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Recommandations - Consensus

Publié le 31 aoû 2009Lecture 8 min

Le nouveau « consensus » ADA/EASD - Des réserves oui ! Pourquoi ?

L. MONNIER, C. COLETTE, Institut universitaire de recherche clinique, Université Montpellier I

En 2006, la prise en charge de l’hyperglycémie du diabète de type 2 fit l’objet d’un premier consensus ADA/EASD publié simultanément dans Diabetologia1 et Diabetes Care2. Cette publication a été suivie de deux mises à jour, l’une parue au début 20083 et l’autre au début 2009 dans Diabetologia4 et Diabetes Care5, respectivement.
La première révision de 20083 fut essentiellement motivée par la polémique sur la rosiglitazone, lancée par Nissen6. La dernière version 2009 du consensus ADA/EASD4,5 reprend en partie les recommandations de 20061,2 en intégrant les résultats des études les plus récentes. Certaines concernent l’évaluation de l’intensification du contrôle glycémique dans le diabète de type 2 : études ACCORD7, ADVANCE8 et VADT9. D’autres concernent les nouvelles thérapeutiques antidiabétiques : inhibiteurs de la DPP-14 et analogues du GLP1. À partir de ces études, les auteurs de ce consensus ont tenté de définir des stratégies thérapeutiques.  Les grandes lignes du consensus ADA/EASD 20094,5 peuvent être résumées en quelques points clés.

Mesures hygiénodiététiques et metformine dès l’instauration du traitement   Les auteurs préconisent l’association d’emblée de ces deux mesures thérapeutiques.  Bien qu’ils reconnaissent l’efficacité des mesures diététiques sur l’HbA1c, ils émettent de nombreuses réserves sur leur observance. C’est pourquoi ils conseillent la mise en route, dès le départ, d’un traitement par metformine. Ce point nous paraît discutable. En effet, un malade qui verra son HbA1c s’améliorer sous l’influence simultanée de la metformine et des recommandations d’hygiène de vie sera, dans la plupart des cas, enclin à penser qu’il peut s’affranchir de l’un ou de l’autre des deux traitements. Le penchant naturel sera d’abandonner ou de relativiser les mesures hygiénodiététiques, toujours contraignantes, et de se contenter de maintenir le traitement pharmacologique. Pour cette raison, lorsqu’il n’y a pas d’urgence thérapeutique, nous pensons que les mesures hygiénodiététiques sont indispensables dès le début de la maladie et qu’elles doivent être essayées seules, dans un premier temps10. L’adjonction de  metformine ne devrait se faire qu’après une période de quelques semaines ou mois,  lorsque les objectifs d’HbA1c et de glycémie ne sont pas atteints, ce qui est en accord avec les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS)11.   Cibles ou seuils d’intervention   Les auteurs définissent une valeur de 7 % comme valeur critique pour l’HbA1c. Dans leur texte, ils disent qu’il faut changer le traitement quand l’HbA1c devient ≥ 7 %. Il s’agit donc d’un seuil d’intervention. En revanche, les auteurs ne disent pas quel est leur objectif, c’est-à-dire leur cible thérapeutique. Rappelons que la cible reste mal définie, surtout après la publication de l’étude ACCORD et qu’elle pourrait être modulable en fonction de l’âge et d’autres caractéristiques telles que le risque d’hypoglycémie ou la présence de complications cardiovasculaires. Notre opinion est qu’une cible à 6,5 % (IDF)12 est souhaitable chez les sujets relativement jeunes et exempts des caractéristiques précitées. En revanche, 7 % serait une cible plus appropriée pour les autres.   Deux algorithmes médicamenteux   Les auteurs séparent les algorithmes thérapeutiques en plans A et B (options 1 et 2)4,5 (figures 1 et 2). Figure 1. Plan A : traitements du diabète bien validés (d’après4,5). Figure 2. Plan B : traitements du diabète moins bien validés (d’après4, 5). Le plan A élimine toutes les nouvelles classes thérapeutiques développées au cours des dernières années : les inhibiteurs de la DPP-4 et les analogues du GLP1. Dans ce plan A, les auteurs ne préconisent que les médicaments antidiabétiques dont l’action thérapeutique a été bien validée : la metformine, les sulfonylurées et l’insuline. Si on limite l’analyse de l’efficacité des antidiabétiques à l’intensité de la chute de l’HbA1c, ces auteurs ont raison (figure 3). Si on dissocie l’hyperglycémie globale en ses deux composantes fondamentales (l’hyperglycémie basale et postprandiale), il est possible de se poser quelques questions. Il faudrait tenir compte de leurs contributions respectives. La contribution de la glycémie postprandiale est quasiment constante (1 % du pourcentage de l’HbA1c), quel que soit le niveau de l’HbA1c, au-delà de 6,5 %13. Ainsi, pour un sujet ayant une HbA1c < 7,5 % (figure 4), c’est l’hyperglycémie postprandiale qui est prépondérante alors qu’au-delà de 7,5 %, c’est l’hyperglycémie basale qui prédomine14.   Figure 3. Diminution moyenne de l’HbA1c induite par les agents hypoglycémiants administrés en monothérapie. L’acarbose, les inhibiteurs de la DPP-4, les analogues du GLP1 et les glinides sont considérés comme agissant plus sur la glycémie postprandiale que sur la glycémie basale. Les thiazolidinediones (glitazones), la metformine et les sulfonylurées agiraient plutôt sur la glycémie basale. Figure 4. Exemple d’un patient diabétique ayant une HbA1c < 7,5 %. Dans ce cas la contribution de l’hyperglycémie globale est voisine de 1 %, celle de l’hyperglycémie basale est < 0,5 %. L’obtention d’une HbA1c < 6,5 % passe par une amélioration de l’hyperglycémie postprandiale. Dans ces conditions, il est aisé de comprendre qu’il soit utile de prescrire des médicaments ciblant les hyperglycémies postprandiales chez un patient ayant une HbA1c comprise entre 6,5 et 7,5 % et pour lequel la cible a été fixée à 6,5 %. Le plan A du consensus n’envisage pas cette possibilité puisque, dans les premières étapes de ce plan, seules des thérapeutiques à visée d’une glycémie basale sont envisagées : metformine, sulfonylurées et insulines basales (insulines NPH ou analogues prolongés de l’insuline). L’utilisation de médicaments à action postprandiale est limitée aux analogues du GLP1 et uniquement dans le plan B4,5. Ignorer et réfuter l’usage, même dans le plan B, des inhibiteurs des alphaglucosidases, des glinides et des inhibiteurs de la DPP-4 est une attitude surprenante. Prenons l’exemple d’un sujet traité par metformine et règles hygiénodiététiques. Son HbA1c est à 7,2 %, ce qui signifie que la contribution de l’hyperglycémie postprandiale est prédominante. Dans ces conditions, pourquoi ne pas compléter le traitement par de l’acarbose, un glinide ou une gliptine ? Dans ce cas de figure, le plan A4,5 recommande l’usage d’une sulfonylurée avec le risque de conduire à des épisodes hypoglycémiques. Le plan B4,5 propose soit de la pioglitazone, soit un analogue du GLP1.  Trois solutions sont proposées, la seule solution postprandiale étant l’analogue du GLP1 par voie injectable. Ne vaut-il pas mieux utiliser des médicaments par voie orale comme l’acarbose les glinides ou les gliptines ? L’un des arguments avancés par les auteurs du consensus ADA/EASD4,5 pour réfuter ces médicaments est leur faible efficacité (-0,6 à – 0,8 % de chute sur l’HbA1c). En dépit de cette restriction, un malade partant de 7,2 % d’HbA1c atteindra 6,5 % avec un glinide, une gliptine ou avec l’acarbose. Les auteurs du consensus indiquent, à juste titre, que les gliptines ne bénéficient pas à ce jour d’études à long terme sur leur efficacité et leur sécurité d’emploi, mais ceci est également vrai pour les analogues du GLP1. Dans ce cas, les résultats des études d’intensification du contrôle glycémique chez les diabétiques de type 2, comme l’étude ACCORD7, seraient plutôt en faveur des gliptines qui ne comportent pas de risque hypoglycémique. En effet, l’étude ACCORD7 a montré que la recherche d’un équilibre glycémique trop strict chez des diabétiques de type 2 augmente à la fois le risque d’accidents hypoglycémiques et le risque de décès. Bien que la relation entre ces deux risques n’ait pu être formellement établie, il est tout de même permis de penser que « le mieux pourrait être l’ennemi du bien » lorsque le « mieux » est la recherche du meilleur équilibre possible avec des médicaments comme les sulfonylurées qui peuvent entraîner des événements hypoglycémiques. Se priver de gliptines et de l’acarbose nous paraît donc une attitude dogmatique et peu adaptée à la réalité. Par ailleurs et dans un autre registre, réfuter l’utilisation de la rosiglitazone sur les seuls résultats contestables de la métaanalyse de Nissen6 nous paraît quelque peu prématuré. Pourquoi ne pas attendre les résultats de l’étude RECORD15 avant d’envisager des décisions de ce type ?   L’insulinothérapie des plans A et B   Un point original du consensus ADA/EASD est d’inciter les médecins à débuter une insulinothérapie intensive plus précocement et lorsque les objectifs glycémiques ne sont pas atteints. Encore faudrait-il que les auteurs précisent quels schémas d’insulinothérapie ils préconisent. Pour l’instant, ils se contentent d’une stratégie « prêt à porter » : insulinothérapie basale au départ, avec association de bolus d’insuline prandiale dans un deuxième temps si nécessaire. Les deux études les plus récentes sur ce sujet (Apollo16 et 4-T17) n’ont pas permis de répondre à la question de savoir si l’insulinothérapie basale (une injection quotidienne d’un analogue lent) est mieux adaptée que l’insulinothérapie prandiale (3 bolus d’analogues rapides avant chaque repas) lorsqu’on débute un traitement insulinique chez un diabétique de type 2. Une synthèse de la comparaison des résultats obtenus à partir des deux essais en comparant le schéma prandial au schéma basal est donnée sur le tableau. Le risque d’hypoglycémies apparaît plus important dans les deux études avec le schéma prandial qu’avec le schéma basal. La variabilité glycémique, autre paramètre de la dysglycémie du diabétique, est mieux améliorée par le schéma prandial que par le basal dans l’étude APOLLO. Les résultats sont identiques sur la variabilité glycémique dans l’étude 4-T. Le risque d’hypoglycémie semble donc plutôt plaider pour les schémas de type basal que pour les schémas de type prandial. Cette conclusion reste toutefois sujette à discussion.   Conclusion   Notre opinion pour le choix des schémas insuliniques est calquée sur celle que nous avons développée pour le choix des traitements par antidiabétiques oraux. Notre position est que le « sur mesure » est mieux que le « prêt à porter », ce qui signifie que le thérapeute doit avoir un regard fixé sur la contribution respective des hyperglycémies basale et postprandiale à l’hyperglycémie globale : - si l’hyperglycémie basale prédomine, ce sont des traitements à visée basale qu’il vaut mieux utiliser ; - dans le cas contraire, ce sont des traitements à visée postprandiale qui sont plus adaptés. La discrimination entre contributions basale et postprandiale peut être faite simplement par l’analyse du niveau de l’HbA1c : - prédominance du postprandial en dessous de 7,5 % ; - prédominance du basal au-dessus de 7,5 %14. Un deuxième regard doit être porté sur le risque hypoglycémique. Si ce risque est élevé, il est préférable d’utiliser les médicaments n’entraînant aucun risque d’hypoglycémie. C’est en particulier le cas quand on part d’une HbA1c < 7,5 %. Les médicaments de la glycémie postprandiale (acarbose, gliptines) appartiennent à cette catégorie. Il est donc regrettable que les auteurs du consensus ADA/EASD les aient rayés d’un trait de plume de la liste des médicaments à utiliser pour contrôler les désordres glycémiques des diabétiques de type 24,5.

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