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Biologie-Explorations

Publié le 30 nov 2011Lecture 7 min

La variabilité glycémique : comment la contrôler ?

A. WOJTUSCIZYN, Service des maladies endocriniennes, hôpital Lapeyronie, Montpellier

La mise en évidence d’une variabilité glycémique majeure doit d’abord interroger le praticien sur la possible interférence d’autres facteurs associés au diabète.
Le patient respecte-t-il les principes d’éducation thérapeutique donnés et adapte-t-il ses doses en fonction de ses glycémies, de ses apports en hydrates de carbone ? Présente-t-il des lipodystrophies ? Souffre-t-il d’une gastroparésie l’exposant particulièrement à des hypoglycémies postprandiales précoces ? Présente-t-il d’autres pathologies auto-immunes (maladie cœliaque, maladie d’Addison, hypothyroïdie, hypophysite avec déficit somatotrope associé, etc.) pouvant perturber la contre-régulation glycémique ?

Après avoir éliminé ou traité toutes ces causes d’instabilité glycémique, les choix thérapeutiques sont représentés par deux entités bien distinctes : l’amélioration de la pharmacocinétique de l’insuline par son infusion continue (sous-cutanée ou intrapéritonéale) ou la restauration endogène de la sécrétion d’insuline par transplantation de pancréas ou d’îlots de Langerhans. Les objectifs thérapeutiques restent alors bien entendu la restauration d’une HbA1c proche de 7 %, avec parallèlement une diminution des hypoglycémies, de la variabilité inter- et intrajournalière, associées à l’amélioration de la qualité de vie des patients.   Amélioration de la pharmacocinétique de l’insuline   Infusion insulinique continue sous-cutanée  (SC) L’insulinothérapie continue par voie sous-cutanée est recommandée chez le patient diabétique de type 1, mal équilibré sous injections multiples, présentant des hypoglycémies sévères et/ou une variabilité glycémique accrue. La comparaison avec un schéma d’injections multiples optimal incluant glargine et analogue rapide – apportant déjà un bénéfice sur l’incidence des hypoglycémies par rapport aux schémas précédents – est récente dans la littérature1. Elle permet en général un meilleur contrôle de l’HbA1c (-0,60 %) tout en diminuant de 4 fois le risque d’hypoglycémies sévères chez le patient. Le bénéfice sur les hypoglycémies mineures n’est pas démontré. En revanche, la variabilité glycémique, qu’elle soit intra- ou interjournalière, semble réduite lors du passage à la voie SC continue. La qualité de vie des patients en est significativement améliorée. Infusion intrapéritonéale (IP) Lorsque la voie SC n’est pas suffisante pour empêcher la survenue d’hypoglycémies et la variabilité glycémique, lorsque le patient présente des effets secondaires locaux (lipodystrophies, réactions inflammatoires, etc.) empêchant la pose itérative de cathéters SC, la voie IP devient une alternative séduisante. En effet, cette voie d’administration est plus rapide et restaure un premier passage hépatique de l’insuline : ceci constitue un mode d’action plus proche de la physiologie avec une action renforcée sur l’inhibition de la production hépatique de glucose. La preuve d’un meilleur contrôle métabolique par rapport à l’infusion SC est apportée avec une baisse du nombre d’hypoglycémies sévères et de la variabilité glycémique, parallèlement à une baisse de l’HbA1c. Le bénéfice de la voie IP sur la voie SC en termes de qualité de vie est également prouvé2. Des complications spécifiques aux systèmes implantés existent cependant : réactions inflammatoires locales, atrophies cutanées en regard du site d’implantation SC, formation de sérôme, voire réelles infections pour les pompes IP. Des problèmes techniques (occlusion du cathéter, précipitation de l’insuline) peuvent également survenir, entraînant une  sous-délivrance de l’insuline avec pour conséquence la survenue d’acidocétose. Les contre-indications communes au traitement par pompe sont principalement la non-acceptation de la maladie diabétique : la faible compliance au traitement compromet, en effet, l’efficacité de la technique et met le patient en danger. Comme tout traitement intensifié, l’état rétinien doit être vérifié avant d’en poser l’indication. Malgré le recours à ces nouvelles technologies, certains patients restent difficiles à équilibrer. Une intensification de la surveillance glycémique peut alors se révéler nécessaire avant d’envisager la restauration de la sécrétion endogène de l’insuline par transplantation d’îlots de Langerhans ou de pancréas entier.   Surveillance du glucose interstitiel en temps réel   Les dispositifs actuels de mesure du glucose interstitiel en continu utilisent pour la plupart un capteur sous-cutané. La stabilité du capteur est maintenant bonne et permet le recueil de résultats sur 5 à 7 jours. Le signal, initialement électrique, est converti, grâce aux étalonnages (2 par jour en moyenne), en « estimations glycémiques ». Depuis quelques années, le monitoring en temps réel est possible et permet aux patients de surveiller au plus près leurs excursions glycémiques, de régler des alarmes (pour détecter des hypoglycémies non ressenties par exemple) et d’adapter au mieux leur insulinothérapie ou leurs apports glucidiques.   Les études comparant une autosurveillance classique à ces dispositifs de mesure continue en temps réel s’accordent toutes pour démontrer que le bénéfice sur le contrôle glycémique (- 0,5 à 1 % d’HbA1c en général, quel que soit le mode d’infusion insulinique) n’est obtenu que lorsque le patient porte ce capteur de façon continue3. L’utilisation d’un de ces dispositifs a montré une réduction significative du temps passé en hyper- (-23 %) et en hypoglycémie (-21 %), une augmentation du temps passé dans la fourchette glycémique cible et une réduction des hypoglycémies nocturnes par rapport à des enregistrements réalisés en aveugle4.   Transplantation pancréatique ou greffe d’îlots de Langerhans   Ces options thérapeutiques restent réservées aux patients les plus graves, selon des critères d’inclusion stricts en raison de la rareté des organes disponibles pour de telles greffes : épisodes fréquents, graves et aigus de décompensation métabolique, variabilité glycémique altérant la qualité de vie du patient de façon très significative, hypoglycémies sévères mettant en danger la vie du patient,  hypoglycémies fréquentes < 0,54 g/l non ressenties de façon chronique… La non-acceptation du traitement par insuline n’est pas une indication : le patient transplanté n’a pas la garantie d’une insulino-indépendance totale et le traitement immunosuppresseur à suivre peut se révéler tout aussi contraignant (figures 1 et 2).   Figure 1. Évolution des taux d’HbA1c après traitement insulinique intensifié, greffe d’îlots de Langerhans ou greffe de pancréas entier (D’après J.L. Gaglia, Curr Opin Endoc Diab 2006). Figure 2. Profils glycémiques d’une patiente avant et après greffe d’îlots de Langerhans. La transplantation de pancréas seul La greffe de pancréas seul reste une technique peu diffusée (environ 100 transplantations par an) mais elle bénéficie de la grande expérience chirurgicale développée au cours de ces 30 dernières années sur la greffe simultanée rein-pancréas proposée aux patients diabétiques en insuffisance rénale. La technique chirurgicale en elle-même nécessite des patients en bon état général avec des axes iliaques sains, aptes à recevoir la vascularisation du greffon. Le registre américain UNOS fait état de 96 % de survie des patients à 1 an et 88 % à 5 ans. Les 3 mois suivant le geste opératoire restent à haut risque de reprise chirurgicale en raison de la survenue de complications à type de thrombose, hémorragie, fuite canalaire ou pancréatite avec reprise chirurgicale chez 10 à 20 % des receveurs. Ces complications sont d’autant plus sévères que le patient souffre déjà de comorbidités associées à son diabète. La survie du greffon, garantissant ici l’insulino-indépendance, est de 81 % à 1 an et 51 % à 5 ans5. La transplantation d’îlots de Langerhans La greffe d’îlots de Langerhans dans la veine porte hépatique connaît un renouveau depuis les résultats d’Edmonton en 2000 : des patients aux glycémies « instables » pouvaient vivre sans insuline 1 an après un tel traitement avec des résultats métaboliques comparables à ceux de la transplantation de pancréas seul. Dix ans plus tard et après environ 500 nouveaux patients greffés dans le monde, le taux d’insulino-indépendance à un an est d’environ 50 à 80 % selon les centres si la dose minimale de 10 000 îlots-équivalents (IEQ)/kg  (poids du receveur) est respectée. Ceci implique la réalisation de 2 à 3 infusions d’îlots par patient (issus de 2 à 3 pancréas différents) et limite l’indication d’une telle technique aux patients les plus minces, avec une bonne sensibilité à l’insuline. La fonctionnalité du greffon – basée sur la positivité du C-peptide – garantit la quasi-disparition des hypoglycémies : elle est proche de 100 % à un an. Le seuil de perception des hypoglycémies, souvent dangereusement abaissé chez ces patients, est rétabli.  La qualité de vie des patients s’en trouve augmentée de façon significative. À long terme, les résultats actuellement publiés ne font cependant état « que » d’environ 12 % d’insulino-indépendance à 5 ans. La survie du greffon reste préservée : le taux de C-peptide est positif chez au moins 70 % des patients à 5 ans et conditionne la pérennité d’un équilibre métabolique durable, sans hypoglycémie6. Les patients qui requièrent de l’insuline gardent alors des doses très faibles, souvent < 10 UI/j. Les résultats à long terme de la greffe d’îlots de Langerhans sont en nette amélioration dans les études les plus récentes, en particulier lorsque le nombre d’îlots transplantés est important et l’insulino-indépendance rapidement obtenue7. Ces deux techniques partagent les mêmes complications, fréquentes, liées au traitement immuno-suppresseur : détérioration de la fonction rénale, risque accru d’infections, de troubles hématologiques, digestifs, voire, à long terme, de néoplasies. La technique chirurgicale de la greffe de pancréas reste lourde et compliquée (1-4 % de mortalité, 10-20 % de morbidité) mais avec des résultats durables en termes d’insulino-indépendance et de contrôle glycémique chez 50 % patients à 5 ans. La technique de radiologie interventionnelle utilisée pour l’infusion intraportale des îlots de Langerhans est beaucoup moins morbide (6 à 10 % d’hématomes sous-capsulaires hépatiques généralement spontanément régressifs) sans certitude sur une insulino-indépendance mais avec l’obtention d’un contrôle glycémique chez plus de 70 % des patients à long terme. La balance bénéfices/risques doit donc soigneusement être évaluée avec le patient avant d’envisager de telles procédures.

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