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Peau-Muqueuse-Plaie

Publié le 31 aoû 2009Lecture 11 min

Pansements et pied diabétique

S. SCHULDINER, J.-L. RICHARD, Centre Médical, Le Grau du Roi, CHU de Nîmes

La survenue d’un trouble trophique chez le diabétique est, en général, lourde de conséquences. Outre les risques non négligeables d’infection et d’amputation, la présence d’un ulcère du pied est un facteur de surmortalité précoce chez le patient diabétique. Différents facteurs interagissent dans la survenue des plaies et leur aggravation : neuropathie périphérique, artériopathie des membres inférieurs, déformations du pied, facteurs traumatiques… Quoi qu’il en soit, la prise en charge thérapeutique comprend systématiquement deux aspects : les mesures générales et les soins locaux.

Par mesures générales, s’entendent l’amélioration de l’équilibre glycémique, qui passe souvent par l’instauration ou le renforcement d’une insulinothérapie, la restauration si nécessaire d’un apport artériel suffisant, le traitement par antibiothérapie générale d’une infection et surtout la mise en décharge du pied atteint. Ces pratiques sont pour la plupart relativement consensuelles et appliquées. Il n’en est pas nécessairement de même pour les traitements locaux, qui sont régulièrement l’objet de controverse et pour lesquels le manque d’études probantes est criant. La diversité des pansements disponibles est, par ailleurs, telle qu’il est difficile d’y voir clair…   Première étape : nettoyer la plaie et son environnement   Le nettoyage de la plaie doit être réalisé au sérum salé physiologique après avoir nettoyé la peau périlésionnelle à l’eau et au savon. Il a pour but d’éliminer les débris cellulaires avant l’application du pansement. L’utilisation locale d’antiseptiques est à proscrire en raison de l’agressivité de ces produits sans preuve de leur efficacité. Le bain de pied n’est pas non plus recommandé. La détersion a pour objectif d’éliminer les tissus nécrotiques et fibrineux, de diminuer la charge bactérienne et de mettre à nu le tissu sain. Cette détersion est impérative en cas de plaie neuropathique, mais doit rester extrêmement prudente dans les lésions ischémiques, en l’absence de revascularisation, sous peine de voir la plaie s’aggraver. On distingue le débridement mécanique, à l’aide de pinces, ciseaux, bistouris et scalpels, qui nécessite une certaine dextérité, du débridement autolytique par le biais du maintien de la plaie en milieu humide. Certains pansements facilitent ce processus comme les hydrocolloïdes, les alginates ou les hydrogels. Récemment en France est devenue disponible la détersion au moyen de larves de mouches (Lucilia sericata) qui permettent, par les enzymes protéolytiques sécrétées, une détersion « biozoologique » très rapide1. Les larves sont regroupées dans un petit sac fermé déposé sur la plaie et recouvert d’une compresse imbibée de sérum physiologique. Les berges de la plaie doivent être protégées des enzymes par une pâte à l’eau et l’action des larves, surveillée une fois par jour. Bien que le coût soit pour l’instant non négligeable, cette technique semble prometteuse compte tenu de son efficacité certaine. La méthode la plus rapide et efficace reste le parage chirurgical réservé à certaines indications de plaies profondes, infectées ou très nécrotiques. Les méthodes par application locale d’enzymes protéolytiques ne sont qu’exceptionnellement utilisées en raison de la neuropathie sensitive fréquente qui masque la douleur en cas de trop grande agressivité du produit.   Deuxième étape : le recouvrement de la plaie   Cela nécessite d’utiliser à bon escient les différentes propriétés des pansements et des produits locaux disponibles2 : trop de choix tue le choix…   Les pansements dits « classiques » Le premier rôle des pansements est l’entretien d’un milieu humide dont les effets bénéfiques sur la cicatrisation sont bien étayés. Cependant, les études cliniques rigoureuses font toujours défaut pour fonder le choix d’un pansement sur des critères objectifs et celui-ci procède encore de l’empirisme et des habitudes individuelles. Le choix est en pratique orienté par la plaie elle-même (site, stade évolutif, quantité d’exsudats et profondeur), la présence ou non d’une infection et l’état de la peau périlésionnelle. Dans l’idéal, un pansement doit protéger la plaie de l’extérieur, absorber les exsudats sans dessécher, ne pas adhérer à la plaie avec un retrait atraumatique, avoir un rapport qualité/prix satisfaisant et bien entendu, favoriser la cicatrisation… Les hydrocolloïdes (Algoplaque®, Duoderm®, Comfeel plus®, etc.) sont des pansements contenant des agents gélifiants (carboxy-méthyl-cellulose sodique ou CMC associée à de la gélatine ou de la pectine) sur un film ou une mousse de polyuréthane. Ils se présentent en plaque, en pâte ou en poudre et ont des propriétés d’absorption de l’exsudat par formation d’un gel permettant la réhydratation des plaies sèches. Les formes minces ou extraminces sont destinées aux plaies peu exsudatives au stade d’épidermisation, tandis que les formes plus épaisses peuvent être appliquées à tous les stades de la cicatrisation. Ils ont comme désavantage de favoriser les odeurs nauséabondes et la macération des berges en cas d’utilisation prolongée ; en outre, il ne faut pas les utiliser sur des plaies infectées. Ces hydrocolloïdes, les premiers à avoir inauguré l’ère des pansements modernes, sont quelque peu tombés en désuétude avec la commercialisation de produits plus sophistiqués ; ils sont actuellement surtout utilisés en protection devant une lésion pré-ulcérative (phlyctène). Les hydrofibres (Aquacel®) sont également constituées de CMC, ce qui leur confère un fort pouvoir absorbant en regard de la plaie. Ces produits disponibles sous forme de compresse ou de mèche, nécessitent un pansement secondaire. Ils sont indiqués en cas de plaie très exsudative. Les hydrocellulaires (Allewyn®, Mepilex®, Biatain®, Askina®, etc.) se présentent sous forme de mousse constituée d’une couche interne au contact de la plaie, d’une mousse de polyuréthane intermédiaire et d’un film semi-perméable externe. Ils ne se délitent pas au contact des exsudats et maintiennent ainsi un climat humide. Les formes non adhésives sont à privilégier chez les diabétiques, en raison du risque d’altération de la peau périlésionnelle au retrait du pansement ; ils existent également sous des formes adaptées aux contraintes anatomiques (sacrum, talon ; Biatain sacrum®, Biatain talon®, Allewyn heel®, Allewyn sacrum®, Tielle sacrum®, etc.). Un pansement à l’ibuprofène est actuellement disponible (Biatain Ibu®), particulièrement indiqué dans les plaies douloureuses exsudatives. Au contact des exsudats, l’ibuprofène est relargué dans la plaie en continu et de façon prolongée (jusqu’à 7 jours) sans passage systémique. Les alginates (Algostéril®, Urgosorb®, etc.), issus d’algues marines, présentent de fortes propriétés absorbantes et, pour certains, hémostatiques. Ils sont donc indiqués en cas de plaies moyennement à très exsudatives, permettant une détersion de la plaie. Ils se présentent sous forme de compresse ou de mèche et nécessitent parfois d’être humidifiés au sérum physiologique. Les hydrogels (Urgo hydrogel®, Intra-site®, Nu-gel®, Purilon gel®, Normgel®, etc.), sont constitués d’un fort pourcentage d’eau, permettant le maintien humide de la plaie et favorisant la détersion autolytique. Ils sont particulièrement indiqués dans les plaies sèches ou peu exsudatives et disponibles sous forme de gel ou de plaque (Intra-site conformable®) qui peut être découpée à la taille de la plaie, évitant ainsi la macération des berges. Ils nécessitent d’être recouverts par un pansement secondaire. Les pansements au charbon (Actisorb Ag+®, Carbonet®, etc.) ont la propriété d’adsorber les bactéries et sont, pour certains, associés à des ions d’argent, au pouvoir bactériostatique. Ils sont donc indiqués dans la détersion de plaies surinfectées et malodorantes. Il est parfois nécessaire de les humidifier. Les pansements à l’argent possèdent une action bactériostatique par effet dégénératif sur l’ADN et l’ARN, les protéines du cytosol et la respiration mitochondriale, conduisant à la mort cellulaire. La sulfadiazine argentique (Flamazine®, Urgotul S Ag®) est très utilisée sur les brûlures et présente un effet antiseptique sur les bactéries à Gram négatif et le staphylocoque doré. Divers pansements contenant des ions argent (Acticoat®) sont également disponibles, associés au charbon (Actisorb Ag+®), hydro-alginate (Release Ag®), hydrofibres (Aquacel argent®), hydrocellulaires (Biatain argent®), hydrocolloïdes (Cellosorb argent®), etc. Ils diffèrent par la forme physicochimique sous laquelle ils renferment l’argent et par le relargage plus ou moins important et étalé dans le temps de cet ion. Leur place n’est pas actuellement définie précisément et une analyse récente n’a pas montré d’efficacité particulière dans le traitement local des ulcères du pied chez le diabétique3. Les pansements d’interface sont imprégnés de corps gras, vaseline (Jelonet®, Vaselitulle®), particules d’hydrocolloïdes et vaseline (Physiotulle®, Urgotul®), ou silicone (Mepitel®). Ils sont peu adhérents et peuvent être utilisés en phase d’épidermisation ou pour éviter le retrait traumatique d’un pansement absorbant. Les films semi-perméables (Visulin®, Opsite®, etc.), sont des films de polyuréthane perméables à l’air, imperméables aux liquides et aux bactéries. Ils favorisent ainsi le maintien de l’humidité et leur transparence permet un contrôle visuel de la plaie. Ils peuvent être utilisés en phase d’épidermisation et en pansement secondaire.   Les pansements visant à se substituer à la matrice extracellulaire L’acide hyaluronique et le collagène sont des composants physiologiques abondants du derme. Les pansements contenant de l’acide hyaluronique conditionnés en compresses, mèches ou crème (Ialuset®, Effidia®) seraient indiqués à tous les stades de la cicatrisation. Catrix® est une poudre de collagène qui servirait de support aux cellules de la cicatrisation. Le pansement OASIS® est fabriqué à partir de la sous-muqueuse de l’intestin grêle porcin, contenant essentiellement du collagène et recréant une matrice extracellulaire favorable à la cicatrisation. Ce pansement est indiqué dans le traitement des lésions cutanées profondes et partielles, notamment les compressions chroniques, les ulcères d’origines vasculaire et diabétique, les brûlures au deuxième degré, les érosions, ainsi que les lésions au site donneur autogreffe.   Les facteurs de croissance et les matrices antimétalloprotéases Les facteurs de croissance sont sécrétés au niveau de la plaie et agissent sur les cellules impliquées dans le processus de cicatrisation. Leur utilisation à des fins thérapeutiques est proposée chez le diabétique et dans les plaies chroniques, pour pallier une probable déficience de ces facteurs. On distingue des produits fournissant plusieurs facteurs de croissance et des produits n’en contenant qu’un4. Les gels plaquettaires apportent à la plaie un « cocktail » de facteurs de croissance extraits des plaquettes obtenues initialement à partir d’un pool de donneurs (Procuren®) et actuellement à partir du sang du patient, de façon extemporanée puis conditionnés. Les leucocytes et thrombocytes produisent et libèrent les facteurs de croissance nécessaires à la cicatrisation. Différents kits sont développés (RegenPRP®, Magellan-derived PRP®), permettant une préparation rapide du produit. La béclapermine (Regranex®), constitué de PDGF (platelet-derived growth factor) BB humain obtenu par génie génétique, se présente sous forme d’un gel aqueux à base de CMC, indiqué dans le traitement des plaies neuropathiques non infectées, de surface ≤ 5 cm2 ; sa prescription se fait sur une ordonnance de médicaments d’exception pour une durée maximale de traitement de 20 semaines. De nombreuses protéases sont également présentes dans le foyer de cicatrisation, notamment les métalloprotéases, qui, en excès, pourraient inactiver les facteurs de croissance et ainsi contribuer au retard de cicatrisation des plaies du diabétique, d’où le développement de pansements à activité antiprotéasique5 comme Promogran® et plus récemment Cellostart® : le premier est constitué d’une matrice de collagène et de cellulose oxydée se liant aux métalloprotéases en présence d’un exsudat. Le deuxième est une matrice imprégnée d’un composé qui au contact de l’exsudat se transforme en un gel ayant des propriétés anti-métalloprotéases matricielles.   Les substituts cutanés De nouveaux pansements dits « actifs » sont actuellement développés, les substituts cutanés vivants. Parmi ces produits, on distingue les équivalents dermiques (Dermagraft®) et les équivalents composites, dermiques et épidermiques (Apligraf®, OrCel®, Hyaff-11®, GraftJacket®). Leur intérêt réside essentiellement dans l’apport local de facteurs de croissance et de protéines de la matrice extracellulaire. Ils sont élaborés à partir de fibroblastes et/ou de kératinocytes, prélevés sur des prépuces de nouveau-nés pour certains, de biopsies cutanées des patients pour d’autres, cultivés sur des matrices de collagène d’origine bovine (Apligraf®) ou d’acide hyaluronique (Hyaff-11®). Ces produits sont pour l’instant indisponibles en France et en outre coûteux.   La technique de pression infra-atmosphérique Dans certains cas, il est possible de recourir à la technique de pression infra-atmosphérique (« négative ») dont le système le plus répandu est le Vacuum Assisted Closure (VAC®, KCI) : elle consiste à appliquer une dépression sur la plaie au travers d’une structure spongieuse en polyuréthane ou polyvinyl-alcool (figure) ou des compresses. Ce système favorise la cicatrisation en améliorant la circulation sanguine, en éliminant les exsudats, en stimulant les facteurs de croissance, le processus de néoangiogenèse et le tissu de granulation, et en diminuant la colonisation bactérienne6. Elle est contre-indiquée en cas de plaie nécrotique et adhérente, fibrineuse à plus de 50 %, en cas d’infection non contrôlée par une antibiothérapie, en cas de plaie cancéreuse ou d’ischémie critique. Une étude préliminaire a montré son efficacité dans la cicatrisation des moignons d’amputation chez les diabétiques7. Figure. Technique du Vacuum Assisted Closure (VAC®) pour traiter les plaies profondes. Ce que l’avenir nous réserve…8 Malgré des résultats controversés, la voie des facteurs de croissance continue à être exploitée et notamment l’EGF, le KGF ou le VEGF (telbermine)*, un facteur de croissance qui semble essentiel dans le processus de cicatrisation (angiogenèse), ou certains de leurs récepteurs, PDGF-R, FGF-R, ou encore une lactoferrine recombinante au rôle immunomodulateur et inducteur de cytokines essentielles à la réparation tissulaire… Des cellules souches issues de prélèvement de moelle osseuse, sécrétrices d’une grande quantité de facteurs de croissance sont en cours de développement, en application directe sur la plaie. On retiendra également l’amélogénine (Xelma®), composant de la matrice extracellulaire, en cours d’étude, ou encore Chrysalin®, peptide de synthèse de 23 acides aminés correspondant à la séquence du « thrombin-binding-domain » qui, liant le récepteur de la thrombine à la surface des fibroblastes, est impliqué dans le processus de réparation tissulaire…   Troisième étape : des indications   Parmi l’ensemble de ces dispositifs, le choix sera fonction de la plaie et de son évaluation (tableaux) : en cas de nécrose, on s’orientera vers un hydrogel et une détersion de la plaie (sous réserve d’une vascularisation satisfaisante) ; en cas de plaie fibrineuse et exsudative ou de plaie bourgeonnante, le choix se portera vers un alginate, une hydrofibre ou un hydrocolloïde. Les pansements au charbon et à l’argent seront à privilégier en cas d’infection ; en phase d’épithélialisation, on s’orientera vers un pansement gras ou un hydrocolloïde9. * Le développement clinique de ce facteur vient d’être arrêté. Au total   La prise en charge d’une plaie du pied diabétique, en raison de son origine souvent complexe et de son évolution parfois incertaine, nécessite une approche multidisciplinaire et la mise en œuvre de traitements généraux et locaux. Même si les avancées technologiques en matière de topiques locaux semblent des plus prometteuses, les preuves cliniques de leur efficacité au sein d’études correctement menées sont inversement proportionnelles à la quantité de produits disponibles10. Tout reste donc possible… et à faire ! Bibliographie sur demande à la rédaction.

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