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Diagnostic

Publié le 31 aoû 2010Lecture 10 min

Faut-il changer les critères de diagnostic du diabète ? - LE POUR : L’HbA1c en complément des glycémies

L. MONNIER, C. COLETTE, Institut Universitaire de Recherche Clinique, Montpellier

Le diabète est dû à une « dysrégulation insulinique » qui allie une altération de la sécrétion insulinique et un état d’insulinorésistance. Cette définition étant inadaptée à la pratique médicale courante, les diabétologues ont utilisé la « dysglycémie », c’est-à-dire la conséquence des troubles précités, pour définir les états diabétiques. Mais de quel type de dysglycémie s’agit-il ? En effet, les désordres glycémiques du diabétique comprennent au moins trois composantes : l’hyperglycémie de jeûne, l’hyperglycémie postprandiale et l’exposition chronique au glucose, dont le marqueur habituel est l’HbA1c1,2.
Ces trois composantes sont habituellement désignées sous le terme de « triade glucose »3.

Pendant des années le dogme a été de considérer que la définition du diabète était basée sur des mesures glycémiques à jeun et/ou après charge glucosée (glycémie à la 2e heure d’une épreuve d’HGPO) tandis que la mesure de l’HbA1c devait rester cantonnée à l’évaluation de l’équilibre glycémique d’un diabète déjà dépisté, connu et traité. Ce concept admis depuis plus de 10 ans a subitement été remis en cause au mois de juin 2009 au dernier congrès de l’American Diabetes Association (ADA) à la Nouvelle-Orléans par un comité d’experts internationaux, qui propose tout simplement de remplacer la (les) glycémie (s) par l’HbA1c pour définir et dépister le diabète sucré4, ce qui a suscité l’enthousiasme chez certains, la réprobation ou l’ironie chez d’autres et de nombreuses interrogations chez la plupart. Les nouvelles recommandations de l’ADA tiennent compte des nouvelles propositions sans désavouer les anciennes5. Ce jugement de Salomon sans vainqueur ni vaincu, témoigne de la perplexité de la communauté scientifique. Toutefois, il conviendrait que cette perplexité ne se transforme pas en confusion et ne jette pas le trouble dans les esprits des professionnels de santé et des patients. À titre d’exemple, certains patients « étiquetés » comme étant diabétiques avec le critère glycémie, peuvent ne plus l’être si on utilise le critère HbA1c. Dans ce cas, lequel faut-il choisir ? Notre opinion est que les deux critères peuvent coexister et être complémentaires. Notre but dans les lignes qui suivent sera de démontrer pourquoi cette coexistence est possible, voire utile. Avant d’envisager ce problème, il est toutefois utile de rappeler brièvement les définitions anciennes et nouvelles et de développer les arguments des tenants de la réforme.   La définition du diabète sucré basée sur les glycémies   Au cours des 30 dernières années, c’est-à-dire depuis la publication en 1979 du texte du National Diabetes Data Group6, la définition du diabète sucré et des états d’intolérance au glucose a fait l’objet de nombreuses révisions. Toutes furent basées sur la mesure de la glycémie à jeun et de la glycémie postprandiale pratiquée à la 2e heure d’une charge orale avec 75 g de glucose (HGPO). Les critères actuellement en vigueur, confirmés par la publication des derniers Standards de l’American Diabetes Association, peuvent être résumés ainsi5. Un sujet est considéré comme diabétique : – si la  glycémie à jeun est ≥ 1,26 g/l (7 mmol/l), le jeûne étant défini par une absence d’apport calorique depuis au moins 8 heures ; – si la glycémie à la 2e heure d’une épreuve d’HGPO est ≥ 2 g/l (11,1 mmol/l). Un sujet est considéré comme étant à risque de développer un diabète sucré : – si la glycémie à jeun est comprise entre 1 g/l et 1,25 g/l (5,6 et 6,9 mmol/l) : anomalie de la glycémie à jeun ; – si la glycémie à la 2e heure de l’HGPO est comprise entre 1,40 g/l et 1,99 g/l (7,8 et 11,0 mmol/l).   Pourquoi introduire de nouveaux critères basés sur l’HbA1c et quelles valeurs seuils devraient être retenues ?   Pourquoi ? L’argument majeur pour proposer l’HbA1c en remplacement des glycémies pour le diagnostic du diabète sucré est basé sur le fait que l’HbA1c est un marqueur qui intègre le degré d’exposition au glucose sur une période de temps prolongée, de l’ordre de 2 à 3 mois1,2. À l’inverse, les glycémies sont des paramètres ponctuels qui peuvent être l’objet de fluctuations chez un même individu d’un jour à l’autre. Ainsi, à condition que le dosage de l’HbA1c soit bien standardisé, les tenants de l’HbA1c considèrent que sa mesure est plus fiable que celle de la glycémie, même si cette dernière est mesurée après une période de jeûne suffisante. Les études montrent que la variabilité intra-individuelle de l’HbA1c d’un jour à l’autre est < 2 % alors qu’elle est de 12 à 15 % pour la glycémie à jeun. Cette dernière peut en effet être modifiée par de nombreux paramètres liés au sujet lui-même : état de stress au moment du prélèvement, jeûne de > 8 heures non respecté. Un élément qui n’a jamais été souligné par ceux qui dénigrent la valeur de la glycémie à jeun est lié à la présence du phénomène de l’aube. Il correspond à la remontée de la glycémie en fin de nuit, à partir de 4 à 5 heures du matin, sous l’influence de la production hépatique du glucose dont le niveau d’intensité remonte progressivement à partir de minuit pour atteindre son maximum vers 8-9 heures du matin. Ainsi, l’horaire de la prise de sang en fin de nuit est capital pour interpréter une glycémie de jeûne. Dans une étude publiée en 2007 dans Diabetes Care7, nous avons montré par la technique du CGMS que, chez des patients ayant une HbA1c < 6,5 %, les concentrations de glucose sous-cutanées sont égales à 5,5 mmol/l (1g/l) aux alentours de 6 heures du matin et à 7 mmol/l (1,26 g/l) à 8 heures du matin juste avant le petit-déjeuner (figure 1). Bien que la glycémie interstitielle soit légèrement plus basse que la glycémie veineuse, la sous-estimation effectuée sur les deux mesures interstitielles comparativement aux mesures veineuses est la même. Dans ces conditions, on peut considérer que la glycémie augmente spontanément de 1,5 mmol/l soit 0,26 g/l entre 6 et 8 heures du matin. Ainsi, un sujet ayant une HbA1c < 6,5 % pourra être étiqueté diabétique sur la glycémie à jeun si le prélèvement est effectué à 8 heures du matin alors qu’il ne le sera pas si la glycémie est mesurée sur un échantillon de sang prélevé 2 heures avant, vers 6 heures du matin. Dans les deux cas le sujet est à jeun mais le résultat ainsi que son interprétation seront différents. Ces observations plaident indiscutablement en faveur de l’HbA1c comme test diagnostique, car le dosage de l’HbA1c n’est pas influencé par l’horaire du prélèvement. La glycémie peut également varier en fonction de la conservation de l’échantillon après le prélèvement. Le glucose peut se dégrader dans le tube de prélèvement par phénomène de glycolyse. L’HbA1c échappe à ce type de réserve. Figure 1. Profil glycémique sur 24 heures chez des diabétiques de type 2 ayant une HbA1c < 6,5 %. Le petit déjeuner est pris à 8 heures du matin. La concentration en glucose est égale à 7 mmol/l (1,26 g/l). à 6 heures du matin elle est de 5,5 mmol/l (1g/l). La différence entre les 2 glycémies, 0,26 g/l, est liée au phénomène de l’aube : remontée spontanée de la glycémie en fin de nuit sous l’influence de la production hépatique du glucose7.   Quelles valeurs choisir pour l’HbA1c si on retient ce paramètre ? Une étude dans 9 pays sur une population de 28 000 sujets (DETECT-2) a montré qu’il n’y a pratiquement aucun cas de rétinopathie en dessous de 6 % d’HbA1c (figure 2). La fréquence de la rétinopathie augmente progressivement au-delà de 6 %. Elle reste modeste entre 6 et 6,5 % et augmente de manière significative au-delà de 6,5 % (figure 2)4. En se basant sur ces données, les membres du comité d’experts ADA/EASD ont proposé de considérer qu’un sujet n’est pas diabétique en dessous de 6 %, qu’il est à haut risque de diabète entre 6 et 6,4 %. Le sujet est considéré comme diabétique lorsque son HbA1c est ≥ 6,5 %. Ces propositions faites dans l’article de Diabetes Care en juillet 20094 ont été affinées et validées dans la dernière mouture des recommandations de l’ADA5 puisque sont considérés comme sujets à haut risque de diabète tous ceux qui ont une HbA1c comprise entre 5,7 % et 6,4 %, un taux d’HbA1c ≥ 6,5 % signant la présence d’un diabète. Ainsi, malgré les réticences de certains diabétologues, les recommandations actuelles peuvent être résumées comme ci-dessous. Figure 2. Prévalence de la rétinopathie par tranche de 0,5 % d’HbA1c (DETECT-2). La rétinopathie commence à apparaître lorsque l’HbA1c atteint 6 %. Sa prévalence devient significative à partir de 6,5 % d’HbA1c4. Un sujet est considéré comme diabétique si l’un des critères suivants est rempli : • glycémie à jeun ≥ 1,26 g/l ; • ou glycémie à la 2e heure d’une HGPO ≥ 2g/l ; • ou HbA1c ≥ 6,5 %. L’état de « haut risque pour le diabète sucré » est défini par l’un des critères suivants : • glycémie à jeun comprise entre 1 et 1,25 g/l ; • ou glycémie à la 2e heure d’une HGPO comprise entre 1,40 et 1,99 g/l ; • ou HbA1c comprise entre 5,7 et 6,4 %… Dans ces conditions, un sujet est considéré comme non diabétique si les 3 critères suivants sont remplis : • glycémie à jeun < 1g/l et glycémie à la 2e heure d’une HGPO < 1,40 g/l et HbA1c < 5,7 %.   Quelle attitude pratique adopter ? Notre position personnelle   Les critères que nous venons d’énoncer compliquent indiscutablement la tâche du professionnel de santé puisque l’« élimination » d’un état diabétique chez un sujet donné implique stricto sensu de pratiquer trois examens : une glycémie à jeun, une glycémie à la 2e heure d’une épreuve d’HGPO et une HbA1c. Si un seul de ces critères est dans la zone du diabète, le sujet est diabétique. Si aucun des critères n’est dans la zone du diabète mais si l’un au moins est dans la zone à haut risque, le sujet est dans la zone à haut risque.   En pratique faut-il réaliser les trois examens ? Pour répondre à cette question, il convient de se souvenir que lorsqu’on ne retenait que la glycémie à jeun et la glycémie à la 2e heure d’une HGPO comme critères de diagnostic, la démarche pratique était en général la suivante : – glycémie à jeun < 1 g/l, le sujet était considéré comme non diabétique et on ne pratiquait pas l’HGPO car elle avait peu de risque d’être anormale ; – glycémie à jeun ≥ 1,26 g/l, le sujet était diabétique, l’HGPO devenait inutile ; – glycémie à jeun comprise entre 1 et 1,25 g/l, l’HGPO devenait intéressante pour savoir si le sujet était intolérant au glucose ou diabétique. En pratique, l’HGPO était rarement réalisée car peu commode dans sa mise en œuvre et peu fiable dans ses résultats : grande variabilité chez un même sujet d’un jour à l’autre.   Dans ces conditions, pourquoi ne pas remplacer l’HGPO par l’HbA1c en intégrant les nouvelles définitions de l’ADA ? En adoptant cette solution l’algorithme à utiliser pour le dépistage du diabète devient simple. On pratique une glycémie à jeun. Trois cas de figures peuvent être rencontrés (figure 3) : – le résultat est < 1 g/l, on ne fait rien de plus ; – le résultat est ≥ 1,26 g/l, le sujet est diabétique à condition de confirmer cette anomalie par un deuxième dosage quelques jours après ; – le résultat est compris entre 1 et 1,25 g/l, on refait quelques jours après une glycémie à jeun et une HbA1c.  Si le résultat est retrouvé entre 1 et 1,25 g/l avec une HbA1c< 6,5 %, le sujet est confirmé comme étant à haut risque pour le diabète. Si le résultat de la glycémie est retrouvé entre 1 et 1,25 g/l avec une HbA1c ≥ 6,5 %, le sujet est considéré comme diabétique (figure 3). Figure 3. Correspondance entre glycémie à jeun et HbA1c. Le sujet est diabétique si la glycémie à jeun est ≥ 1,26 g/l et/ou si l’HbA1c est ≥ 6,5 %. Le sujet est normal si la glycémie à jeun est < 1g/l et l’HbA1c < 5,7 %. Le sujet est à haut risque de diabète dans les autres cas de figure : glycémie à jeun comprise entre 1 et 1,25 g/l et/ou HbA1c comprise entre 5,7 et 6,4 %.   Conclusion   L’HbA1c considérée jusqu’à présent comme un marqueur de suivi du diabète sucré, apparaît aujourd’hui comme un critère diagnostique. Notre opinion est que les mesures de la glycémie à jeun et de l’HbA1c ne sont pas contradictoires et qu’elles sont même complémentaires à condition de hiérarchiser chronologiquement l’ordre des examens : glycémie à jeun en premier et dosage de l’HbA1c pour confirmer ou infirmer le diagnostic initial. En revanche, nous ne comprenons pas pourquoi l’hyperglycémie provoquée orale, examen coûteux et peu fiable, est conservée parmi les tests diagnostiques. Si on souhaite simplifier la tâche des professionnels de santé et augmenter la lisibilité des recommandations, il faudra bien qu’un jour disparaisse cet examen un peu rétrograde et d’un intérêt mineur.

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