique du MODY 2.   En conclusion   Le diagnostic de MODY 2 repose sur des données cliniques simples. L’intérêt de le confirmer par l’analyse génétique est essentiellement de préciser le pronostic du diabète chez les patients et de guider le dépistage familial.

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