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Foie-Appareil digestif

Publié le 31 mar 2010Lecture 8 min

La gastroparésie diabétique, une complication méconnue !

B. GUERCI, CIC Inserm/CHU de Nancy, Hôpital Jeanne d’Arc, Toul

La gastroparésie est un état chronique caractérisé par une vidange gastrique retardée en l’absence d’obstruction mécanique. La gastroparésie diabétique est une des composantes de la neuropathie autonome, il s’agit de la manifestation la plus fréquente de la neuropathie digestive.

Épidémiologie   Le diabète est responsable d’environ un quart des gastroparésies. Les autres causes sont idiopathiques dans un tiers des cas, postchirurgicales ou secondaires à des maladies de système1,2. La gastroparésie concerne 30 à 60 % de la population diabétique selon les études, avec une prévalence accrue dans le diabète de type 1. Cette prévalence semble très élevée chez les patients présentant un diabète ancien, mais un certain nombre de sujets diabétiques présentent des symptômes digestifs sans qu’une gastroparésie puisse être objectivée3. Les gastroparésies sévères, réfractaires aux traitements conventionnels représenteraient 1 % des cas.   Physiologie de l’estomac et pathologie   L’estomac possède deux régions distinctes : le fundus où les aliments sont stockés et la région antropylorique qui assure le broyage puis l’évacuation du bol alimentaire vers l’intestin grêle. À jeun, la motricité gastrique est régulée par le complexe migrant moteur : une période d’inactivité de 40 minutes est suivie par des contractions irrégulières pendant 50 minutes et, enfin, par des contractions régulières et lentes au rythme de 3 par minute pendant 5 à 10 minutes. Cette activité péristaltique est déclenchée par les cellules interstitielles de Cajal situées dans l’aire « pace-maker » de l’estomac, au niveau de sa grande courbure. Après une ingestion alimentaire, une activité péristaltique rythmique permet la vidange du contenu gastrique. Celle-ci permet d’obtenir, chez les sujets sains, une vidange de la moitié du contenu gastrique vers le duodénum en 1 à 2 heures (figure 1)4. La physiopathologie de la gastroparésie diabétique est à ce jour encore imparfaitement connue, mais s’associe souvent à une neuropathie autonome cardiaque. L’atteinte du nerf vague est un déterminant essentiel de cette pathologie et, à ce titre, sa symptomatologie peut se rapprocher de celle observée après vagotomie4. Au-delà de cette atteinte nerveuse autonome, des modifications hormonales interviennent également avec une altération des sécrétions de ghréline, de motiline et de glucagon5. Enfin, il a été démontré qu’il existe également une diminution de production du stem cell factor, seul facteur de croissance connu pour les cellules interstitielles de Cajal. Cette diminution est médiée par une altération de la production d’insuline et d’IGF-16. Enfin, les fluctuations glycémiques aiguës influent sur la motricité de l’estomac puisque l’hyperglycémie ralentit la vidange gastrique même à des concentrations modérément élevées7 et y compris chez les sujets non atteints de neuropathie autonome8.   Figure 1. Anatomie et physiologie simplifiée de l’estomac (d’après4). Les points forts   - La gastroparésie diabétique, composante de la neuropathie autonome, est la manifestation la plus fréquente de la neuropathie digestive. Le diabète est responsable d’environ un quart des gastroparésies. - Les signes digestifs sont souvent frustres et il faut savoir évoquer une gastroparésie devant toute situation d’instabilité métabolique, comme les hypoglycémies postprandiales. - Rechercher des signes digestifs hauts : nausées, vomissements, satiété précoce, plénitude gastrique, ballonnements. L’examen de référence pour le diagnostic de gastroparésie est la scintigraphie gastrique. - Le traitement de base consiste à équilibrer le diabète et à fractionner les repas en réduisant la teneur en fibres et en lipides de l’alimentation. Les médicaments métoclopramide et dompéridone doivent être essayés en priorité chez les personnes souffrant de nausées et de vomissements. - La neuromodulation gastrique est une technique réversible qui consiste à appliquer une stimulation électrique continue au niveau de l’antre gastrique à l’aide d’un système totalement implanté par laparoscopie comprenant deux électrodes intramusculaires et un neurostimulateur. - Une prise en charge nutritionnelle lourde est parfois nécessaire dans les formes les plus sévères. La voie entérale doit être privilégiée (sonde nasojéjunale puis éventuelle jéjunostomie en cas d’efficacité). En cas d’inefficacité, en particulier chez les patients ayant une neuropathie grêlique, la nutrition parentérale au long cours est parfois justifiée.     Diagnostic de la gastroparésie diabétique   La prévalence des signes digestifs est moins fréquente en cas de gastroparésie diabétique, et il faut savoir évoquer ce diagnostic devant toute situation d’instabilité métabolique. En effet, du fait de la vidange gastrique retardée, il existe une inadéquation entre l’arrivée des nutriments dans le tube digestif et la cinétique d’action de l’insuline prandiale, en particulier s’il s’agit d’analogues rapides de l’insuline. Cela conduit à des hypoglycémies postprandiales qui doivent faire évoquer le diagnostic de gastroparésie diabétique, même en l’absence de signes digestifs. En pratique, il faut suspecter le diagnostic de gastroparésie chez les patients dont le diabète évolue depuis plusieurs années et s’il est compliqué de microangiopathie. L’interrogatoire médical doit rechercher des signes digestifs hauts : nausées, vomissements, satiété précoce, plénitude gastrique, ballonnements3. En première intention, il convient de réaliser une fibroscopie œso-gastroduodénale pour éliminer les autres étiologies responsables de symptômes digestifs hauts. La présence d’aliments au niveau gastrique après une nuit de jeûne est hautement évocatrice du diagnostic de gastroparésie (tableau 1). L’examen de référence pour le diagnostic de gastroparésie est la scintigraphie gastrique. Un repas calibré, de préférence solide, marqué au Tc99m est ingéré le matin à jeun. Le diagnostic est affirmé selon des critères internationaux9. Il existe une gastroparésie si l’on observe une rétention de plus de 60 % du contenu gastrique au bout de 2 heures et/ou de plus de 10 % du contenu gastrique au bout de 4 heures. D’autres examens sont parfois employés : le test respiratoire à l’acide octanoïque marqué au carbone 13 est en cours d’évaluation, l’électrogastrographie, le transit baryté et la manométrie sont parfois utilisés. Enfin, sur un plan métabolique, la mesure continue du glucose doit faire suspecter le diagnostic de gastroparésie devant l’absence d’excursion glycémique postprandiale, voire une fréquence anormale d’hypoglycémies postprandiales avec rebond hyperglycémique à distance du repas. Traitement de la gastroparésie diabétique   Le contrôle glycémique précoce de tout patient diabétique doit être un objectif thérapeutique prioritaire afin de stabiliser voire faire régresser les signes de la neuropathie autonome. Ainsi, dans l’étude STENO 210, la neuropathie autonome, présente chez 28 % des patients, a eu un taux de progression plus faible de 30 % versus 54 % , soit une réduction du risque relatif de 63 % après un suivi moyen de 7,8 années. Les mesures thérapeutiques vont des adaptations simples sur le plan nutritionnel ou du traitement hypoglycémiant jusqu’à des mesures contraignantes pour le patient avec un évident retentissement sur la qualité de vie. La prise en charge n’est pas consensuelle, mais elle repose en particulier sur la sévérité de la gastroparésie en termes de retentissement sur la vidange gastrique (tableau 2)11. Mesures diététiques De manière simple, il convient de fractionner les repas et de proposer au patient de réduire la teneur en fibres et en lipides de l’alimentation.   Insulinothérapie Il est préférable de remplacer les analogues rapides de l’insuline par de l’insuline rapide ordinaire dont l’injection est réalisée juste avant le repas. En pratique, cette démarche offre des résultats satisfaisants dans un certain nombre de cas, mais aucune étude à ce jour n’a évalué cette option thérapeutique.   Médications prokinétiques Agonistes des récepteurs dopaminergiques D2 Métoclopramide et dompéridone doivent être essayés en priorité chez les personnes souffrant de nausées et de vomissements. Agonistes des récepteurs de la motiline L’érythromycine est souvent employée, en particulier par voie intraveineuse, avant une anesthésie générale pour vidanger les gros estomacs dysautonomiques. Son emploi au long cours par voie orale pose le problème d’une tachyphylaxie (décroissance de l’efficacité). La ghréline possède également des propriétés prokinétiques et il est établi qu’elle accélère la vidange gastrique. Toutefois, cette accélération ne semble pas corrélée à une amélioration des symptômes digestifs. Les agonistes des récepteurs 5HT4 Le cisapride a été retiré du marché en raison de l’allongement du QT qu’il provoquait.   La neuromodulation gastrique Cette thérapie innovante appelée thérapie Enterra® est une technique réversible qui consiste à appliquer une stimulation électrique continue au niveau de l’antre gastrique. Cette stimulation est délivrée par un système totalement implanté comprenant deux électrodes intramusculaires et un neurostimulateur. Ce dispositif est le plus souvent implanté par laparoscopie et offre une alternative intéressante dans la prise en charge des gastroparésies diabétiques réfractaires au traitement conventionnel. Il s’agit d’une stimulation haute fréquence et basse énergie, dont le mécanisme d’action serait central avec inhibition des nausées et des vomissements. Elle est à distinguer de la technique de « pacing », basse fréquence et haute énergie, qui n’est à ce jour pas développée en pratique courante. Deux études princeps (GEMS12 et WAVESS13) ont montré une diminution de la fréquence des nausées et des vomissements chez les patients atteints de gastroparésie mais aussi une amélioration de leur qualité de vie. La publication récente d’une étude multicentrique montre la sécurité d’emploi et le maintien des effets au long cours de ce dispositif. Il existerait une mortalité moindre des patients diabétiques comparativement aux patients non implantés14. Il faut tenter de préciser le mécanisme d’action et sélectionner les patients les plus à même de tirer bénéfice de cette technique. Le degré de déplétion en cellules de Cajal (déterminé lors d’une biopsie au cours d’une gastroscopie) est corrélé à la réponse à la neuromodulation : plus le degré de déplétion en cellules de Cajal est important et moins les patients sont répondeurs15.   La toxine botulique En diminuant le relargage de substances excitatrices au niveau du muscle pylorique, les injections intrapyloriques de toxine botulique pourraient améliorer la vidange gastrique. Quelques études semblent montrer une amélioration des symptômes en l’absence d’effet indésirable majeur16,17.   Traitement des formes les plus sévères Une prise en charge nutritionnelle lourde est parfois nécessaire chez les patients ayant les formes les plus sévères de gastroparésie. Dans la mesure du possible, la voie entérale doit être privilégiée (sonde nasojéjunale puis éventuelle jéjunostomie en cas d’efficacité). En cas d’inefficacité, en particulier chez les patients ayant une neuropathie grêlique, la nutrition parentérale au long cours peut, dans de rares cas, être la seule option thérapeutique. Références bibliographiques disponibles sur demande auprès de la rédaction.

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