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Foie-Appareil digestif

Publié le 30 nov 2010Lecture 8 min

Diagnostic d’une hépatopathie stéatosique métabolique

F. LAINÉ, P. BRISSOT, Y. DEUGNIER, Centre d’investigation clinique Inserm 0203, Service des maladies du foie et Inserm U-991, Hôpital Pontchaillou, Rennes

La stéatose hépatique est définie par un contenu du foie en triglycérides > 5 %. Le plus souvent cette lésion est secondaire à un état d’insulinorésistance, survenant chez des sujets présentant des traits du syndrome métabolique (obésité, dyslipidémie, diabète, hypertension artérielle) et non consommateurs excessifs d’alcool, ce qui fait de plus en plus préférer le terme d’hépatopathie stéatosique métabolique (HSM) à celui initialement usité d’hépatopathie stéatosique non alcoolique.
Son incidence augmente parallèlement à l’augmentation d’incidence du surpoids et de ses complications, particulièrement le diabète de type 2,  et elle est devenue la principale cause de perturbations chroniques du bilan hépatique.

Sur le plan histologique la stéatose peut être isolée – on parle alors de stéatose pure –, ou associée à des lésions inflammatoires et dégénératives hépatocytaires – on parle alors de stéatohépatite – ou à de la fibrose hépatique plus ou moins marquée avec au maximum une cirrhose constituée.   Épidémiologie de la stéatose hépatique métabolique   Un facteur de risque indépendant de mortalité Plusieurs études épidémiologiques ont démontré que, dans leur ensemble, les sujets atteints d’HSM ont une mortalité globale plus élevée que le reste de la population. Söderberg et al. rapportent une surmortalité de 70 % chez les patients atteints d’HSM histologiquement prouvée, comparés au reste de la population suédoise appariée sur l’âge et le sexe1. Cette surmortalité s’explique essentiellement par l’augmentation de la mortalité de cause hépatique, secondaire aux complications de la cirrhose (hémorragie digestive, infections, cancer du foie). Chez ces patients, la mortalité d’origine hépatique est la 3e cause de mortalité, après les causes cardiovasculaires et le cancer, alors qu’elle n’est que la 19e cause dans le reste de la population. L’HSM est également reconnue dans la plupart des études comme un facteur de risque indépendant de mortalité cardiovasculaire dans la plupart des études.   Les diabétiques, particulièrement exposés au risque de cirrhose Une étude de cohorte américaine récente a évalué l’effet de l’existence d’une HSM sur la mortalité chez plus de 337 sujets diabétiques observés sur une période de 20 ans2. Chez les 116 sujets diabétiques avec HSM, la première cause de mortalité, représentant 19 % des décès, était une complication de la cirrhose, alors qu’aucun décès d’origine hépatique n’a été observé chez les diabétiques sans HSM. Cela va dans le sens des séries précédentes ayant montré que le diabète favorise l’apparition et la vitesse de progression de la fibrose hépatique, et augmente les risques de complications de la cirrhose, particulièrement le cancer primitif du foie.   La stéatose pure : une forme bénigne… mais impossible à affirmer avec certitude Des études de suivi avec réalisation de biopsies hépatiques répétées rapportent qu’en cas de stéatose pure, sans inflammation ni fibrose, le risque d’évolution vers la cirrhose est faible. Cela explique l’intérêt de nombreuses équipes à trouver des marqueurs biologiques permettant de distinguer les sujets atteints de stéatose pure de ceux porteurs d’une stéatohépatite. Même si quelques marqueurs semblent intéressants pour cette discrimination, notamment certaines cytokératines, aucun ne permet actuellement un diagnostic de certitude. La biopsie hépatique elle-même ne permet pas d’atteindre cette certitude puisqu’il a été montré que, chez un même sujet, la réalisation simultanée de deux biopsies hépatiques, en deux sites différents du foie peut aboutir à deux diagnostics histologiques différents. En pratique, cette incertitude ne permet donc pas, chez un sujet donné, de rassurer définitivement et d’affirmer l’absence de risque évolutif3. Comment identifier les sujets atteints d’une HSM ?   Il n’existe pas de signe clinique spécifique Le spectre clinique est très étendu, allant du sujet asymptomatique à la cirrhose décompensée. Une asthénie, une pesanteur de l’hypochondre droit sont parfois décrites. L’examen peut repérer une hépatomégalie. Un érythème palmaire, des angiomes stellaires ou une hépatomégalie à bord inférieur dur sont des indices de cirrhose. Dans la majorité des cas, les patients sont asymptomatiques et l’hépatopathie est découverte à l’occasion d’un bilan biologique systématique.   La cytolyse hépatique chronique est le mode de découverte le plus fréquent La cytolyse est en règle modérée, très souvent associée à une élévation des GGT chez un sujet non consommateur excessif d’alcool (par définition < 3 doses d’alcool par jour pour un homme et < 2 doses pour une femme). La cytolyse prédomine en ALAT, une prédominance en ASAT devant faire reconsidérer la consommation d’alcool mais pouvant témoigner d’une cirrhose. La découverte d’une cytolyse chez un sujet métabolique impose de répondre aux deux questions suivantes, et ce, quel que soit le niveau de cette cytolyse, dont l’intensité ne reflète pas toujours la gravité de l’atteinte histologique hépatique : • la cytolyse est-elle uniquement liée à l’HSM ? • existe-t-il une fibrose hépatique associée ? La réponse à la première question oblige à un bilan étiologique complet d’exclusion des autres causes de cytolyse (encadré 1). Ceci est d’autant plus fastidieux que le plus souvent ce bilan reste négatif, confirmant que la cytolyse est liée à l’HSM, mais d’autant plus impératif que, chez un sujet métabolique, l’évolution de la plupart des hépatopathies, comme démontré notamment au cours de l’hépatite C et de la maladie alcoolique, est aggravée avec un risque associé élevé de cirrhose.  La recherche d’une fibrose hépatique doit être systématique L’existence d’une fibrose conditionne le pronostic. La PBH (ponction biopsie hépatique) est l’examen de référence pour affirmer et quantifier la fibrose. L’échelle de quantification histologique de la fibrose va de F0, correspondant au foie normal indemne de fibrose, à F4 définissant la cirrhose : • un score > F3 a des conséquences immédiates pour le patient avec la mise en place du dépistage et du traitement des complications de la cirrhose ; • un  score F0 ou F1 est sans conséquences ; • un score F2 n’a pas de conséquence immédiate mais identifie les sujets à haut risque d’évoluer vers la cirrhose qui devront bénéficier d’une évaluation régulière de la fibrose. L’âge du patient peut donc conditionner le niveau de précision de détection de la fibrose souhaité. Ainsi, la mise en évidence d’une fibrose F2 chez un sujet de moins de 40 ans doit alerter, ce sujet étant à haut risque de devenir cirrhotique dans son existence, alors que chez un sujet de plus 65 ans le fait-même qu’il n’y ait pas de cirrhose suffit souvent à rassurer. La PBH reste un examen contraignant qui ne peut être proposé aux 3 % de la population des pays industrialisés ayant une cytolyse chronique d’origine métabolique. Des scores clinicobiologiques permettant de diagnostiquer la fibrose sans recourir à la biopsie ont donc été mis au point D’un point de vue pratique, certains sont utilisables librement, gratuitement, d’autres sont payants. - Un des premiers scores a été publié par Ratziu et al.4. Il est facilement réalisable en consultation puisque basé sur les valeurs de l’IMC, de l’âge, des transaminases et de la triglycéridémie. Un « BAAT » score ≤ 1 permet d’exclure avec une valeur prédictive de 100 % l’existence d’une fibrose ≥ F2. Par exemple, chez un sujet de 40 ans, avec IMC à 29 kg/m², sans hypertriglycéridémie et avec une cytolyse inférieure à 2 fois la normale, on peut grâce à ce score exclure l’existence d’une fibrose significative sans recourir à la biopsie. - Deux autres scores, également utilisables librement à la consultation, affichent une valeur prédictive négative élevée. Il s’agit : • du score NAFLD (non alcoholic fatty liver disease) qui permet d’exclure avec une valeur prédictive de 93 % une fibrose ≥ F2 ; • du BAARD score qui a une valeur prédictive négative de 93 % pour la fibrose ≥ F3 (encadré 2)4-6. - Plusieurs autres tests clinicobiologiques, dont le fibromètre NAFL® et le Fibrotest®, utilisables pour le diagnostic de la fibrose chez les patients atteints d’HSM, sont protégés par un brevet commercial. Ils doivent être réalisés dans des laboratoires agréés et sont payants. L’utilisation de tous ces scores est dangereuse si la consommation d’alcool, actuelle et passée du patient, ne peut être précisément évaluée En effet, tous ces scores ont été établis sur des populations strictement sélectionnées avec exclusion rigoureuse des consommateurs excessifs, présents ou passés, d’alcool. Nous avons testé la performance des scores BAAT, NAFLD et BAARD sur un groupe de 173 sujets dysmétaboliques ayant eu une biopsie hépatique du fait d’une cytolyse chronique4. Tous ces sujets avaient bénéficié d’une évaluation précise de leur consommation d’alcool tout au long de leur vie par un questionnaire spécialement conçu à cet effet. Ceci a permis de considérer 71 d’entre eux comme des buveurs excessifs, avec une consommation moyennée > 30 g par jour chez les hommes. Alors que les tests précités apparaissaient fiables chez les sujets non consommateurs excessifs d’alcool, ils étaient faussement rassurants et méconnaissaient 50 % des cas de cirrhose parmi les sujets considérés comme consommateurs excessifs dans notre étude. Certains de ces patients avaient une consommation normale au moment de la PBH et ce, parfois depuis longtemps, mais ils avaient eu une consommation transitoirement excessive dans le passé que seul un interrogatoire approfondi avait pu mettre à jour.   Comment évaluer la fibrose quand la consommation d’alcool est excessive ou ne peut pas être précisément évaluée ? Bon nombre de sujets dysmétaboliques, sans être alcoolodépendants, peuvent avoir ou avoir eu une consommation d’alcool un peu excessive ou non évaluable. On ne peut alors parler au sens strict de SHM et, comme évoqué précédemment, les tests clinicobiologiques d’évaluation de la fibrose risquent d’être faussement rassurants et de méconnaitre des cas de cirrhose. Pourtant, il est particulièrement indispensable d’évaluer la fibrose chez ces sujets car ils sont les plus à risque. Pour exemple, dans notre étude, la proportion de cirrhose chez les sujets avec SHM bondissait de 5 % chez les sujets à consommation d’alcool normale, à 25 % chez les buveurs excessifs.   Trois moyens peuvent être utilisés pour rechercher l’existence d’une fibrose en cas de doute sur la consommation d’alcool : Le dosage, à jeun, de l’acide hyaluronique permet, quand il est < 15 µg/l d’exclure une fibrose ≥ F2 avec une valeur prédictive de 100 % et ce, quelle que soit la consommation d’alcool4. L’élastométrie (Fibroscan®) est un examen dont la réalisation est proche de celle d’une échographie et qui permet de mesurer l’élasticité du foie et d’en déduire son niveau de fibrose. À la différence des tests biologiques, son utilisation est possible quel que soit le niveau de consommation d’alcool. Sa performance peut toutefois être limitée par l’épaisseur pariétale chez de nombreux sujets obèses. De nouvelles sondes spécifiques sont en cours de mise au point dans ce cadre. Enfin, l’indication de la biopsie hépatique doit être discutée si aucun des moyens précédents n’a permis de conclure définitivement sur l’existence ou non d’une fibrose. Même si cet examen a ses limites, il reste la méthode de référence pour quantifier la fibrose, dont on rappelle qu’elle conditionne le pronostic du patient.   En pratique   L’hépatopathie stéatosique métabolique est associée à une surmortalité. Le mode de révélation le plus fréquent est une cytolyse chronique qui impose un diagnostic étiologique systématique. Le pronostic est lié à l’intensité de la fibrose hépatique qui doit être systématiquement évaluée.

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