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Recommandations - Consensus

Publié le 31 aoû 2009Lecture 9 min

Le nouveau « consensus » ADA/EASD - Un compromis acceptable ?

B. CHARBONNEL, Clinique d'endocrinologie, Hôtel Dieu, Nantes

En 2006, les deux principales sociétés savantes transatlantiques de diabétologie, l’American Diabetes Association (ADA) et l’European Association for the Study of Diabetes (EASD), avaient officiellement commissionné un petit groupe d'experts unanimement reconnus, pour proposer ce qui peut être considéré comme des recommandations de bonnes pratiques pour la stratégie du traitement hypoglycémiant du diabète de type 2. Ce Consensus Statement avait été relu par d'autres experts, également commissionnés par les deux sociétés savantes, avant d'être finalement publié dans les deux principales revues de diabète, la revue américaine et la revue européenne.

Même si, comme toute recommandation, ce « statement » avait déjà à l'époque été critiqué, il s'est vite imposé comme la référence internationale, que les différentes recommandations nationales – avec davantage de détails (et quelques divergences) –  ont plus ou moins décliné. Une raison, très légitime, de son succès est qu’il s'agissait de la première grande recommandation qui prenait en compte le coût des traitements. Mais la principale a été sa simplicité : • une seule valeur d'intervention, faisant plus ou moins office de valeur cible : HbA1c < 7 % ; • une seule classe thérapeutique comme traitement de 1re ligne : la metformine, d'emblée titrée à la dose maximale efficace ; • l'impératif d'une intensification sans délai, en cas de résultat insuffisant, autrement dit, sans attendre 2 ou 3 HbA1c successives > 7 % ; • un schéma simple d'introduction de l'insuline : insulinothérapie basale à raison d’1 injection le soir. Il était sans doute plus facile « de faire simple » en 2006, avant la controverse sur les glitazones et alors qu'on ne disposait pas des médicaments dits « incrétine » (encore que l’exénatide était disponible aux États-Unis, mais depuis seulement quelques mois, recul jugé alors insuffisant pour l'introduire dans l'algorithme). La parution de nombreuses études depuis 2006, d'abord la controverse ouverte autour de la rosiglitazone par de nombreuses métaanalyses (la rosiglitazone est-elle ou non associée à un risque accru d'infarctus du myocarde ?), puis les grands essais d'événements de 2008 (ACCORD, ADVANCE, VADT, le suivi 10 ans plus tard de la cohorte de l'UKPDS, etc.), enfin, les études de développement des « médicaments incrétine », agonistes du GLP1 et inhibiteurs de la DPP-4, rendaient le texte de 2006 passablement obsolète, et il est apparu nécessaire aux deux sociétés savantes transatlantiques de l'actualiser. Une première actualisation a été publiée au début de 2008, exclusivement consacrée aux glitazones, et concluait que la controverse ouverte par la métaanalyse de Nissen n'emportait pas la conviction et qu'il n'y avait donc pas lieu de modifier la place des glitazones dans l'algorithme (2e ligne en addition à la metformine, éventuellement trithérapie), qu'il s'agisse de la pioglitazone ou de la rosiglitazone. Elle insistait cependant davantage qu’en 2006 sur les effets secondaires connus des glitazones, en particulier le risque d'insuffisance cardiaque et le risque de fracture chez la femme âgée, et en soulignant qu'il y avait peut-être une différence entre les deux glitazones vis-à-vis de l'infarctus du myocarde. L'essentiel est cependant de dire que cette première actualisation avait confirmé le texte de 2006, sans grande modification. Une deuxième actualisation. Tel n'est pas le cas de cette actualisation publiée en janvier 2009 dans les deux grandes revues de diabétologie, Diabetes Care et Diabetologia. Ce nouveau texte reprend, certes, la plupart des arguments du texte de 2006 mais l'algorithme proposé est nettement modifié. Il perd malheureusement en simplicité... Il s'agit clairement d'un compromis, mais s'agit-il d'un compromis acceptable ?   Les choix initiaux du « statement ADA/EASD » 2006 confirmés   Pour l'essentiel, l'actualisation 2009 confirme, avec un meilleur niveau de preuve, les choix initiaux du « statement ADA/EASD » 2006.   Une valeur unique d'HbA1c  ≤  7  % : le bon compromis Le choix d’une valeur unique d'HbA1c à 7 %, comme seuil d'intervention et plus ou moins comme valeur cible (ce n'est pas bien clair car, comme en 2006, il est conseillé d'avoir une valeur cible inférieure à la valeur d'intervention de 7 %, sans mentionner de chiffre) est maintenu en 2009. Dans les nombreuses discussions qui ont suivi la publication du nouvel algorithme, ce choix n’a pas réellement fait controverse, à la différence des débats sur le choix des classes thérapeutiques. Le débat sur la valeur cible est pourtant, bien plus que celui sur le choix des classes thérapeutiques, essentiel pour les années à venir, après les résultats négatifs des grandes études d'intervention publiées en 2008. À cet égard, il apparaît que ce choix de maintenir une valeur unique à 7 %, à la fois d'intervention et de valeur cible, est sans doute un compromis acceptable, avec un meilleur niveau de preuve qu’en 2006. Les grandes études d'intervention 2008 sont, en effet, négatives : elles ont clairement montré que diminuer l'HbA1c à 6,5 % ne diminue pas le risque de complications cardiovasculaires, certes sur une durée sans doute insuffisante, en moyenne 5 ans, mais, après tout, c'est la durée habituelle des grands essais d'intervention dans le domaine du cholestérol ou de la pression artérielle. Ces grandes études ont, par ailleurs, suggéré qu'une intensification excessive, notamment avec les médicaments qui donnent des hypoglycémies, peut augmenter la mortalité. Les grandes études 2008 viennent donc rétrospectivement plutôt confirmer le chiffre, jugé alors conservateur, d'une HbA1c à 7 % comme référence, référence qu'il faut bien sûr individualiser pour chaque patient.   La metformine « pour tout le monde » en 1re ligne parallèlement aux mesures diététiques et d'activité physique : un choix désormais bien accepté Il s'agissait d'une prise de position originale en 2006 ; elle reste discutée, mais plutôt moins qu'à l'époque : les esprits optimistes continuent de penser qu'il faut commencer par le régime, et réserver la prescription médicamenteuse à l'échec du régime seul. Ils n'ont sans doute pas tort en théorie mais les arguments de 2006 restent forts ; il est bien démontré que, saufs rares cas individuels, l'observance du régime est insuffisante et que les succès « du régime seul » sont exceptionnels sur la durée. Dans ces conditions, retarder la prescription médicamenteuse est un facteur important d'inertie clinique et de retard pris dans le bon contrôle. Les controverses de 2006 sur les alternatives thérapeutiques en 1re ligne ont quasiment disparu. Une recommandation n'empêche évidemment pas le médecin de prescrire un sulfamide, une glitazone, de l'acarbose… en 1re intention, pour telle ou telle raison individuelle (la principale étant, bien sûr, l'intolérance à la metformine), mais une recommandation se doit de faire des choix clairs c'était l'une des qualités premières du « statement » de 2006 et cette volonté de proposer des choix se retrouve dans l'actualisation de 2009. En ce qui concerne le choix de la metformine en 1re ligne, il a comme conséquence, désormais bien acceptée, de considérer toutes les autres médications hypoglycémiantes comme « en add-on » de la metformine.   Les modalités de l'insulinothérapie du diabète de type 2 : une option confirmée par les grandes études Parmi les choix clairs et simples qui avaient contribué au succès du « statement » en 2006, il y avait les modalités de l'insulinothérapie : débuter par le schéma dit « basal » (NPH bed-time ou un analogue lent), une injection le soir titrée sur la glycémie capillaire du matin (il est recommandé de mesurer les glycémies postprandiales simplement si l'HbA1c reste excessive avec une glycémie à jeun correcte), avant d'intensifier l'insuline si besoin, par l'ajout d'insulines prandiales. Un algorithme précis sur la conduite de l'insulinothérapie du diabète de type 2 était publié et il est reconduit dans le document de 2009, sans modification. Il est cependant précisé, par rapport à 2006, qu'il faut tenir compte, avant d'intensifier l'insuline, du risque cardiovasculaire et du risque hypoglycémique de chaque patient. Les grands essais 2008 ont clairement confirmé cette option : il y a une forte suspicion, dans ACCORD et VADT, qu'une intensification mal comprise de l'insuline, associée à un risque hypoglycémique accru, ait pu jouer un rôle dans la surmortalité observée et on sait que les schémas d'insuline à multi-injections majorent le risque hypoglycémique par rapport aux schémas d'insulinothérapie basale à une injection. Ces derniers apparaissent donc clairement en 2009 comme la bonne option initiale pour passer les diabétiques de type 2 à l'insuline.   Ce qui est nouveau et qui fait débat : le choix proposé des classes thérapeutiques   Les controverses, à vrai dire légitimes, portent en réalité sur trois points qui n'existaient pas dans le document de 2006 et qui concernent, ce qui n'est peut-être pas l'essentiel, le choix des traitements hypoglycémiants : • le distinguo entre une stratégie thérapeutique de référence dite « bien validée » et une stratégie thérapeutique dite « moins bien validée », certes recommandée mais réservée à des cas particuliers ; • la préférence donnée à la pioglitazone sur la rosiglitazone ; • l'introduction dans l'algorithme des agonistes du GLP1, mais pas des DPP-4 inhibiteurs. Le distinguo entre une stratégie dite « bien validée » et une stratégie dite « moins bien validée » : un compromis acceptable, mais  compliqué à justifier La stratégie thérapeutique de référence, l’option 1 de l’algorithme, peut être considérée comme acceptable si on fait intervenir les coûts de traitement, ce qui est un paramètre important de choix dans « le statement ADA/EASD ». Il est certain que l'ajout d'un sulfamide à la metformine à la 2e étape du traitement est une stratégie qui ne coûte pas cher, pour un résultat identique aux autres options, du moins à court terme car il est bien précisé dans le document que la durabilité de l'action hypoglycémiante des glitazones est supérieure à celle des sulfamides. Les autres options potentielles à cette étape, glitazones, agonistes du GLP1, DPP-4 inhibiteurs... sont clairement des options plus chères. Il est dommage que la justification de cette stratégie de référence soit « d'être bien validée » car, en vérité, elle n'est validée par aucune étude clinique. Il y a même un débat autour du bénéfice cardiovasculaire de l'association sulfamides et metformine. Si validation il y a, elle est conservatrice – pourquoi pas d'ailleurs ? – ; c'est celle de la très longue expérience de ce type de traitement dans le monde. À l'inverse, la stratégie thérapeutique alternative, l’option 2 étiquetée comme « moins bien validée », est en réalité mieux validée que l’option 1, du moins en ce qui concerne les glitazones, pour lesquelles existent nombre d'études cliniques d'événements, avec d'ailleurs un débat sur le rapport bénéfices/risques. C'est sans doute au nom de ce débat que les glitazones apparaissent dans ce bras 2, compromis légitime, mais justifié par des données solides et non pas par une absence de validation. En revanche, il est vrai qu'on manque d'une validation par des études d'événements pour les agonistes du GLP1, ce qui justifie, en parallèle de leur coût, qu'ils soient situés dans ce bras 2.   La préférence donnée à la pioglitazone sur la rosiglitazone : une précaution Si, comme d'ailleurs explicité dans le texte, les doutes sur l'innocuité cardiovasculaire de la rosiglitazone ne reposent pas sur des bases solides, la précaution veut sans doute, en 2009, dès lors qu'on initie une glitazone, qu'on choisisse plutôt la pioglitazone. Les nouvelles études attendues sur la rosiglitazone, RECORD et BARI-2, permettront d'y voir plus clair.   L'introduction dans l'algorithme des agonistes du GLP1, mais pas des DPP-4 inhibiteurs : un choix qui sera sans doute réactualisé Il était logique d'introduire dans l'actualisation de l'algorithme les « médicaments incrétine » mais on peut s'interroger sur les raisons qui ont fait choisir les seuls agonistes du GLP1. Ces raisons sont indiquées dans le texte : il y a un recul de la mise sur le marché de l’exanatide supérieur à celui de la sitagliptine, différence de recul de 2 ans aux États-Unis. La perte de poids sous exénatide est un argument supplémentaire. En 2006, faute de recul, l’exénatide n'avait pas été introduit dans l'algorithme. Il est logique qu'il le soit aujourd'hui et on peut comprendre que les experts aient souhaité un recul supplémentaire pour la sitagliptine avant de l'introduire dans l'algorithme, vraisemblablement dans la prochaine actualisation ?   Conclusion   Le nouveau « consensus ADA/EASD » peut apparaître comme un compromis acceptable en 2009. Il maintient l’essentiel de ce qui avait fait l'originalité et le succès du texte initial de 2006 et qui s'est trouvé plutôt confirmé par les grandes études publiées depuis. Faute de consensus réel entre les experts (qui, cette fois-ci, n'avaient pas été officiellement commissionnés par les deux sociétés savantes) sur le choix des classes thérapeutiques à employer aux étapes d’intensification du traitement, il s'est inutilement compliqué. Le compromis proposé, pour l'essentiel basé sur le coût des traitements, fait débat, comme tout compromis, mais il peut être considéré comme une référence utile, à adapter bien entendu à chaque cas individuel.

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