publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Insuline

Publié le 31 mar 2012Lecture 8 min

Insulinothérapie fonctionnelle - Mode d’emploi

C. SACHON, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris

L’insulinothérapie fonctionnelle (IF), pratiquée depuis les années 1980 en Allemagne, doit être considérée comme l’insulinothérapie de référence aujourd’hui chez tous les diabétiques type 1. Il s’agit en effet d’un traitement physiologique s’efforçant de reproduire au mieux l’insulinosécrétion. Sa mise en place se décline en trois actes : « vivre, manger, soigner » :
- le jeûne permet d’évaluer les besoins insuliniques de base, c’est-à-dire les besoins en insuline pour « vivre » ;
- les doses prandiales, « manger », s’évaluent au moment des repas ;
- l’évaluation de l’efficacité d’une unité de rapide sur la glycémie permet de déterminer les doses d’insuline rapide à injecter pour ramener la glycémie dans l’objectif idéal : « soigner ».

Détermination des besoins de base : le jeûne (encadrés 1 et 2)   On peut proposer un jeûne total ou seulement un jeûne glucidique. Le jeûne glucidique est plus proche de la « vraie vie », et s’avère plus facile à accepter par la majorité des patients. Lors de ce test, les repas doivent être standardisés : • petit-déjeuner : thé, café ou tisane ; • déjeuner et dîner : salade avec peu de sauce vinaigrette, viande grillée (100 g) ou poisson au court-bouillon. L’insuline basale doit être injectée à l’heure habituelle, dans notre expérience, les injections de lévemir sont faites le matin et au coucher, celles de glargine sont le plus souvent faites le soir au coucher, dans la mesure où cette insuline dure souvent moins de 24 heures et dans 20 à 30 % des cas même moins de 20 heures ! L’épreuve de jeûne est le seul moyen de mettre en évidence la durée d’action de l’insuline basale.     Les glycémies sont contrôlées toutes les heures ou toutes les 2 heures pendant la journée, à 22 h, 3 h et 6 h du matin. Pour commencer ce test dans des conditions optimales, il est conseillé de faire un profil glycémique nocturne la nuit précédente. Il est en effet important de vérifier qu’il n’y a pas eu d’hypoglycémie nocturne et de voir la « cinétique » de la glycémie en fin de nuit. La glycémie du réveil peut être tout à fait satisfaisante et pourtant avoir presque doublé en fin de nuit. Il est conseillé de faire un correctif thérapeutique avec de l’insuline rapide au réveil, pour essayer d’obtenir une glycémie < 1,20 g/l, sinon, la glycémie continue le plus souvent à augmenter pendant la matinée et peut atteindre 2 voire 3 g à midi (phénomène de l’aube). Pendant la journée, il ne faut plus faire ces correctifs thérapeutiques, au risque de ne pas pouvoir évaluer la durée d’action de l’insuline de base. Le soir avant le dîner, nous faisons, si besoin, un correctif thérapeutique. Lors des repas du midi et du soir, nous injectons 1 unité d’insuline rapide, si la glycémie est > 1 g/l, pour « couvrir » les apports en protéines. En effet, en l’absence de cette injection, il est habituel d’observer une augmentation glycémique postprandiale. La dose d’insuline basale est considérée comme appropriée si les glycémies au cours de l’épreuve restent à peu près stables, c’est-à-dire varient au plus de ± 0,35 g/l. Les résultats de la journée et de la nuit doivent être interprétés séparément, puisqu’ils concernent 2 injections différentes (celle de la veille au soir et celle du soir même). L’insuline basale doit permettre d’obtenir une glycémie à peu près stable pendant le jeûne. Le jeûne a par ailleurs des vertus pédagogiques. Pour de nombreux patients, c’est la première fois qu’ils sautent des repas. Cette épreuve permet de briser le mythe selon lequel les diabétiques type 1 doivent manger à heures fixes, ce qui entravait considérablement leur vie sociale et professionnelle ! Évaluation des doses prandiales   Avant tout, il est nécessaire de définir les objectifs glycémiques avant repas et 4 heures après repas Avant le repas, il est souhaitable d’avoir ou d’obtenir une glycémie proche de la normale, c’est-à-dire entre 0,7 et 1,20 g/l, idéalement. En revanche, 4 heures après le repas, l’objectif n’est pas aussi strict ; le but étant d’éviter les complications graves à long terme, la glycémie doit se situer entre 0,8 et < 1,80 g/l. Il est donc nécessaire d’avoir défini au préalable l’efficacité d’une unité de rapide sur la glycémie (cf. infra). Les doses prandiales s’évaluent lors des repas Il n’est pas indispensable de proposer des repas types, calibrés en glucides. Il est possible de s’adapter à ce que mange le patient. Par simplicité, nous évaluons les besoins pour 10 g de glucides. Expérimentalement, le patient injecte une dose d’insuline rapide pour un repas d’une teneur en glucides connue. Si la dose est bien estimée, la glycémie 4 heures après le repas, c’est-à-dire en fin d’action de l’insuline rapide, doit ressembler à la glycémie préprandiale.   Exemple   Le diabétique a injecté 8 unités avant le repas qui contenait 80 g de glucides. Si la glycémie 4 heures après repas est à 2,30 g/l et que 1 unité de rapide abaisse la glycémie de 0,30 g, on peut évaluer qu’il « manquait » 3 à 4 unités sur la dose qui a été injectée, il fallait donc 12 unités. Avant de calculer le nombre d’unités nécessaires pour 10 g de glucides, il faut regarder quelle était la glycémie avant le repas, pour évaluer combien d’unités étaient destinées à « soigner » la glycémie. Si la glycémie avant le repas était à 1,10 g, les 12 unités étaient donc destinées à couvrir les 80 g de glucides ; donc il faut théoriquement 1,5 unité pour 10 g de glucides. Mais si la glycémie préprandiale était à 1,80 g, on peut considérer qu’il y avait 3 à 4 unités pour « soigner » la glycémie. Pour « couvrir » le repas, il reste donc 12 - 4 = 8 unités, soient 1 unité pour 10 g de glucides pour ce repas. Il arrive bien sûr que le calcul ne soit pas aussi simple et que les besoins calculés soient de 1,8 unité pour 10 g de glucides. Le calcul n’est pas aisé… les assistants bolus proposés par certains lecteurs de glycémie ou par les pompes sont utiles, ou tout simplement une calculette. Pour notre part, nous essayons de proposer des calculs faciles, par exemple 1 unité pour 10 g de glucides, en ajoutant 1 unité sur le total, si les besoins calculés sont de 1,2 U… Incidence des protéines Lors du jeûne glucidique, l’effet des protéines sur la glycémie est souvent bien mis en évidence, si on n’injecte pas 1 unité de rapide lors des repas du midi et du soir. Les diabétiques l’ont eux-mêmes souvent constaté lors des repas riches en protéines, fondue, raclette… Il est conseillé dans ces cas d’injecter 1 unité pour 100 g de viande, fromage ou poisson lorsque la quantité ingérée est supérieure à 200 g. Incidence des lipides Nous avons mis en évidence une hyperglycémie tardive, plus de 6 h après un repas contenant 60 g de lipides. Cette hyperglycémie est corrélée au taux de triglycérides. Il n’est pas possible d’anticiper avec l’insuline rapide, mais seulement de « soigner » la glycémie avant le repas suivant ; chez quelques patients, la glycémie augmente plus rapidement, il faut alors majorer la dose du repas de 1 voire 4 unités. Un patient faisait jusqu’à 5 unités pour une cuillerée à soupe de mayonnaise ! Incidence des boissons alcoolisées Il est bien connu que la prise de boissons alcoolisées, sans apport glucidique, peut entraîner des hypoglycémies. La prise d’alcool peut également être responsable d’hyperglycémie tardive, probablement par le biais d’une augmentation des triglycérides. La glycémie postprandiale est normale, l’hyperglycémie survient 6 à 8 heures après le repas et ne peut être prise en compte avant le repas. Attention, il n’y a pas que les glucides. Protides, lipides, et alcool peuvent également intervenir !   Les correctifs thérapeutiques : l’insuline pour « soigner »   L’efficacité d’une unité d’insuline rapide sur la glycémie peut être évaluée par un calcul mis au point par les spécialistes de la pompe à insuline : 18 divisés par la dose totale d’insuline quotidienne. La valeur obtenue se situe le plus souvent entre 0,3 et 0,4 g/l. Cette efficacité dépend bien sûr de la sensibilité du patient à l’insuline et peut varier de 0,2 à 0,6 g/l. Les prescriptions doivent donc être personnalisées. Il semble même que la sensibilité ne soit pas la même matin, midi et soir, avec une sensibilité moindre le matin. 1 unité d’insuline rapide abaisse habituellement la glycémie de 0,3 à 0,4 g/l. L’utilisation de l’insuline « pour soigner » se fait avant les repas mais aussi 4 heures après les repas si besoin, l’objectif n’étant pas le même. Objectif glycémique idéal avant le repas : 0,7 à 1,20 g/l. Objectif glycémique souhaitable 4 heures après repas : < 1,80 g/l.   La formation diététique est indispensable   Non seulement il faut connaître la teneur en glucides des différents aliments, mais il faut être capable d’évaluer correctement la quantité d’aliments contenus dans l’assiette ! Les assistants bolus ne permettent pas encore de faire cette évaluation. Il faut donc trouver des outils pour aider le patient. La balance est possible à la maison, mais difficile ailleurs ! Les cuillerées à soupe ne contiennent pas toujours le même poids d’aliments… Il faut apprendre à mémoriser les volumes. L’utilisation à la maison d’une louche pour se servir peut apporter une aide importante : en effet, une louche rase contient à peu près toujours le même poids d’aliments quels qu’ils soient. Il est alors possible de « calibrer » sa louche. Une louche qui contient 100 g d’aliments cuits peut être convertie en grammes de glucides : 20 g si ce sont des féculents, 10 g s’il s’agit de carottes ou autres légumes à 10 %, 5 g si ce sont des légumes verts. Une louche arasée contient à peu près toujours le même poids d’aliments cuits. Il faut s’astreindre à visualiser le volume obtenu pour le mémoriser. En ce qui concerne les fruits, attention à ne pas peser la peau ! Il ne faut pas croire non plus que toutes les pommes pèsent le même poids et penser qu’une pomme apporte systématiquement 20 g de glucides ! Lorsque les patients sont incapables d’évaluer les glucides ou de compter les doses d’insuline, l’IF doit être adaptée à leurs capacités. Il faut fixer avec le patient les repas qu’il souhaite prendre et établir les doses d’insuline en fonction des glucides et de la glycémie avant le repas, pour chacun des repas. Le dessert préféré doit être traduit en quantité d’insuline par les soignants.   Conclusion   L’insulinothérapie fonctionnelle est l’insulinothérapie moderne dont doivent bénéficier tous les diabétiques type 1. Elle permet une amélioration de l’HbA1c, une réduction des hypoglycémies et une meilleure qualité de vie.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème